Les sentiers de Pierre(s)

C'est toujours pareil : lorsque la journée s'achève, nous avons l'impression d'avoir profité d'une semaine entière de vacances, alors que seulement quelques heures se sont écoulées, mais quelles heures !

Au programme de ce dimanche, VTT, c'est à dire vélo tout terrain, c'est ce que Richard, Jean-Louis et Max tentent d'expliquer à Jean-Louis B. qui avait dans l'idée d'emmener Élisabeth : ils le lui déconseillent tous trois avec ardeur - le VTT, ce n'est pas du vélo de route, d'abord, nous serons en montagne, donc les pentes seront abruptes, qu'elles soient à monter ou à descendre, et puis, il n'y aura pas de goudron ni même, la plupart du temps, de piste, mais uniquement quelques sentiers souvent parsemés de rochers plus ou moins gros. Moi, je ne suis pas contente : par principe, je n'aime pas que les hommes décident à la place des femmes de ce qui est bon ou mauvais pour elles. Je préférerais qu'Élisabeth vienne, puisqu'elle aime le vélo (de route), et qu'elle tente le coup, au moins pour voir. Évidemment, Jean-Louis B. connaît sa femme mieux que je ne la connais : il craint qu'elle ne se retrouve bloquée, découragée, épuisée, dégoûtée, et comme nous faisons un aller simple, le problème qu'elle posera au groupe risque d'être énorme puisque la seule solution sera de continuer pour rejoindre les voitures. Bref, c'est Jean-Luc, ravi de l'aubaine et de la place qui se libère, qui profitera de la sortie organisée par Pierre.

Le départ de Bidarray est fixé à 8 heures 30, mais comme c'est le week-end de Pâques, il y a changement d'heure, nous aurons une heure de moins ce jour-là, ce qui signifie que nous nous réveillons à 6 heures (7 heures à la montre) pour démarrer à 8 heures moins dix car il faut plus d'une demi-heure de route d'acheminement depuis Anglet. Max, toujours très serviable, a mis à notre disposition les vélos de sa famille qu'il a chargé la veille dans sa voiture, il passe prendre Richard, s'arrête devant chez nous pour nous donner le signal du départ et continue sans attendre car il devra remonter les vélos sur le parking de Bidarray. Nous faisons un détour pour acheter le pain frais du pique-nique et rejoignons le groupe. Jean-Louis B., Jean-Luc, Pierre et Rose arrivent peu après, tandis que nous avons déjà lié connaissance avec Laurent, notre convoyeur. Il a une fourgonnette à 8 places qui tire une remorque équipée spécialement pour porter des vélos en grande quantité. En principe, il ne fait pas de portage "sec" comme aujourd'hui, mais a pour métier d'accompagner des groupes de cyclistes dans la montagne pour les guider et leur assurer le support technique, autant que l'organisation logistique. Il vient d'Anglet lui aussi et nous emmène jusqu'en haut du Gorramakil - normalement, nous devions démarrer du col d'Otxondo, mais nous avons préféré au dernier moment partir du sommet pour bénéficier du paysage panoramique et d'une descente plus longue. Laurent s'en va vite, avant que nous ne changions de nouveau d'avis. Chemin faisant, il a bavardé avec Richard et Pierre, assis devant, et leur a signalé qu'à son avis les sentiers du vallon que nous avons choisi d'explorer n'étaient pas très "roulants". Évidemment, quand il a la responsabilité de groupes, il ne veut pas leur faire subir de galère ni prendre le risque de casse ou d'accident, quoique ce ne soit pas toujours possible à éviter. Il nous relate une péripétie pour illustrer ses dires. Lors d'une de ses randonnées accompagnées, une de ses cyclistes tombe et un caillou à grosse section carrée s'enfonce profondément dans sa main. Laurent s'avance mais une participante l'écarte d'un bras ferme contre son torse en clamant, "je suis médecin, laissez-moi faire". Elle bataille, elle bataille, mais elle n'arrive à rien. Laurent l'écarte à son tour, "vous êtes peut-être médecin, mais moi, je suis mécano !", et en deux temps trois mouvements enlève l'écharde de pierre. Le sang jaillit à 30 centimètres de hauteur, Laurent prend son nécessaire de premiers secours, effectue un pansement qui permet à la blessée de poursuivre les activités de la journée sans problème. Les compagnons se moqueront durant toute la journée de cette dermatologue peu efficace qui n'en voudra pourtant pas à Laurent, puisqu'elle se mettra dans le même bateau que lui lors de leur descente en raft, l'ayant jugé sans doute d'une efficacité rassurante et digne protecteur du groupe...

Le vent souffle fort au sommet du Gorramakil et nous enfilons nos vêtements chauds. Le temps est clair et nous admirons la vue tout en essayant nos vélos. Il faut débloquer un frein qui appuie trop sur une roue, remettre la chaîne sur les pignons de mon vélo, descendre les selles pour pouvoir mettre facilement pied à terre. Pierre roule sur l'herbe rase parsemée de rochers et creusée d'ornières (dues à la pluie ou au passage des moutons ?) pour entraîner les deux néophytes, Jean-Louis B. et Jean-Luc : "Dans la pente, il faut se tenir très en arrière, les pédales à l'horizontale (pour ne pas cogner contre le sol inégal), ne pas trop freiner, viser loin pour repérer les obstacles, si la roue avant passe, l'arrière suivra !". Jean-Louis n'en a fait qu'une fois, à Fontarrabie, et moi deux, j'ai ajouté Ascain à mon palmarès : nous avons besoin également d'un peu de remise en jambes pour nous accoutumer à cette conduite sur terrain chaotique. Enfin, comme il y a une route en dalles de béton qui a été aménagée pour faciliter l'accès des camions et engins lors de la construction de l'antenne et de son bâtiment technique, j'en profite tant que je peux. Nous la quittons pour prendre une piste de terre que nous reconnaissons : nous l'avions empruntée lors de notre balade d'Erazu au Gorramendi, le mont jumeau du Gorramakil. En bas, un gros bourg est visible, sans doute Elizondo, d'après Richard, et non Erazu comme je le pensais, qui est bien plus petit et caché derrière une colline. Dans la direction où nous allons, mais sur l'autre versant du vallon, un immense panache de fumée s'élève : l'interdiction d'écobuage n'est pas valide en Espagne, mais seulement en France, et l'incendie s'étend, dont nous voyons les flammes avancer sur un front vertical qui occupe presque toute la hauteur de la montagne. Richard s'exclame : "Écoutez, on entend le crépitement des broussailles qui flambent !". Je ris : "Mais non, c'est le bruit du torrent tout en bas !". Nous nous déplaçons pour mieux écouter. Effectivement, il y avait peut-être bien le grondement des eaux, mais il est maintenant couvert par les claquements aigus des fougères et des branchages dévorés par le feu. Nous sommes loin, heureusement, et ne courons aucun risque, mais la puissance de la fournaise est impressionnante et nous restons un moment à observer l'épaisseur des fumées aux couleurs changeantes dont les émanations bougent au gré du vent. Jean-Luc, qui est pompier depuis peu, nous explique que les accidents mortels sont plus souvent dus à l'asphyxie qu'à la brûlure des flammes. Pris dans les fumées, aveuglés par les larmes, les gens ou les animaux n'ont que peu de temps pour trouver une issue avant d'étouffer. Autant Jean-Luc est d'accord pour courir des risques à sauver des gens pris dans un incendie accidentel, autant il enrage lorsqu'il est appelé en montagne dans des sites inaccessibles pour lutter sans espoir de réussite contre les feux allumés par des paysans criminels qui ne surveillent rien, n'ont pas préparé d'espaces coupe-feu, et laissent aux pouvoirs publics la charge de protéger les personnes et les biens. Le temps est anormalement sec pour la saison et le vent du sud attise les flammes qui montent à trois mètres, progressant inexorablement sur la pente en laissant un paysage noir, dévasté, lugubre.

Nous quittons la piste pour un sentier plus étroit. Il semble que nous soyons sur une portion de cette fameuse "voie des gentils", route romaine aux larges pierres solidement ajustées que nous cherchions l'autre jour. D'ailleurs, un peu plus loin, nous passons sur un magnifique petit pont de pierre à l'arche de plein cintre, perdu à mi-flan en pleine montagne et au milieu de la forêt, qui nous semble un peu irréel, œuvre d'art située hors de toute agglomération, comme ces cromlechs que nous trouvons parfois. Nous ne pensons guère possible que ce soit les pèlerins en route vers Saint Jacques de Compostelle, au plus fort de la "Reconquista" (reprise de l'Espagne aux musulmans par les chrétiens), qui aient pris la peine de le bâtir. Pierre, Richard, Max et Rose se rient des difficultés et bavardent ou chantent à tue-tête en dévalant sur les cailloux. Les deux Jean-Louis, Jean-Luc et moi avançons avec plus de prudence et je mets souvent pied à terre, préférant pousser le vélo ou même le porter plutôt que de subir les chocs répétés dans mes bras et mes jambes et pour laisser reposer les paumes de mes mains rougies par l'effort du freinage en continu. Les feuilles mortes forment parfois un tapis amortisseur bienvenu mais cèlent également des fondrières où les roues s'enfoncent brusquement et se bloquent entre deux rochers invisibles. Le premier passé avertit les autres du danger et nous passons sur le bord, les pieds posés avec méfiance sur les galets découverts tandis que nous poussons le vélo sur les feuilles et dans la boue traîtresse. De petits ruisselets dévalent les flans et traversent le sentier : il faut prendre l'élan pour pédaler entre les rochers sans déraper ni mettre pied à terre afin de ne pas se mouiller. Pierre nous signale un passage dangereux : l'eau glisse sur des dalles plates, strates obliques recouvertes de mousse invisible qui les transforme en véritable patinoire. Il faut mettre pied à terre et avancer avec prudence en recherchant les endroits secs. Mon pied dérape, ouf, je suis passée !

Nous sommes à flan de montagne, dans la forêt encore claire qui se pare timidement de ses nouvelles feuilles. Le paysage est magnifique. Malgré l'ombre bienvenue, nous suons à grosses gouttes, peinant bien davantage à serrer les freins (et les fesses) dans les descentes qu'à marcher en plein soleil en poussant le vélo dans une côte. Nous nous arrêtons fréquemment pour souffler, boire ou nous reposer et repoussons l'heure du repas de halte en halte, jusqu'à ce que Jean-Luc torde le tuyau qui surélève sa selle. Il est tellement grand qu'il a fallu étirer au maximum le support et les cahots en ont eu raison. Les bricoleurs s'activent pour réparer les dégâts. Le mieux serait de rabaisser la selle mais le tuyau tordu a fait un bourrelet et ne veut rien entendre : on craint la casse pure et simple. Ce serait ennuyeux qu'il se retrouve sans selle, mieux vaut l'avoir tordue qu'absente. Un peu plus loin, c'est carrément la chaîne qui explose - ou plus trivialement, un maillon qui casse -. Pierre a également maille à partir avec son pneu. Il avait dû mettre une matière gonflante la dernière fois qu'il avait crevé et maintenant il n'arrive plus à pomper. Il profite de la halte où Max et Jean-Luc s'activent à rattacher les maillons pour descendre au ruisseau et baigner sa chambre à air pour repérer le trou. Il répare une première fois, mais le pneu perd toujours. Il finira par trouver l'épine fichée dans le pneu qui continue à lui percer le caoutchouc intérieur.

Pendant que ces hommes très efficaces s'escriment, nous avons repéré un champ ensoleillé derrière un muret de pierres sèches surmonté de barbelés. Je m'installe face au pré d'un vert lumineux, la tête à l'ombre du feuillage naissant d'un petit chêne, le dos appuyé au mur, assise sur mon anorak qui me protège de l'humidité de l'herbe, des piqûres d'une petite ronce et d'une ortie, et je commence à sortir le pique nique. Qu'est-ce qu'on est bien ! Les oiseaux gazouillent dans le petit bois, la verdure du pré repose notre vue fatiguée, le murmure lointain des bricoleurs nous fait d'autant plus apprécier notre farniente. J'ai préparé une salade rafraîchissante et acheté la veille à la foire de Bayonne du jambon cru goûteux à souhait fabriqué à la ferme et coupé en tranches trop épaisses mais délicieuses, du pâté de campagne, et nous terminons par du fromage de brebis espagnol un peu sec et très parfumé trouvé au marché de Saint Sébastien, arrosé du vin de Richard de derrière les fagots... Mmmmmm... Par gourmandise, nous dégustons le touron dont je me suis munie le week-end précédent à la venta du Pays Quint en prévision de notre sortie suivante. Les efforts de la matinée nous font apprécier particulièrement tous ces mets qui nous semblent du nectar. Je fais un peu de rangement et me love sur mon anorak pour une petite sieste récupératrice. Le silence s'instaure autour de moi, à peine dérangé par l'arrivée des bricoleurs qui sont arrivés au bout de leurs peines et se restaurent rapidement, encore dans l'élan de leur trop-plein d'activité. Pierre s'impatiente : on ne va pas faire la sieste tout l'après-midi ? Il faut dire que ce ne sont pas les papillons qui nous gênent, rares et silencieux. La saison n'est pas assez avancée pour que les mouches et autres insectes vrombisseurs viennent nous déranger.

Nous émergeons lentement, nous dirigeons vers nos vélos et reprenons la sente caillouteuse. Simplement, est-ce l'effet du repas arrosé, ou bien des muscles refroidis, tout me semble plus difficile et plus impressionnant. Je ne suis pas la seule. Nous sommes plusieurs à cheminer à pied, poussant le vélo qui cahote et se bloque ou dérape. Il faut dire que, plus ça va, et plus le sentier ressemble au lit asséché d'un torrent de montagne empli de roches de tailles diverses et nous cheminons bien plus fréquemment à pied qu'à vélo. C'est d'ailleurs beaucoup plus fatigant qu'une simple marche, car, outre la difficulté du terrain, il nous faut traîner cet ustensile dont nous doutons de plus en plus de l'utilité. Nous comprenons bien mieux à présent pourquoi Laurent disait de ce vallon qu'il n'était pas "roulant" ! Mais c'est beau : chaque virage nous fait découvrir un nouveau paysage, un autre point de vue, une végétation différente, une luminosité particulière qui nous émeuvent au plus profond de nous-mêmes. Loin de regretter l'expédition certes très sportive, nous apprécions de mériter par nos efforts la révélation d'une nouvelle facette et d'un nouveau site de ces Pyrénées aux ressources infinies. Il suffit de monter un peu, ou descendre, ou contourner un mamelon pour découvrir un nouveau cadre, des sons, des senteurs, des lumières différentes, un paysage aride ou luxuriant, exposé à tous les vents ou recroquevillé en un havre accueillant et bruissant de vie multiforme.

Le sentier s'égalise un peu et nous pouvons remonter en selle par intermittence. Jean-Luc et Richard se sont arrêtés sur un promontoire pour admirer la vue. Nous nous asseyons à notre tour, échangeant boissons et carrés de chocolat. J'observe les vautours tout là-haut, dont nous étions si proches ce matin et qui étaient même venus planer au-dessus de nos têtes, intéressés par notre manège et supputant les chances d'une chute, aubaine possible d'un bon repas... Les vautours, devenus trop nombreux pour la quantité de nourriture disponible, en arrivent parfois à se transformer en prédateurs, c'est du moins des histoires qui courent. Les brebis vaccinées, bien soignées, surveillées par les bergers et leurs chiens, ont un taux de mortalité bien moindre, ce qui ne fait pas l'affaire de ces grands planeurs aux ailes immenses. A propos d'ailes, j'essaie d'expliquer à mes compagnons un principe d'aérodynamique. Par mes lectures récentes, j'ai appris que l'air qui passe sous l'inclinaison des ailes légèrement incurvées de ces oiseaux ne contribue qu'à environ 30% de la portance (l'air, dévié vers le bas, pousse l'aile vers le haut) . c'est au contraire l'air qui passe sur l'aile en accélérant pour contourner sa forme légèrement bombée et parcourt de ce fait, un chemin plus long que par la face inférieure, qui crée ainsi une dépression et aspire l'aile vers le haut : difficile à concevoir, non ? Mes amis éclatent de rire et plaisantent. A parler d'oiseaux, je remarque soudain que nous sommes dans un endroit très particulier. Je m'avance vers le bord du précipice à la pente recouverte d'herbe fleurie, de buissons et d'arbustes de plus en plus denses au fur et à mesure qu'ils se rapprochent du Bastan qui coule en contrebas. Cette vallée en V luxuriante est emplie de pépiements d'oiseaux, volière géante dont les sons se répercutent d'un bord à l'autre indéfiniment. J'ai la sensation de me trouver au sein d'une conque immense dont le gazouillis de ses occupants sonde l'espace tel le sonar des baleines. J'appelle Rose qui s'inquiète de mon éloignement afin qu'elle partage mon émerveillement.

Le sentier s'est transformé en une large piste que nous dévalons avec allégresse. Bientôt, nous atteignons Xumus où nous croisons des Bordelais en 4x4 qui nous couvrent de poussière : ils ne savent pas ce qu'ils manquent, dans leur voiture ! Ils ignorent quel plaisir on peut trouver à découvrir un paysage avec les cinq sens, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher et enfin la vue, unique sens dont ils jouissent enfermés dans leur habitacle bruyant. Il faut maintenant remonter la côte. Jean-Luc et Richard s'élancent et nous peinons derrière. Pierre en a vite assez. Il aperçoit un chemin de traverse et pense nous économiser une montée inutile (puisque Bidarray est bien plus bas, au confluent du Bastan et de la Nive) en passant par un sentier ombragé et plein de charme. Jean-Luc et Richard préfèrent continuer sur leur lancée, tandis que nous optons pour la facilité. Enfin, facilité, c'est vite dit ! Cinq à dix minutes plus tard, la trace disparaît dans les herbes. Nous passons les vélos par-dessus un muret surmonté de barbelés et avançons dans un sous-bois pentu où chaque début de sente s'évanouit au bout de quelques mètres. Pierre, en pêcheur invétéré, nous attire vers le torrent, en nous faisant miroiter la perspective d'un chemin au bord de l'eau. Nous traversons un roncier, nous baissons sous les branches basses qui accrochent les sacs à dos et finissons sur le gravier, dans un chaos de roches... Plus loin, c'est toujours mieux : Pierre nous porte les vélos à quelques mètres, et nous progressons, suant, soufflant, soulevant les vélos davantage qu'ils ne sont poussés, une galère inimaginable au milieu des rires et des plaisanteries - et là, Jean-Louis B., tu imagines Élisabeth ? -. Nous savions bien, à force, qu'il est toujours risqué de suivre Pierre, mais qu'est-ce qu'on rit, et que ce petit val est joli, éclairé par des rayons du soleil à travers les feuilles fraîches et dispersés par les gouttelettes des multiples cascades !

Enfin, nous n'en pouvons plus. Je recule au lieu d'avancer, mes pieds glissent sur les feuilles mortes et la mousse humide, et le poids du vélo (qui s'accroît de plus en plus) m'attire vers le bas. Max vient à mon secours tandis que Pierre aide Rose. Une seule solution est envisageable : il faut retrouver la piste que nous avons abandonnée, et donc, monter, monter, monter et pousser, tirer, souffler. Jean-Louis B. regrette de ne pas faire partie de la gens féminine pour se faire aider lui aussi. Un mur trompeur de pierres sèches près d'une bergerie nous laisse espérer un chemin : et bien non ! Il faut encore grimper, passer les vélos par-dessus, traverser un pré, déranger des brebis et leurs agneaux bêlants, ouvrir et refermer le portail, ouf ! Enfin une trace formée par le pas des troupeaux, coupée par un arbre tombé en travers, malodorante au possible, puis nous longeons la porcherie, passons devant la ferme aux alentours très négligés dont le propriétaire, avachi contre l'avant de sa voiture, jette un œil torve sur ces envahisseurs du dimanche qui s'insèrent sans vergogne sur ses dépendances. Nous sommes sur une route bitumée à la pente à 70%, mais au moins, ça roule ! Arrivés au sommet de la côte, nous sommes sauvés : la route descend, large, noire, lisse, magnifique. La civilisation, cela a tout de même du bon ! Nous enfourchons nos bécanes et nous élançons d'un seul jet jusqu'à Bidarray, où nous retrouvons nos deux compères assis à une terrasse au soleil devant deux verres de bière vides, calmes, reposés, goguenards et moqueurs devant nos visages rouges et nos airs épuisés. Mais nous ne regrettons rien ! C'était l'Aventure...