La
formule avait été inaugurée en 2002, à l'instigation d'Olivier Deck,
écrivain, poète, peintre et musicien, sous l'égide des libraires de
La rue en pente
: il s'agissait de se promener dans les contreforts pyrénéens et de
profiter lors des pauses de l'exposé, par leurs auteurs, d'écrits récents.
Un article a paru dans le journal Sud-Ouest à la page de Bayonne, et
ce sont quelque cent personnes qui se garent près du fronton de Saint
Martin d'Arrossa, au grand dam des organisateurs qui regrettent d'avoir
fait cette publicité : en effet, dès la première demi-heure de marche,
une partie des effectifs reste à la traîne, emprunte un autre chemin,
et le regroupement ne réussit à se faire qu'au bout d'un long moment,
un peu plus haut dans la montagne.
Cette année, c'est Christophe Lamoure qui ouvre la séance, avec sa Petite philosophie du marcheur. Ceux qui le découvrent sont éblouis par la clarté et l'intérêt de ses réflexions et l'une des auditrices prend aussitôt la décision d'assister à ses prochains cours et conférences.
La
promenade se poursuit à petite vitesse, avec des pauses dans des sites magnifiques.
Il faut dire que le temps est idéal, ce que pensent également les oiseaux migrateurs
(des grues) qui se déplacent en grand nombre dans
le ciel d'azur, dans un criaillement continu. A l'approche d'un vautour, la
flèche
se déforme
et
les
volatiles
de tête se regroupent en une masse compacte tandis que ceux de l'arrière, qui
ne se sont
aperçus de rien, poursuivent imperturbablement leur but, alignés dans un V
impeccable. Les promeneurs applaudissent au spectacle et félicitent les libraires
pour leur organisation extraordinaire...!
Une poétesse déclame ses poèmes sur fond de crêtes d'Iparla, et un peu plus loin c'est le tour de Séverine Dabadie. J'ai sympathisé avec elle et bavardé longuement en cheminant puis déjeunant à l'ombre d'un chêne qui a poussé à l'abri des vents dominants derrière un amoncellement de rochers.
Son
parcours est atypique. Passionnée de photo depuis son adolescence,
elle a dû faire une licence de lettres pour satisfaire ses
parents qui ne trouvaient pas envisageable qu'elle se tourne vers le métier
de photographe. Devenue institutrice remplaçante, elle décide
il y a 6 ou 7 ans d'aller à Kashi (le nom indien de Bénarès,
la ville sainte au bord
du Gange), dont elle rêve depuis qu'elle a vu un reportage télévisé à l'âge
de 16 ans. La réalité confirme son amour pour cette cité mystique,
et elle y retourne d'année en année, chaque hiver
(et une fois en été,
malgré la rigueur du climat torride et humide), pour y photographier
les gens et
les lieux. Femme
avisée, elle a su intéresser un éditeur indien
qui finance son livre de photos. Pour son livre suivant, elle a cherché un
autre
éditeur, en cheville avec un éditeur français, et
espère avoir le même
succès, autant du côté indien que français.
Elle parle très bien des raisons qui la poussent à
y revenir, encore et encore. Sans approuver inconditionnellement la
société indienne - elle fustige notamment le système de caste, la médecine
à deux vitesses, la crasse et la pollution -, elle en apprécie cependant
le caractère profondément religieux, où toute vie est acte religieux. Elle
nous explique que la réincarnation, que nous voyons avec notre oeil
d'occidental comme une bénédiction, assimilée à la vie éternelle,
est plutôt vécue comme une malédiction. Chaque mauvaise action peut
être punie durement dans une vie ultérieure, le pire étant de renaître
sous l'aspect d'un âne. Ne sachant jamais à quel point leurs actions
peuvent déplaire aux dieux, les Indiens espèrent rompre la chaîne des
réincarnations, notamment en faisant brûler leur corps (après leur
mort) sur les ghats (les marches qui longent le Gange sur 7 km) pour
accéder au Nirvana.
Son
prochain livre porte sur les lutteurs de Bénarès, qui subissent une
préparation mentale et physique intense, doivent
rester chastes comme des moines, et mêlent une profonde religiosité
au déchaînement de la violence la plus brutale. A la question de savoir
si elle demande aux gens la permission de les photographier,
elle répond
par la négative, car cela nuirait à la spontanéité de l'instant saisi
sur le vif. Par contre, elle fréquente longuement les lieux, les temples,
les rues, de façon à ce que les gens s'habituent à sa présence et n'y
prennent plus garde, elle se fond parmi eux et les photographie sans
les déranger.
La dernière écrivaine nous fait rire aux larmes. Avec un humour décapant, Marie-Luce Cazamayou croque le monde qui l'entourait au temps de sa jeunesse dans Saint Antoine, faîtes qu'on ait la télé. Elle évoque également la difficulté qu'elle a eu pour rédiger ses livres de recettes, avec sa mère et sa grand-mère qui étaient incapables de lui décrire leur savoir-faire en terme d'ingrédients, quantités et durées, leur cuisine étant faite de façon immémoriale à l'instinct.
La dernière halte met à l'épreuve quatre lecteurs, chargés par les libraires de se transformer pour l'occasion en critiques littéraires. Ils nous donnent aussi envie de lire les livres que chacun évoque avec talent, il ne reste plus qu'à les acquérir à la séance de dédicaces qui clôture la journée avec une dégustation de vins comme à l'accoutumée...
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Participants : Parmi une centaine de personnes, Rose et sa soeur, Pierre S., Elisabeth et Jean-Louis B., Cathy | Randonnée littéraire |
Dimanche 21 octobre 2007 |