J'aime bien découvrir des activités que je n'ai encore jamais pratiquées : depuis trois-quatre ans, j'ai fait l'expérience du rafting, du kayak, des raquettes de neige, du V.T.T., de l'escalade... Je rêve encore de faire du parapente, de la plongée sous-marine, du voilier (en autonomie et sans moniteur, si un jour j'y arrive). J'ai encore du pain sur la planche. Ce dimanche, nous allons pour la seconde fois, en ce qui concerne notre famille, faire de l'escalade au Mondarrain sous la houlette de John et de Max. Nous avons changé de point de départ et empruntons un sentier qui ménage une montée plus douce que la fois précédente (sauf pour le dernier "rampaillon", inévitable et vraiment raide). La température est modérée, adoucie par des passages nuageux assez haut dans le ciel, et cette luminosité particulièrement agréable (et typiquement basque) met en valeur les couleurs variées de la végétation, faisant vibrer la palette des verts balayée par les ombres du ciel. La bruyère rose-mauve tapisse le sol de ses buissons bas en pleine floraison et nous montons dans les longues herbes et les fougères dont émanent des bouffées de chaleur odorante, des sauterelles bondissantes et le crissement des grillons. Enfin nous atteignons le sous-bois de vieux arbres moussus aux troncs multiples accolés aux roches qu'ils contournent et enserrent dans leurs racines tels des boas constrictors avalant leurs proies. Cette forêt semble magique et je m'attends à tout instant à voir surgir des branches ou d'une anfractuosité de roche un dieu Pan charmant de sa flûte une nymphe sylvestre. Après nous être faufilés à travers un chaos de roches nous débouchons sur l'esplanade ombragée d'où nous pourrons à loisir admirer les exploits des acrobates qui escaladent la paroi tout en grignotant un gâteau sec ou en lisant un livre, allongés sur l'herbe et le dos appuyé contre une roche.

L'escalade est une activité qui plaît particulièrement aux adolescents, exceptionnellement enthousiastes pour venir avec leurs parents (contrairement à la randonnée pure qui n'éveille aucune sensation ludique chez ces jeunes). John monte au sommet par la pente douce pour installer avec Nico la corde salvatrice. Il descend en rappel avec une grande facilité et commence à faire monter ses compagnons sous la surveillance de Max tandis que les aînés et les plus jeunes s'intéressent d'abord au pique nique. Une fois rassasiée, je m'essaye à grimper à mon tour, non sans mal, mais je le prends comme un défi, encouragée dans les passages difficiles par Max, en haut, appareil photo à la main, et John, en bas, qui m'assure et m'évite la chute mortelle à plusieurs reprises. La roche, orientée nord, est humide et glissante, parfois légèrement moussue, et mes chaussures de toile pourtant neuves, à la semelle de caoutchouc crantée, y trouvent difficilement prise. D'autre part, je commets l'erreur commune à tous les débutants, cherchant d'abord à étendre les bras pour me tirer vers le haut, alors qu'il vaut mieux trouver une anfractuosité plus haute pour les pieds et se pousser en dépliant les jambes, pour éviter la fatigue qui tétanise les muscles. Evidemment, je n'ai pas la souplesse des jeunes, et il m'arrive de rester coincée un long moment à un endroit, en quête désespérée d'une prise que je cherche en aveugle en tâtant la paroi de toute part. J'ai du mal à tirer parti de la plus petite pointe, du creux qu'il faut tenir par en dessous ou par le côté, je n'arrive pas à m'élancer sur mes jambes en me plaquant simplement le corps contre la paroi légèrement oblique, comme font Nico et John, nos modèles. C'est qu'ils vont tellement vite que l'élan les soutient et leur permet d'attraper dans le mouvement des creux ou bosses difficiles à atteindre et à exploiter lorsque l'on est plus statique (et même carrément lourd). Je suis contente, j'ai quand même réussi à atteindre le sommet, l'honneur est sauf. Richard et Jean-Louis, plongés tous deux dans leurs bouquins, prennent la suite un peu plus tard, chaque tentative échouée étant accompagnée de quolibets et commentaires divers, mais également d'encouragements dans les passages difficiles. Jean-Louis abandonne au milieu, peu motivé. Richard triche en grimpant juste avec les pieds et en se tirant avec la corde à laquelle il est suspendu par le harnais (et qui ne devrait servir que de protection en cas de chute ou dérapage). Peu content de lui, il recommencera un peu plus tard et grimpera quasiment sans aide jusqu'au sommet. Jean et Fabien montent également, de même que les benjamins Anna et Jonathan. Les jumeaux, Agnès, Sammy, Michèle et Jean-Louis B. préfèrent rester spectateurs. Les enfants jouent partout entre roches et arbres et poussent des cris joyeux (et perçants mais qui ne gênent personne). Les chèvres font leur partie d'escalade en virtuose dans le calme et la discrétion, en contrebas. Des pottoks passent avec leurs poulains, accoutumés à la présence des humains sans la rechercher particulièrement. Quelques vautours planent au-dessus de la vallée, dont j'admire le plumage brun clair cerné de noir du dos et du dessus des ailes (les plumes du ventre et du dessous des ailes étant beaucoup plus sombres et unies). Il suffit de faire quelques pas pour contourner la montagne et trouver un endroit calme pour plonger dans une petite sieste ... ce que je fais. Ensuite, je grimpe au sommet admirer la vue panoramique puis retourne escalader une nouvelle paroi plus difficile. Je regarde d'abord un long moment nos champions pour mémoriser l'endroit par où ils passent. Fabien peine beaucoup et n'atteint pas le tiers de la hauteur. Jean a du mal également. Richard, trouvant que leur point de départ ne lui convient pas, entreprend la montée par une pente sur le côté sur laquelle il rampe, avant de se redresser un peu plus loin, mais il se retrouve également rapidement en difficulté. Je voudrais tenter ma chance, pour me faire une idée par moi-même, sans illusion sur mes chances de réussite. Je commence comme Richard par le côté, mais en station debout. La roche bombée oblige à avancer le ventre creusé, en position courbée, avec des prises infimes et glissantes . Brusquement, je me détache en criant : comme je suis excentrée par rapport au point d'ancrage de la corde qui me soutient, je tombe en faisant le balancier latéralement et me cogne à plusieurs reprises contre les roches avant de pouvoir mettre pied à terre. Que d'émotions ! Je suis contente, j'ai essayé, mais je vais avoir un gros bleu ! Nous sommes restés toute la journée là sans nous ennuyer un instant. Il est déjà 8 heures du soir, il n'est plus temps d'aller à la plage comme c'était prévu. Les enfants redescendent la montagne en courant, tandis que les adultes font halte un moment à mi-pente pour admirer les teintes vespérales de la campagne qui baigne dans une lumière dorée et se laisse peu à peu envahir par les ombres.

 

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