J'ai eu honte de cette réaction des habitants et je me suis sentie soulagée de ne pas avoir à couvrir l'événement, les journalistes de la rédaction de Sud-Ouest le jugeant suffisamment important pour en faire eux-même l'écho. J'aurais eu du mal à crier haro de concert avec la foule des bien-pensants, bien établis, "normaux" et conformes à l'image que l'on se fait de gens respectables. De quoi s'agit-il ? Tout simplement de l'obligation faite par l'Etat aux communes d'aménager un terrain pour les "nomades", ceux que l'on ne peut pas classer dans la catégorie Sédentaires, ni Touristes, quoiqu'ils demeurent parfois de longs mois ou années dans un même lieu. Nomades, donc, pas tant que ça, mais différents, puisque souvent ils appartiennent à cette communauté que l'on appelle diversement et avec une connotation péjorative Roms, Manouches, Sinti, Tsiganes, Gitans ou plus récemment Gens du voyage. Notre agglomération de Bayonne, Anglet, Biarritz, la CABAB, devant s'exécuter, la municipalité d'Anglet a choisi un terrain vacant qu'elle se propose d'aménager. Evidemment en bordure de la commune, celui-ci se trouve limitrophe du village d'Arcangues dont une minorité d'habitants située au voisinage de la future aire de passage s'est aussitôt regroupée en association avec le soutien du maire pour protester contre cette localisation.

Quelques mois auparavant, des riverains d'Anglet se regroupaient pareillement pour éviter que des logements "sociaux" ne soient construits près de leurs villas, soit de petits immeubles locatifs destinés à des personnes ne pouvant pas ou ne souhaitant pas acheter leur logement, principalement des jeunes, des personnes âgées ou des "familles monoparentales". Par ailleurs, les municipalités de la Côte basque mènent depuis des années une politique résolument anti-jeunes et encadrent de façon tracassière par l'intermédiaire de différentes réglementations et contrôles policiers tout regroupement diurne ou nocturne. Autre exemple, les difficultés économiques actuelles se manifestent par l'accroissement d'une population rejetée en marge de la société par sa perte de travail qui entraîne parfois celle de la cohésion familiale, du logement etc., et que l'on retrouve sous l'appellation "SDF", sans domicile fixe, errant dans les rues, squattant des lieux abandonnés et parfois, rarement, mendiant. Dernier exemple, celui des personnes qui gagnent leur vie en se produisant dans les rues, avec un spectacle musical, de théâtre, de cirque, ou bien en exerçant un petit artisanat ou du commerce, toujours considérées avec suspicion par les passants qui daignent parfois les récompenser d'une pièce pour une activité qu'ils considèrent comme un loisir, et non un travail.

Lorsque j'étais jeune, j'étais dérangée par l'attitude d'ostracisme que manifestaient mes compagnons de classe vis à vis d'un nouveau, d'un ou d'une grosse, d'un individu un peu lent ou affligé d'une tare physique quelconque, et je ne supportais pas les moqueries et vexations qu'ils infligeaient à ce pauvre hère qui servait de tête de Turc pour le plus grand bénéfice de la cohésion du reste du groupe. Plus tard, deux de mes enfants ont été tour à tour la cible de pareille discrimination, mais de la part des adultes, et principalement des professeurs et personnels administratifs, ainsi que des policiers municipaux. L'un d'eux en subit toujours les effets, pour les mêmes raisons, un manque de conformisme, une tenue vestimentaire jugée négligée ou provocante, des cheveux longs, lisses pour l'aîné, coiffés en dreads pour le cadet. Ce jugement "au facies" peut entraîner des conséquences non négligeables, et parfois graves pour celui qui en est l'objet, jugement qui s'applique bien sûr également aux "étrangers" (ou le paraissant), surtout s'ils ont une peau basanée, voire carrément sombre.

De plus en plus souvent, nous lisons dans le journal des exemples de "bavures policières" qui ne sont que l'écume d'une vague énorme d'intolérance qui grossit dans notre pays.

 

 

Cathy
Gens du voyage
27 juin 2009