Incursion en vallée d'Ossau (11 mai 2002)

Mademoiselle Poyet, professeur d'allemand au collège d'Endarra, a demandé que des parents l'aident à encadrer la soixantaine de jeunes français et allemands en excursion en vallée d'Ossau. C'est ainsi que j'ai pu profiter du voyage. Chemin faisant, j'aperçois dans les champs fraîchement labourés des cigognes qui picorent à découvert, et un peu plus loin, quelques échassiers plus minces, plus petits et tout blancs, sans doute des ibis. Ils se reposent sans doute et prennent des forces au cours de leur migration. Nous laissons les 4èmes et leurs correspondants à la maison de la falaise aux vautours et le bus nous dépose sur le plateau du Benou, sur un sentier d'Emilie. C'est la chapelle de Houndas qui sert de point de repère. Elle a été érigée au XVIIIème siècle, en action de grâce après que les troupeaux aient été épargnés de la peste bovine qui a décimé tout le cheptel alentour.

C'est Jean-Pierre Dugène qui nous guide, personne qualifiée s'il en fût, chercheur autodidacte qui a écrit deux livres sur l'histoire de la région. Au passage, il nomme quelques fleurs, l'orchis (nom générique pour les orchidées, et que je prenais pour une jacinthe sauvage), le myosotis et l'euphorbe réveille-matin. Cette dernière, dont la fleur aux pétales vert clair se confond avec les feuilles, se consommait autrefois sous la forme d'infusion dont les propriétés très diurétiques faisaient dire qu'aussitôt avalée, il fallait se lever d'urgence pour aller se soulager... d'où l'appellation "réveille-matin". Un peu plus loin, pendant que les nuages se lèvent un peu et dégagent la vue sur les montagnes enneigées, il nous fait remarquer trois à quatre bergeries alignées, construites sur un modèle immuable. D'abord, une sorte de petit appentis constitue le logement du berger, où il n'y a place que pour la cheminée, un couchage (sans doute à même le sol) et un placard creusé dans le mur épais à mi-hauteur. Puis, accolé, le long bâtiment de pierre recouvert d'ardoise où les bêtes peuvent entrer par un large portail attenant possède souvent sur l'arrière une deuxième ouverture pour les approvisionner en fourrage, à laquelle on peut accéder par un plan incliné de terre où l'herbe pousse. Il s'agit là d'une première halte sur la route des estives, utilisée au printemps et en automne. Dans une vaste dépression en contrebas où coulent des ruisseaux qui stagnent en mares et tourbières, des vaches paissent. Quelques unes près du sentier tournent leur grosse tête vers notre groupe bruyant et l'une s'avance, provoquant un petit mouvement de panique et les cris de ces jeunes citadins (et citadines).

La promenade est courte (deux kilomètres) : il ne faut pas abuser de la bonne volonté de ces adolescents qui, curieusement aux dires de leur professeur de français, ne protestent pas. Nous en profitons pour jouer les prolongations et nous faisons déposer de nouveau par le bus en haut du village de Bielle que nous traversons à pied jusqu'à la route nationale (rien que de la descente, promet le professeur). Là, notre guide nous fait remarquer la porte cochère en arc plein cintre, signe d'une époque où bêtes et gens pénétraient dans la maison par le même accès (les animaux vivant au rez-de-chaussée tandis que les humains se réservaient l'étage supérieur). Par contre, en face, une porte rectangulaire de taille plus restreinte où est indiquée la date (1901) montre le changement de mœurs : cette entrée n'est plus empruntée par les animaux. Les pierres de taille sont en marbre gris local, non lissé, de même que les ardoises des toits extraites au-dessus du plateau du Benou. On y trouve par ailleurs un marbre rouge très prisé dont les maisons patriciennes des grandes villes voisines ont orné l'intérieur de leurs maisons.

Plus bas, un petit moulin abandonné se dresse en bordure du ruisseau. Il ne faut pas oublier que les céréales poussaient jusqu'à une haute altitude, souches bien plus rustiques que de nos jours, afin d'assurer l'autosuffisance des populations montagnardes. Sur un mur d'une maison, à la hauteur du premier étage, une excroissance à moitié démolie montre aux yeux des passants un ancien four à pain éventré. Les fours ont d'abord été collectifs, puis les habitants se sont équipés, agrandissant sur l'extérieur leur cuisine. Une pierre sculptée en forme d'angelot orne une façade : il y avait autrefois dans la vallée un couvent de bénédictines qui a été brûlé lors des guerres de religion, puis détruit à la révolution française. Les habitants du village en ont récupéré quelques éléments que l'on retrouve dans leurs maisons.

Après la pause déjeuner, les groupes permutent, et c'est notre tour de visiter la maison aux vautours à Aste-Béon. Un milan plane à quelques mètres au-dessus du gave d'Ossau dont les eaux torrentueuses hébergent des truites qui font la joie des pêcheurs. Les villages de la région se sont unis pour persuader les protecteurs de la nature en général et des vautours en particulier, de l'utilité de placer des caméras sur la falaise afin d'observer les nids des oiseaux sans les déranger. En effet, les vautours, vers les années soixante-dix, étaient en voie de disparition. Il n'en restait qu'une dizaine de couples, car ces oiseaux ont mauvaise réputation, ils étaient chassés, empoisonnés, il se pratiquait un trafic d'œufs très important, et comme ils ne pondent qu'un œuf par an, leurs jours étaient comptés.

Des mesures draconiennes ont été prises pour sauvegarder cet animal très utile. En effet, le vautour fauve (qui atteint les 2,80 mètres d'envergure) est essentiellement charognard. Son estomac est immunisé contre les bactéries et autres microbes qui pullulent dans les bêtes mortes en train de se décomposer et, en les consommant, il évite ainsi la propagation de maladies dans les troupeaux et l'infestation des eaux. Aujourd'hui, ils sont plus de deux cents et certains cas isolés d'attaques d'agneaux encore vivants ont été signalés : il s'agirait très probablement d'animaux affaiblis et malades, assure la jeune femme du centre, et non d'un changement de comportement des oiseaux. Pendant quelques temps, des aires de nourrissage ont été régulièrement approvisionnées qui deviennent maintenant moins utiles.

Cependant, on ne peut pas dire encore qu'il y ait surpopulation, il y a suffisamment de troupeaux pour qu'ils trouvent de quoi se nourrir, et de falaises où nicher en toute sécurité désormais. Un couple de vautours percnoptères niche également dans la falaise. Plus petit, il a une tête toute ébouriffée, un bec jaune, et une alimentation diversifiée, puisqu'il ne dédaigne pas les petits animaux vivants, mulots, musaraignes, serpents ou truites. C'est lui qui prend des os entre ses griffes pour les projeter d'une grande hauteur sur les rochers afin de les briser et d'en manger les petits débris et la moelle. Il utilise également les pierres comme outils pour casser des œufs afin d'en manger le contenu : des animaux très futés. Ils ne vivent en vallée d'Ossau qu'une partie de l'année et migrent le reste du temps en Afrique du nord. Comme ils ne sont pas bagués, on ignore encore si c'est toujours le même couple qui revient dans ce nid. Il vit une vingtaine d'années, alors que le vautour fauve a une longévité plus grande d'environ trente ans.

Projet d'article pour le journal Sud-Ouest, à la demande de Mlle Poyet
Le collège Endarra d'Anglet reçoit les jeunes Allemands d'Ansbach
Fleurs en bouton ou déjà bien épanouies, brins de blé vert de tailles disparates, les filles et les garçons de 13 à 15 ans, élèves de Mlle Poyet, professeur d'allemand au collège Endarra d'Anglet, ont reçu leurs homologues du Theresien Gymnasium d'Ansbach, ville jumelée d'Anglet située en Franconie (région au nord-ouest de la Bavière).
Suivant une tradition maintenant bien établie, ils ont alterné cours au collège, visites culturelles et excursions sportives, sans oublier le temps
  indispensable passé en famille, sans lequel l'immersion ne serait pas parfaite. Les élèves de 3ème connaissaient leurs correspondants auxquels ils avaient rendu visite à Ansbach l'an passé, tandis que c'était le premier contact des 4ème avec de jeunes Allemands.
Arrivés à l'aéroport de Parme le jeudi 9 mai 2002 sous les trombes d'eau, le temps n'a cessé de s'améliorer pendant ces quinze jours, et ils ont pu découvrir les joies de bains de mer printaniers rafraîchissants.
  La magie du groupe a opéré : passé un petit temps d'adaptation, chacun s'est ouvert à l'autre, les Français parlant en allemand et les Allemands en français, alliant gestes et mimiques pour compenser un vocabulaire défaillant et terminant dans un éclat de rire partagé.
Parfois, le contact est allé plus loin, et l'amitié naissante s'est muée en amour juvénile et fugace, déclenchant des pleurs irrépressibles à l'heure du départ…
Texte rédigé par Cathy Constant-Elissagaray