La
démocratie, c'est à dire le pouvoir entre les mains du
peuple, est si difficile à mettre en oeuvre qu'on y ajoute parfois
le qualificatif de participative pour insister sur son exercice effectif
par l'ensemble
des individus
d'une nation. Elle nécessite une attention et un effort de tous
les instants, car la dérive naturelle vers l'oligarchie est tentante
pour les élus, alliés aux cadres dirigeant les principaux
organismes publics
et privés. La population du Pays basque qui tente de prendre
en charge son destin au sujet de l'aménagement du territoire sur
lequel elle réside
en fait amèrement l'expérience, dans le cas précis
du projet de ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) contre lequel
elle s'insurge depuis
quelques années et de façon plus
aiguë maintenant que celui-ci semble
se préciser.
Il s'agit pourtant là d'une vieille histoire,
mais les esprits n'y avaient d'abord pas pris garde, à l'époque. Depuis
les balbutiements de l'union européenne, les élites des capitales, métropoles et grandes agglomérations rêvent d'être reliées
par voie ferrée grâce
à des trains qui rouleraient à grande vitesse, ce qui implique bien sûr
un nombre d'arrêts intermédiaires limité au strict minimum. Dès l'année
suivant son entrée dans la communauté européenne (1985), l'Espagne a
souscrit
à ce projet et commencé à équiper (très lentement) son territoire, mettant
plutôt l'accent sur l'infrastructure autoroutière également largement
subventionnée par les pays du Nord.
Cette
volonté de relier les métropoles est fondée sur
plusieurs facteurs. D'une part, l'entrée
dans l'ère
industrielle au XIXe s. s'est caractérisée
par la concentration des moyens de production, y compris la main d'oeuvre
qui
a déserté les campagnes et formé des
agglomérations de plus en plus importantes. La production alimentaire
a donc dû compenser cette perte de bras par une mécanisation
des tâches,
qui a engendré à son tour la restructuration du paysage
en remembrant les propriétés pour accroître les surfaces
cultivées d'un seul tenant.
D'autre part, du point de vue individuel, il est apparu
évident à la minorité en possession du pouvoir économique
et politique que seules
importaient ces grosses agglomérations, le reste du territoire étant
jugé comme valeur négligeable, englobant dans cette opinion
les personnes qui y résidaient. Complètement privées
du contact avec la nature, ces
élites assimilent les distances entre agglomérations, non
pas à des portions
d'espace naturel habité, mais à des périodes de
temps perdu en transport qu'il faut réduire le plus possible, à l'instar
des transports intra-urbains qui les énervent quotidiennement
et leur font subir de surcroît la pression
permanente d'une promiscuité incontournable.
Les
lignes à grande
vitesse satisfont donc cette soif de prouesse technique (plus grand,
plus rapide, plus
moderne) qu'il s'agit de valoriser sur le plan international en en faisant
un
élément de prestige qui procurera un avantage compétitif à l'exportation
(2007, record de
vitesse sur la LGV Paris-Metz). Elles sont aussi l'enjeu en France d'une
guerre fratricide entre
deux établissements publics, RFF et
SNCF, issus de la scission de la SNCF
en 1997, en application d'une directive européenne de 1991 qui
préconise
l'ouverture du transport ferroviaire à la concurrence dans tous
les pays d'Europe, à compter de 2004 pour le transport du fret,
de 2010 pour le
transport
international
des passagers et de 2012 pour le transport national.
Il faut savoir que le caractère ingérable de la SNCF en
raison d'une très forte
syndicalisation
du personnel conduit l'Etat à lui retirer
peu à peu ses prérogatives pour les transférer à RFF
- les LGV sont du ressort de RFF -.
Sachant
tout cela, il paraît évident
que les arguments écologiques avancés par RFF - la réduction
des émissions
de carbone par le transfert du transport routier vers le ferroviaire
- ne sont là que pour légitimer des projets dont les motivations
sont très éloignées du souci de tendre vers un développement
durable. C'est si vrai que RFF est prêt à ouvrir une ligne
nouvelle à travers le Pays
basque qui engendrerait des traumatismes sociaux et environnementaux
incommensurables, plutôt que de s'entendre avec la SNCF sur la
portion Bayonne-Hendaye dont RFF améliore pourtant les voies.
Parallèlement,
l'Etat compte
accélérer l'application du Grenelle de l'environnement
par le biais de RFF qui projette de "doubler" son alter ego,
la SNCF, et de le concurrencer par l'instauration de "l'Autoroute
ferroviaire atlantique" (Bayonne-Bordeaux-Paris-Dourges, par
Niort-Saintes), dont l'ouverture est prévue en 2011.
Tous
les moyens sont bons pour obtenir gain de cause. RFF surestime les prévisions
de trafic, sous-estime les investissements relatifs aux travaux, qui
comprendront de nombreux tunnels, viaducs, aplanissement de collines
pour remblayer plus loin des vallées, minimise l'impact environnemental
de la tranchée à vif qu'elle compte faire à
travers le
Pays basque. Les
responsables
se
gardent d'évoquer la nuisance
sonore épouvantable engendrée
par le passage de trains à grande vitesse, qui s'ajoutera, sans
la remplacer, à celle
de l'autoroute A10 qui lèse déjà les riverains proches
et lointains. Rien n'est dit au sujet de la dévalorisation inévitable
sur le plan immobilier des propriétés
qui
longeront la nouvelle voie, ni du drame humain
provoqué par l'expropriation des gens sur le trajet. Ils évitent
aussi le sujet du raccordement indispensable au "Y
basque", nouveau réseau
ferré en cours de construction du côté espagnol.
Celui-ci privilégiera
le transport de passagers à l'intérieur de la communauté autonome
basque pour y décongestionner
les routes, et la part du fret ne sera qu'accessoire.
Pourtant,
l'un des arguments avancé pour justifier la construction d'une
ligne nouvelle LGV côté français
réside dans
l'accroissement très significatif de la prise en charge du fret
international par le rail. Il
y aura
donc forcément un goulot d'étranglement si les prévisions
de RFF se réalisent (ce qui n'a rien d'évident, le transport
ferroviaire français de fret stagne, voire régresse depuis
des années).
Petit détail, ce n'est pas à Hendaye qu'est situé le site de chargement du fret routier sur les wagons, mais à Mouguerre, au Nord de Bayonne, la raison invoquée étant la faible puissance des locomotives affectées à ce travail, incapables de travailler sur la pente d'Hendaye (signe supplémentaire de la faiblesse concommittante de l'Europe, car ce site "intermodal" aurait pu se faire sans doute à Irun, qui ne pâtit pas du même handicap). Dans les Pyrénées orientales, sauf erreur, l'investissement dans des locomotives plus puissantes a été réalisé. Sans doute que l'enjeu du trafic vers Barcelone avait été jugé supérieur à l'époque... Enfin, les vitesses prévues côté basque espagnol sont de 220 km/h maximum pour le trafic passagers et 120 km/h maximum pour le fret : quid de la grande vitesse prônée par l'Etat français et RFF ?
Sans minimiser en rien l'importance de
cette bataille contre
l'ouverture d'une ligne nouvelle à grande vitesse à travers
le Pays basque, je m'interroge cependant sur la façon dont le
problème est
posé par les gouvernants européens et français.
Malgré les cris d'alarme des écologistes, malgré les réunions entre
des pays du monde entier pour tenter de résoudre ensemble la question,
aucune remise en cause ne s'annonce de notre système économique
occidental
- modèle unique de développement dans le monde
-, alors qu'il engendre un réchauffement climatique majeur
dont
nous commençons
à sentir
les perturbations. Le gaz carbonique produit par nos activités humaines
accentue l'effet de serre naturel de notre atmosphère. Il
provient principalement
des centrales thermiques productrices d'électricité (fonctionnant
grâce au pétrole et au charbon), du transport routier et
du chauffage des locaux. Le gaz carbonique
naturel, non généré par l'activité
humaine, est normalement absorbé par les forêts. Leur destruction
systématique,
notamment dans les zones tropicales et équatoriales, est un facteur
aggravant du déséquilibre.
Il
serait parfaitement suicidaire pour la classe politique et économique
de préconiser des mesures drastiques
de baisse de ces émissions, avec toutes les implications qu'elles comportent.
Tout ce qui est annoncé n'est que de la poudre aux yeux. L'unique solution
efficace réside dans la prise de conscience individuelle de chacun
des habitants de la planète qui
devra s'attacher à changer ses habitudes pour préserver l'environnement
dont sa vie dépend, ainsi que celle des générations futures. Un changement
général des habitudes de consommation induira un changement
de l'économie. Voici quelques exemples, non exhaustifs. Sur le
plan alimentaire, privilégier les produits locaux, de saison, biologiques,
accroître
la part du végétal par rapport à l'animal. A propos des forêts, réduire
la quantité de papier utilisée, refuser les bois tropicaux, instaurer
une exploitation durable des forêts nationales en préservant la biodiversité.
En
ce qui concerne l'énergie, isoler les locaux d'habitation et de travail,
éviter de surchauffer l'hiver, annuler les déplacements
inutiles, choisir la marche, le vélo, l'utilisation du bus, du covoiturage, du train.
-
Photos : Maroc, 2007, désertification en bas et moyen Atlas, à 40 km
au Sud-Est de Marrakech -.
Choisir la sobriété, préférer, si un produit manufacturé s'avère indispensable, un produit fabriqué localement avec des matériaux locaux. Enfin, dans le même temps, éduquer les populations et particulièrement les femmes pour stopper la croissance démographique, fait générateur de tous nos maux, et réduire ainsi la pression sur notre environnement. Toutes ces mesures paraissent utopiques, mais il ne faut pas choisir la politique de l'autruche, en pensant que tout ira mieux demain. Le réchauffement planétaire n'est pas une invention des écologistes, la destruction de l'environnement au niveau mondial est réelle, notre survie, et surtout celle des générations à venir, nécessite un bouleversement de notre système de valeurs. Le bonheur est-il mesurable à la quantité de biens consommés ?
Réaction de Jacky. Il faut se souvenir que lors de l'établissement
du premier tracé par l'Europe, le Pays Basque était évité car
les Espagnols ne voulaient pas du TGV mais son concurrent l'ICE (allemand).
Donc le tracé retenu à l'époque
arrivait à Bordeaux
et allait à Toulouse puis Perpignan et
enfin Barcelone, Madrid. La LGV au sud de Bordeaux était purement
abandonnée. Quel intérêt d'avoir une LGV sur le tronçon
Bayonne Espagne ? Le train n'aura pas le temps de se lancer qu'il commencera à freiner
pour s'arrêter à Irun, San Sébastien ? Tout cela est complètement
débile et il serait intéressant
de savoir quel groupe industriel est derrière ce projet ?
Texte de réflexion écrit à titre personnel et individuel par Cathy Constant-Elissagaray, suite à la réunion publique d'Ustaritz organisée par la communauté de communes Errobi (Pt Paul Baudry) avec la participation du maire d'Ustaritz, Dominique Lesbats, du CADE (Collectif de 43 associations pour la défense de l'environnement), Pt Victor Pachon, de François Tellier, de UDE, Ustaritz Défendre l'Environnement, Secrétaire André Garo et du Cercle de Buruntz, Pt Jacques Saint Martin | LGV (Ligne ferroviaire à grande vitesse) |
8 octobre 2009 |