1/ Historique
Ce concept a beaucoup évolué depuis l’événement fondateur qu’a représenté la conférence de Rio de Janeiro en 1992, et qui a été précédé par d’autres instances internationales depuis la fin de la dernière guerre mondiale, comme la conférence de Stockholm en 1972 qui prônait « Une seule Terre, un seul peuple ».
- Une pensée humaniste
Il faut tout d’abord souligner qu’il est basé sur une
pensée humaniste, c’est à dire que l’être
humain est au centre des préoccupations relatives au développement
durable. Chaque individu sur Terre a droit à une vie saine et productive
au sein de la nature. En priorité, l’enjeu du développement
durable est donc social : réduire l’écart économique
entre les pays, réduire la faim dans le monde, la maladie, l’analphabétisme.
Il implique logiquement de cesser de détériorer les écosystèmes
dont nous dépendons pour vivre sur Terre. Cette réflexion relève
d’un constat d’échec des politiques occidentales établi
par les Nations Unies à Rio. Cet enjeu social met au premier plan
cette valeur de solidarité que défendent les associations (lutte
contre l’exclusion, dans l’acception élargie aux générations
futures qui, par définition, ne peuvent s’exprimer). Cette solidarité se
développe à la fois dans l’espace et dans le temps, c’est à dire à l’égard
des populations contemporaines et futures.
- Une réflexion planétaire
Le concept de développement durable relève d’une réflexion
planétaire. La Terre est notre patrimoine commun, le foyer de l’humanité.
C’est un monde physiquement limité, avec des ressources limitées,
sans faculté d’étendre indéfiniment les surfaces
agricoles. Un développement économique illimité est
donc impossible. Cette assertion va totalement à l’encontre
de notre héritage des Lumières qui fonde la pensée européenne
et occidentale.
L’environnement est notre matrice, qui nous permet de vivre. Le concept
d’environnement durable analyse les relations qui existent entre l’environnement
et nos activités économiques, sociales et culturelles. Il s’agit
de ne plus penser de façon sectorisée, spécialisée,
mais au contraire globalement, en reliant tous les facteurs.
- Une responsabilité individuelle et collective
Le concept de développement durable développe l’idée
d’une responsabilité individuelle et collective très
bien exprimée par le philosophe Hans
Jonas. Il n’y a pas de responsabilité sans l’implication
de chacun, par la participation au sein de la société civile
organisée
(associations, entreprises, communes…) en mettant en œuvre un
Agenda 21. Toutes ces collectivités, et avec elles leurs responsables,
ont à s’instruire auprès des populations : c’est
l’idée de la démocratie participative (un Agenda 21 n’est
pas établi par les élites, les instances dirigeantes, mais
par tout le monde).
2/ Une démarche de progrès
- Une totale remise en question
Le développement durable procède d’une démarche
de progrès. Dans un premier temps, il s’agit d’évaluer
la collectivité qui entreprend cette démarche. Il faut tout
mettre en question, en associant tous les partenaires dans la réflexion.
Il s’agit de poursuivre ce que l’on fait d’habitude dans
un tout autre contexte culturel. Dans le cas d’une association, celle-ci
doit effectuer un travail réflexif sur toutes ses pratiques et prendre
conscience de ce qui est sous-tendu derrière chaque acte éducatif,
de façon à arriver à faire ce que l’on fait d’habitude
dans un tout autre contexte culturel. Un regard nouveau sur le monde se nourrit
du croisement des compétences (d’où la nécessité de
faire participer toutes les personnes concernées).
Il faut prendre conscience de l’ancrage culturel occidental dans le
principe d’efficacité (la nécessité d’être
rentable, concret, pragmatique, rapide). La réflexion sur le développement
durable permet de prendre conscience que, par exemple, si la Chine et l’Inde
utilisaient autant de papier que les Occidentaux, il n’y aurait plus
de forêts sur Terre, ce serait la ruine de la planète. En mettant
au premier plan les contraintes économiques, sans tenir compte des
facteurs sociaux et environnementaux, nous allons à la faillite. Il
faut donc mettre en regard l’économie et l’environnement
pour obtenir un monde viable, l’économie et le social pour le
rendre équitable, et l’économie, l’environnement
et le social pour le rendre vivable.
Pour le moment, nous restons dans une logique d’exploitation des ressources,
suivie de la réparation des ressources. Pour illustrer la nécessité de
changer d’optique, il suffit d’évoquer deux facteurs qui
font croître le PIB (produit intérieur brut d’un pays)
: l’augmentation des accidents de la route et celle du nombre des malades.
Il est évident qu’il faut changer d’indicateur, ne plus
privilégier exclusivement la croissance économique, et rechercher
des indicateurs du bien-être.
- Une mise en pratique par la concertation
Le développement durable n’est pas figé, ni valable pour
tous les habitants. Par exemple, au sein des O.N.G. (Organisations non gouvernementales)
indiennes, l’environnement et la nature sont absents du discours, car
ils sont totalement intégrés dans leur pensée. Par contre,
elles insistent sur l’accent à mettre sur la dimension spirituelle.
Pour elles, la nature englobe le spirituel, le culturel et le social. Elles
ajoutent également la nécessité de la prise en compte
de la dimension politique.
Il ne faut donc pas prendre ce concept du développement durable sans
faire une analyse critique du monde. Tout le monde s’accorde sur les
enjeux et les objectifs, mais il existe des désaccords profonds sur
sa mise en pratique. Les intérêts sont contradictoires. Il est
donc nécessaire de se mettre autour d’une table pour se parler.
Dans les associations, l’éthique de la discussion est présente.
Il y a des méthodes pour permettre que les gens s’écoutent,
se respectent, échangent.
- Développement humain et cohésion sociale
Le premier enjeu à mettre en œuvre est le développement
humain et la cohésion sociale. Il faut satisfaire les besoins matériels
et immatériels, c’est à dire existentiels : accès à la
santé, nourriture saine, logement, mobilité, éducation,
formation, culture, revenu, parité homme-femme, débat public,
vivre ensemble et accepter la singularité de chacun, nature préservée…
La production, la consommation, l’échange, (A) nécessitent
des ressources naturelles, énergétiques, la diversité biologique
selon les climats (B). Il faut donc une gouvernance, une action politique,
de façon à permettre une bonne corrélation entre (A)
et (B), jusqu’au sein des associations, actrices de la société civile.
Comment prendre des décisions ensemble ? Il existe des méthodes
pédagogiques pour associer les jeunes à ces décisions,
les associations contribuent à former les jeunes à l’importance
du fait politique. Il faut savoir développer des arguments, établir
des projets, écouter les autres.
Il est nécessaire de réexaminer la place de l’homme dans
les écosystèmes, amener les personnes à se construire
une éthique individuelle, échanger au lieu d’exploiter.
Il est préférable d’agir en faisant attention à autrui,
en ayant de la sollicitude, en prenant soin d’autrui, plutôt
que d’avoir à réparer les erreurs a posteriori. Au lieu
d’agir en répondant à des urgences, il est préférable
d’entrer dans une logique d’anticipation, attitude qui va à l’encontre
de tous les schémas culturels occidentaux. Il est donc nécessaire
de modifier nos repères culturels pour faire accepter de nouveaux
schémas. La mise en place du développement durable implique
un changement culturel.
- Une économie fondée à la fois sur la liberté,
l’égalité et la fraternité
Les associations ont négligé le domaine économique,
ce qui les rend dépendantes des raisonnements « le marché a
dit, l’économie pense que » qu’elles ne savent pas
démonter. L’économie n’englobe pas tout, il faut
montrer que l’humain, le social, le biologique sont à prendre
en considération au même niveau. Les modèles de développement
actuels nous emmènent droit au mur.
Il existe trois systèmes économiques :
- 1) fondé sur la liberté : le marché
- 2) fondé sur l’égalité : la planification
- 3) fondé sur la fraternité : la réciprocité,
le don, l’altruisme
Le premier ne répond pas aux questions de l’eau, de l’éducation… Il
nécessite une régulation. Le troisième correspond aux
associations qui agissent dans le bénévolat depuis la loi de
1901. La vie s’arrêterait si les associations disparaissaient.
Elles constituent un secteur important et nécessaire, y compris sur
le plan économique. Aucun des trois systèmes économiques
n’est viable en exclusivité : la solution est dans leur synthèse
selon des modalités qui varient avec les projets.
Il faut réfléchir sur la façon dont on échange,
et prendre en compte les ressources. L’éducation populaire permet
d’influer sur des changements et peut même les accélérer.
Il faut faire passer l’idée de la complexité. On se construit
avec des idéologies et il faut apprendre ensuite à les dépasser.
Il faut clarifier les principes de responsabilité et de solidarité,
ne plus vivre en faisant du curatif et privilégier le préventif,
remettre l’économie au service de l’humain. Il ne faut
pas traiter les gens seulement en consommateurs, il est nécessaire
de les faire grandir en humanité, leur apprendre à être
ensemble, à choisir ensemble, à décider ensemble, selon
le précepte de Condorcet : « Apprendre à oser penser
par soi-même ».
- Nécessité de former les bénévoles
associatifs
Un éducateur est, d’une part, un acteur d’un système
qui a vocation à se reproduire, il incarne un modèle de société.
D’autre part, c’est un accompagnateur de personnes en recherche
d’émancipation et de reconnaissance de leur singularité.
L’éducateur est donc à la fois au service du système
et des personnes.
La parole est chargée de sens car elle est suivie d’actions.
Il donc est nécessaire de former les bénévoles associatifs.
Il existe une conférence permanente des fédérations
associatives, financée par un fonds accordé par la région
et l’Etat (CPCA) : les associations
s’organisent
entre elles pour ensuite intervenir de façon coordonnée auprès
des pouvoirs publics. Des organismes paritaires, des fonds de mutualité permettent
la formation des bénévoles pour que la vie associative continue à réfléchir
et apporter des valeurs. L’Agenda 21 du Comité olympique et
sportif est un bon exemple de réalisation,
de même que celui de l’UFOLEP, de l’USEP. Il permet de
s’interroger par exemple sur l’intégration du concept
de développement durable dans une sortie avec les enfants.
L’économie, ce n’est pas seulement un moyen de survie
pour les associations. Elles doivent être capables de proposer des
alternatives lorsqu’elles s’adressent au monde économique
: elles ne doivent pas se poser toujours en quémandeuses.
Au Poitou-Charente, les associations ont simulé l’arrêt
total de leurs activités de façon à mieux valoriser
leur rôle face aux élus et aux entreprises.
- La décroissance : un faux problème
Le développement durable n’appelle pas de ses vœux la décroissance,
qui est un débat idéologique. Il s’agit de déterminer
plutôt quelle croissance est possible, pour qui, au service de qui.
Le développement durable implique la décroissance de l’énergie,
des services inutiles, mais la croissance du bien-être, de l’alimentation
de l’humanité. Il faut examiner toutes les décroissances
nécessaires, augmenter le transfert de technologies vers les pays
tiers de façon à les amener à économiser leurs
ressources. La science doit progresser, mais il faut examiner au service
de quoi. L’utilisation des sciences et des techniques effectue une
course contre le temps : comment vivre ensemble à 9 milliards d’individus
? Il faut construire des maisons qui produisent de l’énergie
: la technologie existe, il faut la transférer pour lutter contre
l’effet de serre. L’urgence n’est pas technologique mais
politique. Il est nécessaire d’établir un projet pour
l’humanité, une gouvernance mondiale. La société civile
organisée (les associations) peut intervenir et peser au niveau mondial.
- L’empreinte écologique
En 1992, 143 pays ont signé en faveur de l’Agenda 21. C’est
un héritage du concept de développement local. Il exprime la
nécessité d’une convergence politique de toute la planète,
par une multitude d’actions locales. Il est nécessaire de déterminer
son empreinte écologique et entreprendre une démarche de projet.
L’empreinte écologique, c’est la surface biologique productive
nécessaire pour fournir l’énergie et les matières
premières consommées par la population et l’élimination
des déchets engendrés (tout ce qui permet à un habitant
de vivre).
Par exemple, le Bengladesh utilise 0,7 hectare par habitant, l’Europe,
6 à 7 hectares par habitant, et les USA, 12,3 hectares par habitant.
Donc, pour 6 milliards d’habitants, il faudrait 3 planètes pour
vivre et consommer comme les Européens et 5 planètes pour vivre
comme les USA. 20% de la population mondiale utilise 80% des ressources.
L’Agenda 21 a un but très concret : faire baisser l’empreinte écologique.
Il faut changer le parc de véhicules, dématérialiser
l’échange des informations, etc.
3/ Méthodologie
- Un comité de pilotage
Le Conseil d’administration d’une association doit procéder
en effectuant une démarche de projet et le porter politiquement. Il
faut créer un comité de pilotage. Il faut faire un état
des lieux pour réaliser un projet de développement qualitatif
(et non pas quantitatif). Il faut déterminer les problèmes,
analyser leurs causes, mettre en œuvre des actions, un programme, des
engagements écrits.
- L’Agenda 21
Agenda 21 provient, étymologiquement, du latin « agere »,
faire, agir et 21 signifie le 21ème siècle. Agenda 21 se traduit
donc par « ce qu’il faut faire pour le 21ème siècle ».
C’est un outil stratégique et opérationnel concret, d’anticipation,
qui permet la mise en œuvre d’une réflexion préalable.
L’Agenda 21 doit prendre en compte le schéma d’interaction
entre le développement humain, la production et les ressources, dans
la transparence, la clarté, la participation et l’évaluation.
A chaque étape de la démarche, il faut s’interroger si
la participation et l’évaluation sont suffisantes. Le comité de
pilotage doit comprendre les représentants de tous les acteurs. Il
faut savoir qui fait l’état des lieux. Des actions peuvent être
entreprises dès le début de l’élaboration de l’Agenda
21. Il ne faut pas s’attaquer à tout en même temps, il
ne faut pas prendre le risque non plus de fossiliser l’Agenda 21. Il
faut déterminer qui propose, qui décide, qui réalise,
pour une bonne mise en œuvre. Le calendrier doit comporter des indicateurs
pour repérer les progrès.
Par exemple, on peut établir le bilan carbone d’un repas et
tenter de l’améliorer en choisissant des fournisseurs locaux,
en passant un contrat avec des agriculteurs biologiques. Il faut faire la
politique des « petits pas », c’est à dire démarrer
par ce qui est facile à faire en gardant l’objectif bien en
vue. Il faut se donner le temps de faire les choses et toujours établir
la comparaison en établissant un bilan d’évaluation.
Si le projet est trop ambitieux, on cours le risque de la paralysie. Il faut
effectuer un travail global en amont, puis fixer des priorités et
passer à l’application.
Autre exemple, on peut réorganiser le déroulement de l’Assemblée générale de l’association en la faisant sur une journée complète qui se décompose en une demi-journée où les adhérents se répartissent par ateliers pour que chacun puisse donner son avis, et l’autre demi-journée avec le bilan des rapporteurs d’ateliers et l’assemblée générale statutaire proprement dite.
Entreprendre une démarche de Développement durable et réaliser un Agenda 21 ne doit pas être considérée comme un pensum, avec ennui, il faut que ce soit un plaisir, une démarche volontaire de progrès.
Le plus difficile, c’est d’établir de bons critères d’évaluation. Il faut être capable de juger les aspects quantitatifs (eau, CO2, démographie…), mais également qualitatifs. Ces derniers n’existant pas actuellement, il faut en construire en faisant participer toute la population.
Conférence de Michel Hortolan Compte-rendu de conférence : Cathy Constant-Elissagaray |
Adopter et mettre en œuvre un Agenda 21ème
siècle |
Jeudi 10 septembre 2009 – Salle polyvalente de Mouguerre |