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Sur le parking du fronton, dans la partie haute de Bidarray, nous nous comptons : il y a deux défections et deux nouvelles recrues, nous formons donc un petit groupe de dix bons marcheurs amoureux de la montagne. Chacun s'équipe, se charge du sac à dos, et c'est parti !
Le démarrage est rude. Finalement, ce n'est pas si mal que le ciel soit couvert. Il faut monter quasiment la valeur d'une Rhune (soit environ 900 mètres de dénivelé) pour atteindre les crêtes, et ce n'est pas une mince affaire ! Très vite, nous sommes tous en sueur, et retirons pulls et sweat shirts, malgré le passage dans des sous-bois à l'ombre légère et fraîche. Nous nous ménageons des haltes reconstituantes, nous désaltérons et partageons des barres de céréales, fruits secs ou autres aliments riches en sucres. Pour le souffle, pas de problème : nous devisons et chantons un répertoire très varié de chansons tout en grimpant. C'est Alain le meilleur : grâce à sa mémoire, à son goût pour la musique, ... et à sa pratique assidue des boîtes de nuit ..., il connaît par coeur l'intégralité des textes des chansons de tout style, c'est époustouflant !
Les grillons des prés envahissent l'air de leurs crissements, les oiseaux vocalisent dans les bois, le paysage est très varié et nous ne nous lassons pas de l'admirer. A un embranchement, fatigués de monter, nous nous trompons (presque) volontairement de chemin pour continuer à mi-pente sur un sentier quasiment à l'horizontale. Mais Max, toujours en tête pour nous photographier de face et non de dos, a pris, lui, consciencieusement le GR10. Pendant plus d'une demi-heure, nous le perdons de vue et Rose s'inquiète. Elle monte avec Christine jusqu'aux crêtes où il nous attend depuis un bon moment, interloqué de ne pas nous voir arriver. Le groupe reconstitué, nous nous arrêtons un peu plus loin pour pique niquer. C'est là que nous réalisons que nous sommes sur un vrai boulevard, que dis-je, les Champs Elysées ! Un vrai défilé de promeneurs passe devant nous et nous salue. Nous parlons avec un jeune Belge qui marche, avec ses 20 kilos sur le dos, depuis la côte atlantique. Il compte ensuite faire du stop pour atteindre l'Andorre, d'où il reprendra le sentier à pied jusqu'à la Méditerranée : un sacré périple pour un mois de vacances en solitaire ! Cela le change du plat pays ! Christine reconnaît tout d'un coup une vieille connaissance et échange joyeusement les dernières nouvelles. J'ai la surprise de voir moi-même une tête connue, institutrice à la retraite qui s'est occupée de mes enfants. Alain retrouve également deux de ses élèves, des dames âgées toutes étonnées de voir leur maître-nageur évoluer en haut de la montagne.
Délestés d'un bon poids, l'humeur égayée par le vin rosé de Richard et le vin rouge de Jeannot, le nougat de Rose et le chocolat de Christine, nous reprenons la marche en longeant au plus près la falaise. Des chèvres sont perchées sur les aspérités d'une barre rocheuse irrégulière, perpendiculaire à la nôtre, qui dégringole vers le bas, peu enclines à se laisser déranger par tous ces humains et sûres de leur refuge inaccessible, d'où elles dominent un petit troupeau de moutons dans le vallon, taches blanches disposées dans l'enceinte d'un cercle sur fond vert. Les vautours profitent de la vue qui se dégage pour surveiller leur territoire en planant en courbes ascendantes ou descendantes. J'admire leurs plumes du dessus, brun clair moucheté de sombre, les rémiges largement écartées pour stabiliser le vol et la tête mobile, toujours aux aguets. Un oiseau de proie plus petit, peut-être un faucon, se laisse tomber comme une pierre et redresse au dernier moment son vol, sans doute avec un mulot ou un levraut dans les serres.
Bien sûr, cette théorie est moins spectaculaire que celle de la pluie de météorites qui aurait plongé la Terre dans une obscurité profonde, les poussières en suspension dans les airs faisant obstacle au passage des rayons lumineux. Par suite, les réactions chlorophylliennes des plantes vertes en auraient été inhibées, et donc le processus de création permanente d'oxygène ainsi que le développement de la base de la chaîne alimentaire. D'autre part la température au sol serait descendue de plusieurs degrés, tuant ainsi nombre d'espèces végétales et animales.
Après après notre halte trop brève et la montée annoncée, que nous trouvons difficile en ces heures chaudes de début d'après-midi, mais moins longue que prévue, nous amorçons la longue descente. Je ne suis pas tranquille : les muscles de mes cuisses tremblent et mes genoux me semblent peu sûrs. Nous évoluons dans un sentier raviné, à la poussière ocre glissante parsemée de gros cailloux instables. Ce n'est pas mieux de marcher à côté, dans l'herbe amassée en touffes irrégulières et mobiles sous le pied qui se tord. Heureusement que j'ai les bâtons pour m'aider. Finalement, c'est plus dur de descendre que de monter, surtout avec la fatigue dans les jambes. De temps à autre, je me retourne pour admirer la chaîne montagneuse qui s'éloigne progressivement. Une ombre géante m'effleure rapidement. Est-ce un archoeopteryx, ce grand reptile volant aux os creux, ancêtre de nos contemporains les oiseaux ? Je lève la tête : à quelques mètres à peine, un vautour à l'envergure imposante passe en silence par dessus un escarpement rocheux.
Nous revenons à Bidarray récupérer les autres voitures ; les plus pressés s'en vont, tandis que nous restons à cinq. Nous dépensons ce qui nous reste d'énergie à faire une partie de pelote, ou du moins, à essayer, car seul Pierre en est adepte. Nous autres, joueurs de tennis, avons des difficultés à nous adapter à la dureté de la balle, la lourdeur de la raquette en bois, et surtout sa dimension, inférieure à celle de tennis, qui fait que je rate le plus souvent la balle ou ne la touche que du bout de la pala ... Nous terminons la journée autour d'une superbe omelette baveuse et d'une salade de crudités plantureuse, assortie d'un bon verre de bière !
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