La bruyère est en fleur, la Rhune en est illuminée ! Abeilles, papillons noirs, jaunes ou pâles, insectes minuscules, s'affairent autour des multiples corolles roses. Jusqu'à mi-pente, nous sommes dans un jardin - un peu piquant, il est vrai -, et j'aspire à parfumer mon thé du matin au miel - de bruyère, bien sûr - foncé, savoureux, cristallisé et presque croquant. Nos mains se hasardent au milieu des ronces pour grappiller les mûres : dans un mois, ce sera parfait, il faudra venir avec des boîtes et en récolter assez pour remplir un pot de confiture, il n'y a rien de meilleur au petit déjeuner sur une tartine brûlante recouverte de beurre fondant que la confiture de mûres en couche généreuse : suivant les cuissons, elle dégouline le long des doigts ou s'agglomère en petits monticules caramélisés noirs.

Jacques et Annie redécouvrent avec enthousiasme la montagne : leur vie en Belgique offre peu d'occasions de randonner et pour nous, c'est toujours un plaisir de partager notre passion des balades sportives en pleine nature. Elisabeth a progressé : sa retraite lui permet de pratiquer les danses à haute dose, et l'on sent qu'elle a acquis une meilleure endurance, même si les portions de pente prononcée lui semblent toujours un peu pénibles. Nous profitons d'une halte pour admirer les acrobaties exceptionnelles d'un vautour qui fait du sur-place, jambes pendantes, effectuant de drôles de mouvements d'ailes, pour ajuster sans doute sa vue sur une cible comestible en contrebas. Le temps de sortir l'appareil photo, évidemment, il est reparti dans un glissement souple de ses ailes étalées. Les choucards pressés plongent en criant et remontent le long des pentes avec une facilité un peu énervante, tandis que la sueur poisseuse s'évapore de notre peau sous l'action d'un vent qui fraîchit à mesure que nous grimpons vers la cime rocheuse.

Je profite du rythme de marche tranquille pour surprendre une libellule aux ailes transparentes, espèce qui existe depuis 285 millions d'années - carbonifère - (à comparer avec nos 3 à 8 millions d'années pour l'humanité), et qui avait à l'époque des ailes d'une envergure de 70 cm - des monstres - ! La raison avancée pour expliquer ce gigantisme des insectes serait l'absence de prédateurs. Lorsque les vertébrés sont sortis des mers pour coloniser les terres, la taille des insectes s'est réduite progressivement. J'apprends au passage que la transparence des ailes est simplement due au fait qu'il n'y a que 2 couches de cellules superposées, et que les ailes des papillons le seraient également si l'on ôtait leurs écailles colorées (de simples poils transformés).

A propos d'animaux dont la taille s'est considérablement réduite, heureusement pour nous, ce sont les reptiles dont je vois un mignon exemplaire très peureux filer sous un caillou à l'approche de mon ombre. J'apprécie fort que mon gentil lézard n'ait pas la taille d'un dinosaure !

Nous sommes surpris de l'absence complète de promeneurs (à part nous) sur le sentier que nous avons choisi. Partis comme d'habitude du flan est, nous gravissons la montagne en la contournant par la gauche, paysage fort agréable au demeurant, et qui change de l'ordinaire. A mi-chemin, nous dominons deux vautours qui volent en examinant la vallée en contrebas, et constatons que l'Espagne, tout comme la France d'ailleurs, reboise activement, bien que je regrette que cela se fasse en monoculture (source de maladies et d'épuisement des sols me semble-t-il, ainsi que de l'appauvrissement du biotope), et dans un alignement bien monotone à l'oeil (photo en haut de page). Enfin, c'est mieux que de laisser agir l'érosion. Par contre, la foule est bien au rendez-vous au terminus du petit train et nous plaignons le pauvre petit poulain que sa mère laisse caresser sans discontinuer par de jeunes touristes enthousiastes.

 

Rhune
Jacques et Annie, Max et Julien, Richard et Sammy, Elisabeth et Jean-Louis B., Cathy et JL
6 Août 2006