Qu'y a-t-il de commun entre une montre et la traite des Noirs ? La pensée ne se développe pas dans une bulle, hors de tout contexte, elle se fonde sur des connaissances passées et les orientations qu'elle prend s'inscrivent dans les questionnements du moment. L'histoire de la recherche effrénée d'instruments de mesure du temps est exemplaire à ce titre. Elle est intimement liée à l'époque des Grandes Découvertes, où la concurrence s'exacerbe en mer afin d'obtenir la mainmise sur les richesses mondiales, l'or, les épices, les esclaves. L'enjeu pour les Etats est alors de perdre le moins de bateaux possible - et leurs précieuses cargaisons -, en fournissant aux capitaines des outils pour faire le point, c'est à dire savoir où ils se situent lorsque toute côte est hors de vue. - Science Museum : A gauche : Tomas Tompion fut un horloger londonien très célèbre. Cette horloge de 1690 réalisée pour le roi William III arbore sur le blason à l'effigie de Brittania les crosses entrecroisées d'Angleterre et d'Ecosse, signe politique d'un besoin de reconnaissance de sa monarchie conjointe avec son épouse la Reine écossaise Mary. A droite : Augsbourg, capitale du Saint-Empire Romain Germanique au XVIe siècle dirigé par les Habsbourg, était réputée pour ses orfèvres comme pour ses horlogers. On compte encore aujourd’hui environ 25 horloges-automates provenant de ses ateliers, dont trois en forme de navire conservées, l’une à Londres (British Museum) - photo ci-contre -, la seconde à Vienne (Kunsthistorisches Museum) et la dernière à Ecouen au musée de la Renaissance. Hans Schlottheim, son réalisateur, avait couplé l'horloge située sur le pont près du capitaine du navire à des automates qui bougeaient de façon coordonnée avec le mécanisme, et l'heure était annoncée par une salve de ses canons. -

La latitude (la position entre l'équateur et les pôles sur l'axe Nord-Sud) est connue dès le XIVe siècle grâce à la conception de l'astrolabe nautique qui permet de mesurer la hauteur de l'étoile polaire. C'est une version simplifiée d'un instrument inventé par les Grecs (87 avant J.-C.) et utilisé à partir du VIIe siècle par les astronomes arabes pour leurs observations. L'étoile polaire n'étant plus visible aux approches de l'équateur et dans l'hémisphère Sud, Martin de Behaïm, astronome du roi Jean II du Portugal, répand vers 1485 l'usage de tables pratiques de déclinaison du soleil dont la hauteur méridienne (à midi) est aussi déterminée avec l'astrolabe. Mais la longitude (la position sur l'axe Est-Ouest) est beaucoup plus difficile à déterminer. Les recherches s'orientent dans deux directions, astronomique et la mesure du temps. En 1714, le Parlement britannique promet une récompense considérable (20 000 £) à qui trouvera une solution acceptable au problème de la longitude en mer. Les méthodes astronomiques ne donnent aucun résultat probant. C'est un horloger anglais, John Harrison, qui le premier réussira à le résoudre. Il essaye en mer en 1736 sa première "horloge à longitude". Après avoir construit des chronomètres plus perfectionnés, il reçoit le prix britannique. Les monarques et les nobles montrent l'estime qu'ils portent envers ces découvertes technologiques en incluant dans leurs possessions des horloges ouvragées, acquises davantage pour symboliser leur statut et leur richesse que pour leur capacité à donner l'heure. Les horloges européennes et les automates deviennent très prisés par l'empire ottoman (la Turquie actuelle et l'Afrique du Nord) et sont l'objet d'un marché florissant, de moins en moins élitiste au fur et à mesure que la fabrication s'industrialise. - Victoria and Albert Museum : Art ottoman, coupe - Big Ben, Tour de l'Horloge du Palais de Westminster, siège du Parlement britannique -

Si les Européens passent ainsi hardiment du cabotage à la navigation hauturière, c'est que la fin du Moyen Age se caractérise par une ouverture à des sources autres que bibliques. À la suite des premières croisades, sous l'influence du philosophe et savant Albert le Grand (entre 1193 et 1206 - 1280) et du philosophe Roger Bacon (1214 - 1294), un mouvement se dessine en faveur d'un retour à une conception sphérique et une connaissance scientifique de la Terre. On intègre alors dans les premières universités européennes, créées à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, l'enseignement des connaissances de l'antiquité gréco-latine (Platon, Aristote, Ptolémée), et celui des autres sciences du monde islamique, très en avance notamment sur le plan de l'astronomie et de la géographie. A la même époque, des Arabes font connaître à des marins génois et vénitiens l'usage de la boussole, inventée par les Chinois (non pas pour naviguer mais pour aligner les corps correctement dans leur tombe), puis c'est le tour de la poudre à canon, d'invention chinoise également et transmise aux Européens par le monde arabo-persique : ces deux apports prendront une importance primordiale par la suite.

Les grands voyages reprennent, par exemple celui du vénitien Marco Polo qui séjournera 17 ans en Chine, de 1274 à 1291. L'invention de l'imprimerie en Occident au milieu du XVe siècle (Gutenberg) accélère considérablement la diffusion des ouvrages de cosmographie et de cartographie. Bien plus précoce, la Chine pratique déjà la xylographie depuis le VIIe siècle, suivie par la Corée et le Japon : le texte ou l'image est gravé sur une plaque de bois pour être reproduit par estampage, la plaque étant enduite d'encre et pressée fortement sur une feuille de papier mise ensuite à sécher, suspendue à un fil ; l'usage en Chine de caractères mobiles en terre cuite puis en métal débutera respectivement au XIIe et XIIIe siècle, sans qu'il y ait d'évidence que ce savoir se soit transmis aux Européens qui paraissent l'avoir inventé de façon indépendante. - Musée Royal Maritime : Astrolabe hispano-mauresque, 1230 - Boussole chinoise - Observatoire de Greenwich, la boule du temps relevée pour prévenir les capitaines au port de se préparer à régler leur horloge, cinq minutes avant qu'elle ne retombe à midi solaire. -

Malgré le désir manifesté par le Parlement britannique d'encourager la recherche en vue de sécuriser les transports maritimes qui naviguent toujours à l'estime dans la direction Est-Ouest, il est frappant de constater à quel point les moyens mis en oeuvre par l'Etat sont chiches. Pour la construction de l'observatoire de Greenwich ordonnée par le roi Charles II en 1675, destiné à résoudre ce problème de calcul de la longitude, Sir Christopher Wren, l'architecte, est obligé par économie de récupérer des pierres du Fort Tilbury et de la Tour de Londres, tandis que les étais destinés à soutenir les télescopes sont fabriqués à partir de mâts de voiliers désaffectés. A partir de 1676, les fonds octroyés permettent juste de payer les émoluments du premier astronome, John Flamsteed, et de son aide. Celui-ci se plaint de devoir perdre un temps précieux à donner des cours afin de pouvoir acquérir ou faire construire les instruments dont il a besoin pour observer le ciel et établir une carte précise indiquant la position des étoiles. Quelque temps après, le chercheur tarde à publier ses résultats. Isaac Newton, alors à la tête de la Royal Society, accepte qu'une commission de la Compagnie supervise la publication du catalogue à partir des registres de Flamsteed qu'il se fait communiquer. Edmond Halley, qui est en charge en 1708 de la mise en forme pour l'impression, effectue quelques remaniements dans les données, ce qui éveille la colère de Flamsteed qui, de rage, achète avec ses deniers 100 exemplaires qu'il brûle ! Les annotations qu'il fera à cette version en 1712 permettront la publication en 1725, malheureusement après son décès, de l'Historia Coelestis Britannia rectifiée. - Observatoire de Greenwich : Méridien matérialisé par une barre métallique, avec l'indication de la longitude des principales capitales - Cadran solaire -

Grâce à la double appartenance d'un des participants du voyage à la Société d'Astronomie Populaire de la Côte Basque et surtout à la Société Astronomique de France et sa commission Cadrans Solaires, nous avons la chance immense d'être reçus par le bibliothécaire de la Royal Astronomical Society, Dr Peter Hingley, également membre de la British Sundials Society. Celui-ci connaît en effet de longue date Françoise Launay, astronome à l'Observatoire de Paris, historienne et chercheur au Syrte (Systèmes de Référence Temps Espace), qui est en relation avec Jean-Pierre Martin de la S.A.F. Peter Hingley nous introduit dans son bureau avant de nous montrer la bibliothèque prestigieuse de la R.A.S. Nous regrettons amèrement notre faible niveau linguistique car notre mentor parle continûment à toute vitesse, très chaleureusement, et ne cesse de nous poser des questions-piège du genre : "Quelle est votre spécialité en astronomie ?". Nous sommes bien ennuyés pour y répondre (la R.A.S. est composée d'astronomes en activité ou à la retraite, et d'amateurs), et nous nous sentons très petits et très incompétents dans ce cadre intimidant, en compagnie d'un homme très vieille Angleterre, se comportant, à ce qu'il nous semble, comme un aristocrate, à la fois très ouvert et très digne, soucieux de satisfaire tous nos désirs. Il s'éclipse soudain en nous proposant de consulter à notre guise les livres anciens et modernes qui emplissent les rayonnages jusqu'au plafond et revient avec une grande chemise cartonnée quadrangulaire. Il la dépose précautionneusement sur une table et ouvre le rabat, sort une feuille de protection et découvre devant nos yeux émerveillés une carte de la lune originale réalisée par Cassini, qu'il nous permet de photographier pour notre usage personnel. Il nous fait remarquer la silhouette féminine de profil (un buste) dessinée par le cartographe. - Malgré les découvertes de Galilée et le perfectionnement des lunettes astronomiques, la Lune était encore l'objet de nombreux fantasmes et mythes. -

Un moment plus tard, il disparaît de nouveau dans les profondeurs de l'appartement et revient avec deux lourds cartons. Cette fois, il nous présente des livres très anciens, l'un du XVIe et l'autre du XVIIe siècle, rédigé en français. Je crois bien que le premier est un incunable (remontant aux tout débuts de l'imprimerie). Il comprend 18 disques rotatifs, inclus dans ses pages. Il s'agit sans doute de l'Astronomicum Caesareum, rédigé en 1540 par Petrus Apianus (1495–1552). C'est un somptueux manuel de la Renaissance qui explique le maniement de l'astrolabe (calcul de la hauteur des étoiles) et d'autres instruments utilisés pour définir la position des planètes. L'auteur, astronome à la cour de l'Empereur Charles V, fournit aussi de nouvelles observations sur la comète de passage en 1531 (Comète de Halley). Nous découvrons sur le deuxième une gravure de Sébastien Le Clerc dans ses "Mémoires pour servir à l'Histoire Naturelle des Animaux" (Paris, 1671) et intitulée "Louis XIV à l'Académie en 1671". Le bibliothécaire pointe les inexactitudes du tableau, en nous faisant remarquer que l'Académie se réunissait à l'observatoire de Meudon, figuré à l'arrière-plan, et que les jardins représentés ne se trouvaient pas de ce côté. Toutes les sciences de l'époque sont symbolisées sur la gravure avec, au premier plan, une sphère armillaire pour l'astronomie. Un des "fellows" de la R.A.S. survient sur ces entrefaites. Tiré à quatre épingles, doté de fins cheveux blancs qui lui couvrent la nuque, il arbore un noeud papillon et une montre à gousset suspendue par une chaîne en or au travers de son ventre. Les deux hommes, qui se fréquentent depuis 40 ans nous disent-ils, plaisantent ensemble avec cet humour typiquement anglais dont nous ne comprenons pas une goutte, et nous sourions poliment, histoire de faire bonne contenance. Après son départ, et bien qu'il nous reçoive ainsi à l'improviste, le bibliothécaire n'hésite pas à nous inviter à rester au cocktail qui doit avoir lieu en début de soirée. Nous apprécions infiniment son hospitalité, mais nous préférons ne pas abuser et nous retournons après cet intermède hors du temps dans le tohu-bohu de Picadilly Street.

A l'ère d'Internet où règne la surinformation généralisée, on peut se demander s'il est encore utile de visiter des musées. Les Anglais ont dû craindre aussi que plus personne ne s'y rende car l'accès en est désormais totalement gratuit. Une fouille des sacs à l'entrée, parfois, rarement, l'interdiction de photographier, sont les seules restrictions. Ils comportent à peu près tous une boutique, un service de restauration (dans le cadre superbe d'anciennes salles à vitraux au Victoria and Albert Museum), une boîte transparente en guise de tirelire invitant les visiteurs aux dons (sans doute les musées font-ils de plus en plus appel au mécénat pour pallier l'insuffisance des fonds alloués par l'Etat). Au British Museum, des colonnes d'écoliers ou d'écolières en uniforme (les classes ne sont pas mixtes) sillonnent les salles, une feuille de cours ou un carnet de notes à la main. Des étudiants se tiennent devant les oeuvres d'art, essayant de les reproduire sur leur cahier à dessin. - Musée maritime de Greenwich : Astrolabe - British Museum : Classe de filles en visite -

A la Renaissance, lorsque les voyages lointains font découvrir aux Européens de nouveaux peuples, animaux, végétaux et minéraux, la première idée qui leur vient est de réunir dans des "cabinets de curiosités" les objets qui paraissent les plus extraordinaires ou remarquables. L'afflux d'éléments nouveaux rend bientôt nécessaire leur installation dans des lieux plus grands - des musées - où l'on tâche de déterminer leur appartenance pour les répertorier. C'est le début des classifications qui ont pour but de mieux comprendre un monde qui s'avère de plus en plus complexe. Nous nous en faisons une idée en visitant la section du Musée d'Histoire Naturelle (Natural History Museum) consacrée aux minéraux : de grands alignements de tables en caissons vitrés classées par catégories occupent une longue salle, tandis que l'allée centrale est partiellement encombrée par une roche énorme de fer pur qui se dresse sur un socle, portion de météorite tombée du ciel, inclassable parmi les pierres terrestres. Au fond, une petite salle en arc de cercle met en valeur dans des vitrines éclairées des pierres précieuses aux proportions exceptionnelles taillées et serties avec art, des portions de météorites polies ou des cristaux particulièrement esthétiques. - Musée d'histoire naturelle -

Parallèlement à ces espaces de conception ancienne, où l'exhaustivité du sujet nuit à son étude, car l'oeil se lasse à parcourir les vitrines qui déploient une profusion d'objets issus des quatre coins du monde, d'autres salles présentent au contraire la synthèse d'un thème, par exemple l'évolution de l'humanité et son appartenance à l'ordre des primates, avec seulement quelques ossements ou fossiles disposés à titre d'illustrations au bas de panneaux explicatifs assortis de cartes et de schémas. Lorsque la matière s'y prête, l'imagination se déchaîne et une inventivité inspirée du cinéma associée à des accessoires informatisés offre aux visiteurs éblouis une synthèse interactive et parfois même ludique. C'est le cas de la section sciences de la terre avec le volcanisme, suivi d'expositions consacrées à l'érosion, toujours dans le musée d'histoire naturelle. Il en est de même dans un vaste hall labyrintique consacré aux dinosaures, peut-être de traitement un peu plus facile, mais, du coup, des familles entières s'y bousculent avec des enfants surexcités et très intéressés. Malgré tout, pour qui s'attarde à lire, les questions essentielles sont quand même posées, comme les arguments pour ou contre "le sang chaud" des dinosaures ou bien les hypothèses sur les peaux, écailles, pelages ou plumes qu'ils auraient eus, ou encore le remplissage fictif du corps en coupe pour imaginer la disposition du coeur ou de l'estomac. Cette présentation est attractive, concrète, vivante, spectaculaire. - Musée maritime de Greenwich - British Museum, collection Sloane : Nautile gravé d'une scène de la défaite espagnole en 1639 contre l'Amiral hollandais Maarten Tromp dans la Manche au large de Douvres. Un casque à visière moyenageux est sculpté à l'intérieur dans les circonvolutions du coquillage. -

Des salles du musée maritime m'enchantent également : déguisées en grottes plongées dans la pénombre, chaque pan de mur thématique contient une vitrine lumineuse attrayante pourvue d'une illustration ou d'une mise en scène d'objets et d'un texte explicatif, tandis qu'un bruitage approprié plonge dans l'ambiance, le bruit de la mer pour les grandes découvertes, le grincement de la banquise pour la quête d'un passage vers l'océan pacifique en contournant l'Amérique du Nord. Après cette mise en valeur au rez-de-chaussée et sur une mezzanine des héros de la mer, de leurs navires et équipements, à l'étage, cachées derrière des portes coupe-feu rébarbatives uniquement pourvues d'un numéro qui donnent l'impression d'être des espaces privés, des salles présentent en larges panneaux explicatifs les pistes d'une véritable réflexion sur les conséquences humaines politiques et économiques de l'expansion européenne. Toujours uniquement en langue anglaise, cette section montre courageusement les effets négatifs de cette glorieuse conquête. En 1820, on comptait 2,5 millions d'Européens expatriés, souvent pour des raisons économiques ou religieuses, pour plus de 8 millions d'Africains réduits en esclavage et transférés en Amérique et dans les îles. Il s'agit sans doute du nombre de ceux arrivés vivants, qui néglige les pertes dues aux conditions de transport déplorables, aux mauvais traitements, ainsi que celles occasionnées lors de leur capture. Les chefs de tribu africains fournissaient eux-mêmes des contingents d'esclaves en contrepartie d'armes à feu et de marchandises. Des vitrines exposent les fers, les anneaux que l'on passait au cou, aux poignets, aux chevilles, reliés par des chaînes. Elles montrent les fouets, les fusils. - Musée maritime de Greenwich, façade surmontée de deux statues de voiliers - British Museum : globe céleste -

Elles décrivent tous les moyens employés par ces prisonniers pour effectuer une lutte passive et active contre leurs tortionnaires, la persistance à conserver leur culture, leur langue, leur musique, les tentatives de fuite, la manifestation d'une mauvaise volonté au travail, bref, tout ce qui pouvait amoindrir les bénéfices que les blancs retireraient de leur exploitation humaine. En ce qui concerne les Indiens Cree et Chipewyan, Beothuk, une ou deux vitrines rapportent les relations commerciales qui se sont instaurées dans un premier abord, dans une ambiance de rivalité entre la France et l'Angleterre. Les Européens pêchaient la morue et la baleine, et ils achetaient aux Indiens des fourrures de castor. Les Indiennes cousaient pour les blancs des vêtements chauds appropriés à ces hautes latitudes. Rapidement, ces contacts eurent pour conséquence la mort des indigènes par infections de germes européens contre lesquels ils n'étaient pas immunisés (variole, coqueluche, rougeole, etc.). Si je me souviens bien (c'est une section où, curieusement, la photo est interdite, alors qu'on peut photographier tous les objets magnifiques exposés en bas), il y avait, avant l'arrivée des Européens, plus de mille tribus indiennes différentes qui vivaient sur les deux Amériques et dans les îles, chacune avec sa culture, sa langue, son mode de vie. La majorité a disparu ou bien a été décimée : c'est la raison pour laquelle les Européens ont été amenés à "importer" de la main d'oeuvre d'Afrique. - A droite : Sculpture dans une cour d'immeuble de Greenwich - Musée maritime de Greenwich : 1650 - Chef d'oeuvre compagnonique pour devenir maître dans la guilde des horlogers. Sur la face antérieure, cadran astrolabique indiquant la progression du soleil, de la lune et des étoiles dans le ciel nocturne. Sur l'autre face, des cadrans indiquent l'heure de lever et coucher du soleil et le réglage de l'horloge pour qu'elle sonne 12 ou 24 heures. Autour de la base figure un calendrier indiquant les jours des saints et ceux des fêtes. Le boîtier très décoré fut réalisé par un orfèvre dans un atelier différent : il est surmonté d'une sphère armillaire, représentation géocentrique du monde. -

Un panneau rappelle les prémices de l'abolition de l'esclavage en Grande Bretagne. Plusieurs campagnes d'information avaient eu lieu dans le pays, et, en faisant circuler des pamphlets, on incitait la population à boycotter l'achat du sucre, du tabac, du café, produits à bas prix grâce à l'esclavage. Une première pétition fut envoyée en 1783 au Parlement britannique. En 1788 et 1792, le Parlement reçut des milliers de signatures (500 pétitions) issues de comités provinciaux contre l’esclavage. En 1833, 1,4 million de signatures étaient réunies pour demander l’abolition de l’esclavage, un chiffre énorme pour l’époque. Londres versait 20 millions de livres de dédommagement aux possesseurs d’esclaves, quand Paris proposait de débourser 250 000 francs (une livre valait 20 francs, à l’époque). Aujourd'hui encore, la France, l'Espagne et le Portugal sont toujours réticentes à lier leur histoire, leur développement et leur opulence actuelle à leur passé esclavagiste. Il est pourtant essentiel d'en prendre conscience et d'analyser ses conséquences pour évoluer dans notre mode de pensée et imaginer d'autres modes de vie plus respectueux des peuples et de notre environnement : c'est toute la problématique du "développement durable", terme qui me paraît ambigu, puisqu'il conserve l'objectif du développement comme un but souhaitable et viable. Je trouve regrettable que l'impression générale qui ressorte d'une visite superficielle de tous ces musées soit la glorification de la Grande Bretagne, des explorateurs, des scientifiques, du progrès des techniques européennes, de la récolte (pillage ?) d'objets dans les pays envahis et de l'expansion colonisatrice, et qu'aucune interrogation n'apparaisse sur le monde qui a ainsi été créé. - Musée maritime de Greenwich : Barque princière - Observatoire de Greenwich : Indication du méridien d'origine de longitude nulle -

Il me semble, mais je me trompe peut-être, n'ayant vu qu'une infime partie de ce qui est exposé, que les siècles passés pèsent encore lourdement sur nos mentalités et que l'esprit dans lequel ces objets sont présentés demeure identique, malgré un renouvellement dans leur présentation. Le 30 octobre dernier, l'anthropologue et ethnologue Claude Levy-Strauss est décédé. A cette occasion, des témoins rapportent son parcours et ses thèmes de réflexion. Françoise Héritier, qui lui a succédé au Collège de France, résume ainsi son héritage : « Nous avons découvert avec stupéfaction qu'il y avait des mondes qui n'agissaient pas comme nous. Mais aussi que derrière cette différence apparente, derrière cette rupture radicale avec notre propre réalité, on pouvait mettre en évidence des appareils cognitifs communs. Ainsi, nous prenions à la fois conscience de la différence et de l'universalité. Tel est son principal legs, encore aujourd'hui: nous sommes tous très différents, oui, mais nous pouvons nous entendre, car nos structures mentales fonctionnent de la même manière. »

Du chemin a été parcouru depuis la Controverse de Valladolid, où, 60 ans après le premier voyage de Christophe Colomb, on s'interrogeait à la cour de Charles Quint en Espagne sur le fait de savoir si les Indiens étaient humains, et surtout s'ils avaient une âme. Il faut se rappeler aussi que des hommes ont été empaillés, "naturalisés", encore au XIXe siècle, leur faisant subir le même sort qu'aux animaux (un Espagnol à Montbrison, un Noir à Banyoles restitué par l'Espagne au Botswana et une "Vénus hottentote" rendue par la France en 2002 à l'Afrique du Sud). Au début de l'année 2005, presque centenaire, lors d'une de ses dernières apparitions à la télévision française, le savant déclare, reprenant en des termes très proches un sentiment qu'il avait déjà exprimé en 1972 (entretien avec Jean José Marchand) et en 1984 (entretien avec Bernard Pivot) : « Ce que je constate : ce sont les ravages actuels ; c'est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu'elles soient végétales ou animales ; et le fait que, du fait même de sa densité actuelle, l'espèce humaine vit sous une sorte de régime d'empoisonnement interne - si je puis dire - et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n'est pas un monde que j'aime ». La même année, il intervient encore en public à l'occasion des 60 ans de la fondation de l'Unesco, et il rappelle notamment, en se référant à Rousseau – l’un de ses maîtres, avec Montaigne –, les menaces que notre expansion effrénée fait peser sur la nature et sur l’humanité : il ne dissocie pas la défense de la diversité culturelle et celle de la diversité naturelle.

Est-il encore pertinent d'admirer aveuglément toutes les prouesses techniques et scientifiques sans s'interroger sur leurs finalités et sur les conséquences vis à vis de notre existence sur Terre ? Pouvons-nous encore décemment vivre dans un bien-être insolent aux dépens de la plus grande partie de la population mondiale ? Est-il sain d'étendre notre culture à toutes les nations ? Est-elle vraiment la panacée ?

La longitude.

La Terre tourne sur elle-même en 24 heures, par convention, et un point donné à sa surface effectue dans le même temps un cercle de 360 °. En une heure, ce point effectue donc un trajet mesuré par un angle de 15° (360° divisés par 24). Lorsque le bateau quitte son port, il règle son chronomètre à l'heure du méridien d'origine de Greenwich. Naviguant vers l'Amérique, il observe le moment exact où le soleil est au plus haut, à midi, heure locale. Regardant son chronomètre qui indique l'heure de Greenwich, il constate une différence. Par exemple, celui-ci indique 3 heures de l'après-midi. Il y a donc 3 heures de différence entre le midi local et le midi du méridien d'origine. Le bateau se trouve donc à une longitude de 3 fois 15°, soit 45° de longitude Ouest.

Une mesure plus précise nécessite une correction supplémentaire. La Terre tourne autour du Soleil selon une trajectoire elliptique et son axe de rotation est incliné de 23,44 degrés par rapport à son plan de rotation: cette double particularité terrestre introduit une variation de l'heure solaire réelle par rapport à l'heure solaire moyenne. Cette différence se calcule avec l'équation du temps.

SOMMAIRE
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Société d'Astronomie Populaire de la Côte Basque avec André, Christian, Serge, Rémy, Françoise, Maïa, Cathy, Jean-Louis, Jean-Claude et ses amis Jean-Marc et Marie-Paule
Londres
Mardi 10 au samedi 14 novembre 2009