Lorsque
Archangela, ma belle-mère, avait visité le château de Duras il y a une
quarantaine d'années, il était en état de décrépitude avancée. Des financements
pour sa restauration ont commencé à lui être attribués à partir du moment
où il a été classé Monument
Historique en 1970.
Son
amplitude a beaucoup diminué par rapport à ses heures de gloire, lorsque
les Dufort, devenus ducs de Duras, agrémentèrent
la demeure de plaisance aménagée au XVIIe siècle à partir du château
fort moyennâgeux
de jardins à la française et d'écuries
grandioses où se déployaient les fastes du siècle
des lumières.
Il en reste néanmoins de nombreuses salles, et il ne faut pas moins d'une heure et demie pour en faire le tour, et encore, sans trop s'attarder sur les nombreux panneaux qui en expliquent l'histoire (cliquer pour voir le site Internet du château).
Nous
sommes le 8 avril, et la route pour y parvenir est un enchantement. Nous
avons quitté la plaine alluviale
de la Garonne pour monter sur les collines couvertes de prés, de champs
jaune acide de colza en fleurs, de forêts de couleurs tendres ou crues
aux bourgeons en train de s'ouvrir, de pruniers recouverts de fleurs
blanches,
et de
quelques
vignes
(pas
beaucoup
de visibles,
alors
que nous
arrivons sur la zone des vins d'Armagnac sous appellation contrôlée
"Côtes de Duras"). Situé au confluent de la Gironde, de la Dordogne
et du Lot et Garonne, ce paysage vallonné arrosé par le Dropt est un
vrai plaisir des yeux.
Pas
moins de trois puits sont percés dans son enceinte, l'un à ciel ouvert
dans une sorte de patio, et un
très profond, d'une quarantaine de mètres, où confluent des conduites
de pierre permettant d'approvisionner en eau divers lieux du château.
Il était pourvu également de nombreuses cheminées, détruites pour la
plupart lors du saccage qui eu lieu au moment de la Révolution française,
car il symbolisait bien sûr le pouvoir féodal. Leurs vestiges permettent
d'imaginer qu'il n'a pas été tout le temps une froide enveloppe de pierre
blonde, dont l'épaisseur des murs maintient une température égale, mais
plutôt fraîche à mon goût, et que les foyers multipliés dans les grandes
pièces à vivre doublées probablement de tentures les rendaient
fort plaisantes.
"Salle
de la charpente : Avant 1789 elle était surmontée d'un lambris voûté
en carène de frégate inversée orné de belles peintures à la fresque.
Le sol en était
parqueté de chêne noir recouvert de peaux de bêtes. Tous deux ont été
démolis par Lakanal en 1794. Salle intime toute en longueur, elle était
pourvue
de
onze cheminées
pour chauffer l'ambiance. On rapporte que l'on y marivaudait beaucoup
et que le libertinage y prévalait avant la Révolution."
Nous
grimpons un escalier en colimaçon qui n'en finit pas de se retrécir en
largeur, mais dont les marches deviennent
de plus en plus hautes et inégales dans une obscurité grandissante, jusqu'au
sommet d'une des tours étêtées. Difficile d'imaginer devant ce paysage
bucolique l'ambiance de la guerre de Cent ans, période où les frontières
de l'Aquitaine anglaise
ne cessaient de changer au gré de la bonne ou mauvaise fortune des belliqueux
rois de France qui n'avaient de cesse d'agrandir leurs possessions.
Cédric,
la tête emplie de ses lectures scolaires, m'explique la différence entre
les tuiles plates et les tuiles
canal : les premières sont choisies préférentiellement
dans les pentes abruptes et s'accrochent à des traverses de bois par
des picots moulés. Le
sous-sol a été aménagé en musée. Tout un mur de la cuisine immense est
occupé par la cheminée où l'on pouvait cuire deux boeufs entiers
en même temps.
Voici
un menu du jour du seigneur des lieux : alouettes, petits passereaux,
tourte salée, faisan, saumon, anguille, entremet,
gâteau de miel, dattes, boeuf, grue et plantes aromatiques pour corser
le tout. Comme on le constate, la nourriture était abondante au château,
y étaient consommés boeuf, mouton, porc, poissons de mer et de rivières,
gibier
d'eau (héron,
cygne) et petits oiseaux (alouettes, grives et pinsons, rôtis ou en pâtés).
En
comparaison, la nourriture paysanne se composait de pain,
bouillies (laitages) et soupes (potées) peu nutritives, enrichie
parfois d'un morceau de lard ou de fromage.
Une
salle du sous-sol présente des fossiles, des vestiges des époques préhistoriques,
celtique (rouelles celtes, symboles de religions païennes) et gallo-romaine.
Une autre expose l'outillage pour la vigne ou le vin, alambic géant de
cuivre, pressoirs aux poutres impressionnantes, ailleurs, ce sont des
outils agricoles de pierre, bois et fer pas si anciens que ça puisqu'Archangela
les commente à Cédric avec force détails, les ayant vu utiliser
à
la
ferme
de son père
et chez ses voisins de l'Agenais.
Seule
déception : le musée
conservatoire du parchemin et de l'enluminure que
je me faisais une joie de visiter a fermé temporairement ses portes,
la mairie lui ayant supprimé son local.
Il est pourtant encore annoncé
partout, sur Internet et dans les offices de tourisme, beaucoup de gens
doivent se déplacer pour rien. Depuis notre passage, la propriétaire a
dû trouver un petit arrangement puisqu'elle expose temporairement ses
collections dans la Maison des mémoires de Mazamet (dans le Tarn)
jusqu'au 27 mai.
Jean-Louis, Cédric, Archangela, Cathy | Le château de Duras |
Pâques 2007 |