Soum de Grum

Quel temps ! Les averses se succèdent tandis que nous roulons vers Laruns. Nous craignons le pire mais nous bavardons comme si de rien n'était. Heureusement que le temps s'éclaircit à notre arrivée dans la vallée d'Ossau. En plus, nous avons la bonne surprise de n'avoir à nous soucier de rien pour les repas du week-end : Serge, Maïté et Jean-Marc ont fait les emplettes de bonne heure au marché du village, nous sommes assurés de nous régaler - pâté, saucisson, poulet fermier, rôti de boeuf, jambon, fromage de vache et de brebis, pain de campagne..., rien ne manque. Et, pour le soir, nous venons à la cuisine tour à tour inspirer l'odeur divine des cèpes (ils nous font d'abord croire qu'ils ont passé la matinée à les chercher dans la montagne !) : voilà qui va nous motiver pour la marche de l'après-midi. Nous installons nos affaires dans le gîte rustique, mais spacieux, et prenons les voitures pour monter au col d'Aubisque (1709 m) où Jean-Marc s'est déjà rendu en l'espace d'une heure et demie de montée à vélo (et une demi-heure de descente) en fin de matinée.

Après le pique-nique sur un flan ensoleillé et abrité du vent, Denise, Maïté et Jean-Marc vont prendre un café au col en attendant les enfants qui montent avec nous au Soum de Grum (1870 m). Là, nous faisons connaissance avec un guetteur, muni de jumelles, qui surveille le déroulement du Raid Bacarisse, course d'orientation le samedi et parcours VTT le dimanche, en orientation également, organisé par Pyrénéa Sport. Les sportifs (30 équipes de 2) doivent récolter un maximum de points en repérant des balises sur une surface d'une vingtaine de kilomètres carré autour du Soum de Grum. Munis d'une carte au 1/25000ème agrandie pour l'occasion, ils organisent leur quête en tâchant de ne pas courir en tous sens et en évitant de monter et descendre inutilement. Cette course se fait sur une durée maximale de 6 heures. Suivant leur motivation, certaines équipes s'arrêtent pour manger un morceau et d'autres pas. Nous apercevons quelques concurrents, affairés, puis les nuages recouvrent le paysage d'une cape ouatée : pas évident de s'orienter dans ces conditions !

Les enfants redescendent au col et rejoignent les trois chauffeurs qui les emmènent au gîte. Après nous être enquis du chemin, nous nous dirigeons vers le col de Louvie, par le col de la Houcette, en contournant le Turon de Lénia dont les consonnances espagnoles contrastent avec le nom béarnais du Soum de Grum et atteste des influences aragonaises en vallée d'Ossau, qui était une entité indépendante au Moyen-Age, mais ouverte à ses voisins. Suivant les mouvements des masses nuageuses, nous trouvons parfois le chemin évident, et parfois moins. Des discussions s'amorcent entre Serge, Richard, Peyo et Max. Jean-Louis et moi espérons que nous ne ferons pas de trop longs détours : les cèpes nous attendent ! Nous observons les prairies dévastées par les sangliers. Les mottes d'herbe sont retournées sur des centaines de mètres carré. Combien pouvaient-ils être pour faire de pareils dégâts ? Et où se terrent-ils ? Ici, pas de cachette possible, mis à part quelques buissons éparses. Serge et Richard plaisantent : ils sont peut-être sous terre, couchés sur le dos, juste là ? En fait, ils viennent de l'aval où poussent des forêts touffues sur les pentes abruptes. Une entente difficile doit se faire entre les gestionnaires du Parc National et les chasseurs. Ces derniers se plaignent de la pauvreté de leur tableau cynégétique et veulent en lâcher ! Pourtant, nous sommes témoins, ils doivent être très nombreux.

Ce n'est pas comme l'ours, présent également dans cette zone, dont nous ne verrons pas trace. L’ensemble des données récoltées par le Réseau Ours (215 données) permet d’estimer à 5 l’effectif minimal de la population dans la vallée d'Aspe et la vallée d'Ossau, qui comprend : Papillon, probablement le plus vieil ours pyrénéen, grand mâle d’environ 200 kg, suivi avec certitude depuis 1980, et père de Pyren, né en 1995, de l’ourson né en 1998, et de celui né en 2000 ; Camille, mâle d’environ 15 ans et 120 kg, à pelage clair, a été sage en 2000 et n’a pas commis de dégâts en Espagne ; Chocolat, mâle d’environ 90 kg à fourrure foncée ; Cannelle, mère de Pyren, de l’ourson né en 1998, non encore baptisé, et de celui né en 2000 ; Pyren, mâle subadulte né en janvier 1995, qui a quitté sa mère au printemps 1997, n’a pas été repéré en 2000 ; l’ourson né en janvier 1998, dont la présence a été repérée en juillet 1998 grâce à deux clichés photographiques et une observation de visu, ainsi que de nombreuses traces et indices, dont le sexe est inconnu, n’a pas été repéré en 2000 ; un ourson né en 2000, dont le sexe n’a pas pu être déterminé, par manque de prélèvements suffisants en bon état de conservation. Selon d'autres sources, il y en aurait une douzaine répartie sur toute la chaîne des Pyrénées, dont 5 à 6 autochtones en Béarn et 6 de souche slovène en Pyrénées centrales, avec seulement 3 femelles au total, ce qui paraît insuffisant pour assurer la survie de l'espèce.

La descente est longue jusqu'à Laruns, et les orteils deviennent douloureux, à force d'être comprimés vers l'avant de la chaussure. Une bruine tombe de temps à autre, alors que le soleil éclaire le versant opposé en un éventail de rayons filtrés par les nuages : que c'est beau ! Les odeurs sont avivées par l'humidité et nous surveillons les bas-côtés dans l'espoir de découvrir des cèpes. Le problème, c'est qu'il n'y a ni chêne, ni châtaigner, seulement des hêtres et des buissons de noisetiers dont je déguste les premières noisettes à peine formées et encore laiteuses, à la saveur douce et onctueuse. Nous traversons le hameau de Listo (encore à consonnance espagnole) qui fait partie du village de Louvie-Soubiron. Un beau lavoir de pierre bâti à l'ancienne commémore le décès d'un concitoyen emporté par une avalanche. Ici, hormis l'élevage, la fabrication de fromage de brebis, la chasse et la pêche, on vit également de l'exploitation de carrières de marbre blanc et de mines de fer (encore ouvertes ?), mais nous ne les voyons pas. Une centrale hydroélectrique fournit l'énergie au village et à la vallée.


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