Assez
curieusement, cheminer à cheval est bien plus fatigant qu'à pied,
et trois heures de promenade équestre engendrent courbatures
et hématomes
pour des jours et des jours (pour moi, pas pour Jean-Louis qui adore
et en redemande). Avant de nous aider à nous
hisser dessus, le guide enfile une muselière à l'animal
(nous sommes à Sarvise, près
du
parc
national
d'Ordesa
en
Aragon),
ce
qui n'engendre pas une confiance excessive. Renseignements pris, c'est
seulement pour l'empêcher de brouter à tort et à travers.
Une fois juchée à des hauteurs dont je ne pourrai redescendre
seule (je ne suis pas assez
souple), j'essaie de trouver une bonne position sur une selle qui me
semble des
plus inconfortables,
les pieds glissés dans des étriers disposés trop
en avant.
Après un
petit trajet sur la route où ma monture dévie sans
arrêt vers le milieu
sans prendre garde aux voitures, nous
nous mettons à gravir une colline par un chemin très raide
pavé de
grosses roches inégales semblables à celles du lit
d'un torrent sur lesquelles les chevaux glissent ou trébuchent
parfois, surtout les pattes arrière.
- Mon cheval,
qui savait ce qui l'attendait, avait fait mine de faire demi-tour
et il a fallu que je lui fasse faire un tour complet sur la route
pour
qu'il veuille bien suivre la jument de Jean-Louis -.
Bien
qu'ils ne baissent
pas la tête comme nous pour regarder où ils marchent,
ils semblent toutefois négocier le meilleur trajet en progressant
tantôt
à droite, tantôt
à gauche du sentier, tandis que nous évitons comme
nous pouvons les ronces et les branchages des
buissons et arbustes qui
le bordent, ne tenant la bride que pour la forme (ils savent beaucoup
mieux
que nous ce qu'ils doivent faire) et nous agrippant au pommeau de
la selle. Forte de l'expérience du séjour 2003, où j'avais écouté
Isabelle
et les
autres
conter leur
aventure,
je m'étais
munie d'un jean solide, d'un sweatshirt et d'un chapeau pour me protéger.
Après ce début sportif, le reste de la
promenade sera plus tranquille, nous profiterons calmement de la beauté
du paysage, traversant
un petit village de pierre,
avec
pour seules autres péripéties la descente dans un canyon (se pencher
en arrière
en se mettant presque debout sur les étriers), le passage à gué d'un
torrent (en levant les jambes pour ne pas être éclaboussée),
puis la remontée (se pencher sur l'encolure
pour ne pas dégringoler).
Mon cheval, qui est décidément
très fatigué,
ne
progresse
que par coups
de reins en élans brusques
qui
le laissent pantelant et tout tremblant après l'effort. Le
guide ne vaut
guère mieux, un jeune de 18 ans qui travaille neuf heures
par jour depuis le début de l'été : il marche pendant la moitié du
trajet pour soulager ses fesses endolories, ou prend des positions
sur
sa selle
qui
me font penser
aux conseils
de
Pierre pour le VTT, alternant le poids du corps d'un côté à l'autre.
Taciturne, il arrache de temps en temps quelques noisettes fraîches à peine
formées pour tromper
son
ennui.
Jean-Louis,
quant à lui, tente vainement de cueillir à la volée
des mûres, mais c'est plus difficile.
Le
lendemain, nous partons pour la vallée de Pineta, près
de Bielsa, faire une grande boucle annoncée par Miguel
Angulo en 5 heures mais que nous terminerons en 8 heures (j'ai décidé
d'aller à mon rythme, pour une fois). Les nuages sont épais,
mais mobiles, et laissent passer le soleil par des lucarnes de ciel
bleu : temps idéal pour la marche. Nous sommes dans le parc
national d'Ordesa, à l'est du Mont Perdu et du Marboré,
et au sud du cirque de Troumouse (qui côtoie celui de Gavarnie). Comme
dans la vallée de Torla,
le paysage très vert est
entouré de falaises vertigineuses de teintes claires, lumineuses,
d'où s'écoule une multitude de cascades. Les plus hauts
sommets à l'arrière-plan sont enneigés et protègent
des glaces éternelles
dans leurs replis les plus ombragés. Nous
marchons dans le lit d'un torrent encombré de saulnes et d'aulnes
qui poussent entre les gros galets et protègent le sol d'un
ravinement excessif.
L'air
résonne du fracas lointain de la cascade du cirque
de Pineta qu'il nous faudra franchir pour gravir la montagne et progresser
à flan de falaise à quelques dizaines de mètres
au-dessous de la ligne de crête.
Est-ce l'absence de nos compagnons habituels de marche,
ou bien la difficulté réelle du circuit, je l'ignore, mais je bute
déjà au premier obstacle et il me faut rassembler tout mon courage
pour suivre Jean-Louis qui a traversé sans trop d'état d'âme
les flots torrentueux de la cascade. La passerelle annoncée dans le guide ne
couvre que la moitié du lit et les eaux gonflées par les pluies abondantes
provoquées par un violent orage la nuit passée recouvrent les roches
lisses d'un ruissellement inquiétant. Le gouffre tout proche
et le fracas de la chute m'impressionnent et je me vois déjà déraper et
me précipiter dans le courant tourbillonnant.
Finalement,
mes semelles épaisses et crantées
agrippent bien la roche et je passe sans encombre pour me retrouver
devant une
nouvelle
difficulté : il
n'y a pas de chemin, il faut escalader la paroi rugueuse et raide qui
surplombe les eaux bouillonnantes, "mettre
les mains",
comme dit Max. Ce
n'est pas technique, mais comme j'ai les jambes flageolantes de la
peur que je viens d'avoir, je ne suis pas dans les meilleures
conditions pour l'aborder.
Je
grimpe sans trop regarder vers le bas, saisie d'une vague sensation
de vertige, toujours encouragée
par Jean-Louis qui prend son rôle
de guide à coeur.
Il faut même gravir une petite "cheminée", équipée
d'une chaîne
fixée à la paroi à laquelle nous nous agrippons, les
bâtons pendant aux poignets au bout de leur lanière ;
pas
évident de chercher des prises du pied, dans un quasi grand écart,
alors que le
poids du sac nous tire vers l'arrière. Ce
n'est qu'au bout d'un long moment que nous retrouvons un semblant de
sentier
plus
confortable,
avec le
vide
moins
présent,
un surplomb un peu plus vaste, et quelque végétation,
herbe, buissons de rhododendrons, framboisiers sauvages et pins odorants.
Nous cheminons très
longtemps au-dessus de la vallée,
où nous distinguons le Parador du Mont Perdu non loin du parking
où
nous avons garé la voiture, avant de redescendre par une voie
presque verticale, où il faut également souvent mettre
les mains et se cramponner aux bâtons pour freiner.
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Aragon : Facha Tormosa de Pineta Vallée de Cauterets : Lac de Gaube, petit Vignemale et Vallée du Marcadau Cathy et Jean-Louis, puis Richard, Serge, Jean-Louis B., Xavier, Max, Michèle et Julien |
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