Attention, stop, ne bougez plus ! A quelques pas de nous, juste derrière un repli de terrain, se repose un vautour, impassible au milieu des hirondelles qui rasent le sol recouvert de crottes de brebis fraîches et virevoltent de façon acrobatique pour happer au vol des insectes minuscules, presque invisibles parfois. Le temps de compter jusqu'à 3, et notre présence aussitôt perçue le dérange (de même que celle d'autres promeneurs plus lointains qui s'avancent dans notre direction en sens inverse sur le sentier de crête). Il déploie ses ailes et sa queue, et en deux battements glisse déjà au-dessus de l'herbe et s'éloigne très vite en s'élevant en douceur pour rejoindre le groupe de ses 40 à 50 congénères qui tournoient dans un vortex d'air échauffé au pied des montagnes de l'autre côté de la vallée.
C'est un événement rare auquel nous venons d'assister. Et si parfois les vautours s'approchent de nous, c'est souvent emportés par un courant et disparus sitôt après être apparus et de ce fait difficiles à saisir en photo. J'avais repéré depuis un moment le groupe très important d'oiseaux qui planaient haut dans le ciel au niveau des nuages en formation, virgules à peine perceptibles en lente progression coordonnée. J'ai toujours grand plaisir à les voir évoluer, leur élégance, leur aisance et leur détachement apparent des contingences terrestres me font rêver, moi qui peine toujours à gravir la montagne. C'est très rare de les surprendre en plein repas au sol, cela ne nous est arrivé qu'une fois, sur le chemin du pic d'Anie, et le plus souvent, ils donnent l'impression de se nourrir de l'air du temps...
Les hauteurs au-dessus des carrières d'Aïnhoa et de la vallée de la Pitxuri sur lesquelles nous progressons n'ont rien de sauvage ni de naturel (ce qui n'enlève rien à leur beauté) : il s'agit de zones pastorales soigneusement entretenues et parcourues de nombreux sentiers, ainsi que de sites de chasse, atteignant des altitudes moyennes qui culminent à un peu plus de 600 mètres, une montagne apprivoisée donc. Des pans entiers sont débroussaillés de tous ajoncs et fougères pour permettre à l'herbe de pousser entre les buissons de bruyères dont certains pieds montent à l'assaut de vieux troncs d'aubépines couverts de lichen et de fruits rouges. Je suis contente qu'il n'y ait pas eu d'écobuage, les arbres ne sont pas calcinés. Nous nous promettons de revenir en automne (si les chasseurs ne sont pas trop présents) car les couleurs doivent être superbes en cette saison. En été, c'est essentiellement le vert qui domine, dans toutes ses nuances.
Les chevaux paissent librement, faisant tinter doucement leur sonnaille, et les brebis se déplacent lentement d'un lieu de pacage à l'autre, suivant la meilleure herbe du moment. Contrairement aux sites plus élevés, ce sont des arbres feuillus qui sont plantés pour reboiser les zones découvertes (des hêtres sans doute), notamment aux alentours des fermes isolées et le long des chemins agricoles. Les jeunes troncs émergent de tuyaux de plastique protecteurs qui empêchent les herbivores de tout poil de les détruire avant qu'ils n'aient acquis suffisamment de vigueur et d'envergure.
Nous sommes entourés de montagnes dont nous avons déjà fait l'ascension, et pour commencer, la première d'entre elles, l'Erebi, où nous avions constitué un groupe de 58 personnes pour notre balade inaugurale (il y a 8 ans déjà). Puis la Rhune, les Trois Couronnes, l'Artzamendi, le Mondarrain, pour ne signaler que les plus courantes, et la côte qui se découpe de l'Espagne aux Landes avec une mer confondue avec le ciel le matin qui bleuit vers le milieu de l'après-midi lorsque les nuages s'amoncellent et que la brume de chaleur se dissipe.
Je profite de la sieste des hommes pour explorer tranquillement la nature : de jeunes lézards très fins se carapatent à toute vitesse à mon approche. Comme d'habitude, des bruits réguliers émanent des bords du chemin et s'éteignent à mon passage, semblant toujours venir de plus loin : des grillons ou sauterelles sans doute, mais j'ai souvent l'impression qu'il s'agit de petits oiseaux car leurs appels sont similaires. Je n'ai pas réussi à les repérer. Par contre, l'éclat de joyau bleu-vert d'un scarabée attire mon regard. A demi enfoui sous des brindilles, il demeure parfaitement immobile : je n'ai pas voulu le déranger.
AINHOA |
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Richard, Jean-Louis et Cathy |
9 Août 2006 |