Véro a pris de bonnes résolutions : elle pourrait poser pour une pub de Décathlon, rien ne manque à son équipement de randonneuse (future) chevronnée, depuis la casquette à rabats, les lunettes jaunes anti-brouillard, en passant par le sac à dos ergonomique, le parapluie... et le sifflet, pour être entendue et repérée si elle tombe au fond d'une crevasse !!! Les hommes en sont tout éberlués.

Même par temps couvert, et si les nuages font le yoyo entre sommets et vallons, nous plongeant parfois dans une humidité plutôt fraîche, la montagne au printemps procure un véritable enchantement. Couverte de fleurs, de mousses et de pousses tendres, elle embaume de mille parfums portés par des brises tièdes ou fraîches, brusquement interrompues parfois au tournant des sentes étroites tracées autant par le bétail en liberté que par les randonneurs.

C'est incroyable la quantité de sources qui jaillissent quasiment du sommet des montagnes, comme si celles-ci étaient des éponges qui se pressaient elles-mêmes. Les ruisselets convergent rapidement pour former des torrents dont l'écho se répercute d'une paroi à l'autre, au point qu'il est parfois difficile d'en déterminer de suite l'origine.

Les insectes commencent à émerger en fin de matinée, réchauffés et séchés par la chaleur des rayons du soleil, alors que les oiseaux pépient dès avant l'aube. Je les cherche sans les trouver, ils se cachent parmi les herbes ou les rochers, parfaitement camouflés par la couleur du plumage identique à leur environnement. Seuls les choucards et quelques vautours planent dans les courants sans inquiétude apparente.

Parcourir ce petit coin de Pyrénées, c'est aussi prendre du recul par rapport au matracage des esprits en tout genre, surpopulation, réchauffement planétaire, pollution... Quand nous marchons toute une journée sans quasiment rencontrer personne, dans une nature foisonnante parcourue de cours d'eau qui envahissent même nos chemins, et qu'aussi loin que porte notre regard, nous ne voyons que la beauté d'un paysage depuis longtemps domestiqué par l'homme, mais qui conserve un zeste de liberté sauvage, tous ces discours nous paraissent bien vains. Il est vrai que les glaciers reculent, nous l'avons constaté nous-mêmes. Mais quand je pense au nombre de villages désertés que nous avons traversés, aussi bien dans les Landes qu'en Béarn ou en Aragon, c'est surtout le comportement des gens qui pose problème, et si tout le monde ne s'agglutinait pas dans les grandes villes et sur les côtes, l'humanité n'aurait pas à se conduire comme des rats en cage.

Pour nous rendre encore plus humbles au sujet de notre importance sur la Terre, voici quelques longévités (maximales) étonnantes et quelques commentaires annexes extraits d'un site sur Internet : Aubépine (St-Mars-la-F) : 1600 ans, Chêne pédonculé : 2000 ans, Lichen : 1000 ans. Parfois, il est très difficile de savoir à quoi correspond une durée de vie. Ainsi, l'hydre forme des bourgeons d'où se détachent de nouveaux individus. Les graines de certaines espèces gardent leur pouvoir germinatif pendant des siècles : par exemple le Lupin arctique (6000 ans de sommeil), le Lotus nélumbo (1040 ans). Enfin, certains scientifiques prétendent avoir réanimé des bactéries datant du... Dévonien (320 Millions d'années) !!!

Extrait d’un travail sur la régénération animale, Brigitte Galliot, dép. de zoologie et de biologie animale, Univ. de Genève.

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Après une amputation d’une partie du corps, l’hydre régénère la partie manquante en quelques jours. Lorsqu’elle est coupée transversalement en plein milieu, il lui faut à peine trois jours pour régénérer une tête et deux pour la région du pied.
Cette découverte a été faite par un genevois, Abraham Trembley, au milieu du XVIIIème siècle. A.Trembley se posait en fait la question de savoir s’il s’agissait d’un animal ou bien d’une plante. Il en observa très finement le comportement, en particulier le mode de déplacement, puis se décida à les couper en deux : si la partie manquante repoussait, il s’agissait d’une plante, si l’hydre mourait, il s’agissait d’un animal.
L’hydre repoussa, et pourtant Abraham Trembley ne put se décider à voir là une plante.
Il multiplia donc les expérimentations qui sont très précisément décrites dans son ouvrage « Mémoire pour l’histoire des polypes d’eau douce » paru en 1744. A.
Trembley en conclut donc qu’il avait découvert, pour la première fois de l’histoire scientifique, la régénération animale.
L’apport d'Abraham Trembley fut primordial pour la biologie moderne, pas seulement à cause de la régénération, mais bien parce qu’il fut l'un des premiers à utiliser l’expérimentation sur un système vivant pour en comprendre le fonctionnement. En effet, jusque là et même jusqu’au début du XXème siècle, la plupart des biologistes se contenteront de décrire leurs observations, d’en tirer des classifications.
Ce n’est qu’au début du XXème siècle que certains biologistes se mettront à appliquer l’idée selon laquelle perturber le fonctionnement ou le développement d’un organisme vivant, par des greffes par exemple, permet d’en atteindre les mécanismes intimes. …

Et ces digressions ne portent que sur la matière vivante. Que penser de ces stèles dressées de façon plus ou moins stables en souvenir de disparus dont on a dispersé les cendres au sommet de l'Autza ? J'imagine que les randonneurs qui ont émis ce souhait auprès de leurs proches croyaient que leur âme s'accrocherait aux vestiges calcinés de leur corps et serait capable d'admirer éternellement ce magnifique panorama où se découpent les silhouettes de cimes encore enneigées, sinon, pourquoi prendre cette peine ?

A propos d'éternité, je termine juste un livre extrêmement intéressant intitulé "Plaidoyer pour l'arbre", de Francis Hallé, botaniste et biologiste qui est venu faire une conférence à la nouvelle Maison des Associations à Bayonne récemment. Il ouvre des perspectives étonnantes, par exemple sur la longévité potentielle des arbres. Par la capacité de certains arbres à former des clones unis par un même réseau racinaire, on a pu déterminer à l'aide de marqueurs moléculaires que des peupliers de l'Utah émanent d'une graine germée il y a 10 000 ans, une myrtille Gaylussacia de Pennsylvanie s'étend sur 40 hectares et remonterait à 13 000 ans, du temps de l'homme de Néandertal, à la fin du Pléistocène, et un houx royal des montagnes de Bathurst, en Tasmanie, d'une longueur de 1,2 kilomètre et comptant plusieurs centaines de tiges, serait âgé de 43 000 ans - il serait le plus vieil organisme vivant sur la Terre !!!

 

 

 

 

Crêtes d'Iparla (Bidarray à Baïgorri) et boucle de l'Autza
Serge, Jean-Marc, Richard, Max, Véro, Jean-Louis, Cathy pour la première balade et Richard, Max, Jean-Louis et Cathy pour la deuxième