Oserais-je
le dire ? J'ai été très déçue par Versailles. Je ne peux même pas dire
comment je me l'imaginais. C'était simplement un mythe, un rêve, l'image
de la royauté triomphante,
Louis XIV, les courtisans en perruque, ennemis
des bains et friands de parfums capiteux, Lully, les fêtes fastueuses,
l'apparat, les belles robes.
Il
faut dire que j'étais fatiguée, qu'il faisait très froid, le jour était
terne, les bâtiments sans relief ni
couleur. Nous sommes arrivés de Roissy par le RER, un bien long trajet
pour passer du nord au sud de Paris, et bien peu romantique. La
gare donnait sur une grande avenue, et, un peu plus haut en angle
droit, une voie bordée d'arbres
débouchait sur une grande
place pavée où se tenaient des camelots africains. Coupant la place
en deux, une grille, et derrière, un bâtiment bas en forme de U situé
sur
une légère éminence, à peine séparé de la ville.
Ce style d'architecture a tellement été imité qu'il ne surprenait pas. Les bâtiments à deux ou trois étages n'étaient pas imposants. Le revêtement vieux rose n'était pas rutilant, quoique en bon état d'entretien, et ce n'est qu'en s'approchant que l'on pouvait apprécier les ferronneries dorées d'ornementation véritablement royale des grilles et des balcons. Pas de carosses, pas de chevaux, pas de laquais, nulle part une personne en habit d'époque, pas de musique, pas d'ambiance.
Lorsque
j'avais visité des châteaux moyenageux, l'épaisseur des murs, leur
hauteur, les tours menaçantes, les créneaux, toute leur
architecture montrait qu'il s'agissait de lieux de guerre, de défense
et d'attaque, de lieux de pouvoirs, qui dominaient les villages de
torchis souvent bâtis à leur pied. Lorsque j'ai vu quelques châteaux
de la Loire, isolés
dans une superbe campagne, se reflétant dans le fleuve ou ses affluents,
j'ai été éblouie par leur magnificence. Alors que Versailles, entouré
de maisons de ville, ne paraissait qu'une maison un peu plus grande,
un peu plus luxueuse, où l'on entrait par
derrière, côté cour aux pavés inégaux, désunis et de guingois.
De
l'autre côté du château s'étalaient les jardins
à la française, tellement chantés, avec cette
fameuse perspective sur des bassins successifs, creusés à travers
un bois aux frondaisons automnales. Malgré
le nombre conséquent de touristes de toutes nations, et bien
que nous soyons dimanche, les jets d'eau ne fonctionnaient pas, et
la fontaine principale arborait à la place des pigeons au sommet
de chacune de ses statues admirables, figées en plein élan.
J'avais encore en mémoire le palais de Pierre le Grand à St Pétersbourg
(encore Leningrad, lorsque je l'avais visitée sous Brejnev), imitation
de Versailles, dont les bassins descendaient depuis la colline
où était
juché le château jusqu'à la Mer Baltique. La copie était plus spectaculaire
que l'original...
Il ne nous a pas fallu attendre longtemps pour obtenir
les tickets "à la journée" permettant de parcourir la totalité de la
propriété. Seul petit détail qui n'avait pas été mentionné au guichet
: la galerie des glaces était en réfection. Et qu'est Versailles, sans
la galerie des glaces ? Autre petit détail, les rois étaient vagabonds
et itinérants, avec pour conséquence qu'ils disposaient
de peu de mobilier (puisqu'il fallait le transporter), et que celui
qui est exposé au
château (et encore, beaucoup de salles sont vides) est issu de la récupération
de ci, de là, d'objets divers artificiellement réunis pour les besoins
de la cause.
Enfin, je dois dire que j'ai trouvé le style intérieur trop chargé, trop riche, trop doré, trop peint, pièces peu confortables et somme toute très exiguës pour la plupart compte tenu des foules qu'elles étaient sensées héberger. Il y avait tant de peintures qu'il était impossible de les regarder toutes avec l'attention qu'elles méritaient. Nous (les touristes) étions souvent cantonnés derrière une corde, trop éloignés pour goûter des détails que je n'ai découvert qu'après, en étudiant mes photos.
Nous
avions pris des magnétophones qui nous dispensaient des commentaires
utiles, certes, mais amplement insuffisants pour tout
apprécier et tout comprendre.
Les
peintures, par exemple, étaient truffées d'allégories
d'inspiration grecque ou latine, mythologies qui ne
nous sont plus si familières, et dont nous reconnaissons à peine
quelques personnages lorsqu'on nous les indique. Si je reviens à Versailles,
je me munirai
de petites jumelles de théâtre, car même les plafonds
foisonnent de tableaux ou de fresques, et ma vue ne me permettait pas
de distinguer tous les sujets.
Cependant, au risque de paraître très ignare, j'ai trouvé ces
salles uniformes, avec un seul style d'ornementation picturale, bien
que les
pièces aient été réagencées plusieurs
fois jusqu'à Louis XVI. Je
pense que cela provient du fait que je suis plus accoutumée à visiter
des musées dont les salles présentent des périodes
très distinctes
sur une durée très longue (500 ans, ou 1000 ans d'histoire,
ou davantage), et souvent également d'origines géographiques
et de civilisations diverses, ce qui permet à l'oeil de ne pas
se lasser justement et de repérer
aisément
les différentes
époques et lieux d'appartenance.
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Versailles |
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13 novembre 2005 |
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Cathy & Jean-Louis Constant |