C'est
le printemps. Un intense frémissement parcourt l'ensemble des êtres
vivants de notre hémisphère nord, qui répondent
les uns après les
autres à
l'appel mystérieux initié par ce simple passage des rayons
perpendiculaires du Soleil sur l'équateur en direction du Tropique
du Cancer au fur et à mesure de la révolution de la Terre
autour de son astre. Les nuits sont encore fraîches et plus d'un
se surprend à frissonner
dans la journée, insuffisamment couvert, trompé par l'intensité lumineuse
du Soleil dont les rayons brûlent davantage
qu'ils ne chauffent, décalés vers l'ultra-violet pour
une raison que j'ignore. "En avril, ne te découvre pas
d'un fil",
le dicton est aussi valable pour mars et le mois de mai. Le matin,
les oiseaux pépient
bruyamment dès avant l'aube, marquant leur territoire en tentant
de charmer une future compagne.
La
Rhune s'est couverte d'ajoncs en fleurs parmi
lesquels broutent les pottoks qui choisissent avec délicatesse
les brins d'herbe nouvelle, apparemment insensibles aux buissons couverts
d'épines
pourtant acérées.
Sur les branches brunes hérissées de longs dars,
sans attendre le déploiement de ses feuilles, tant elle est
pressée
de se faire féconder par les premiers insectes butineurs de
l'année avant la concurrence de plantes plus attirantes, l'aubépine
se pare de fleurs semblables à celles de ses cousines de la famille
"rosaceae", poirier, pommier, prunier, ainsi qu'une grande partie des
plantes cultivées
pour leurs fruits dans nos régions tempérées. La
côte s'étire derrière nous, exceptionnellement
bien marquée grâce à
cette limpidité de l'air caractéristique de la saison,
et le bleu intense de la mer simplement ourlée d'écume
légère répond à l'azur du
ciel où se perdent quelques nuages floconneux,
J'essaie
une nouvelle fois de saisir la corolle délicate d'une violette qui
parsème avec ses compagnes le chemin, inconscientes de la lourdeur
de nos pas. Quelques unes, malheureusement, n'ont pas été épargnées
par
des randonneurs aveuglés par leur souci de performance au risque de
passer à côté de l'essentiel, et d'ignorer cette nature qui s'offre
dans toute
sa splendeur.
Tandis
que les nuages s'amoncellent au-dessus de la cime, l'encapuchonnant
à notre arrivée d'un souffle humide frigorifiant, Steve
nous raconte son séjour au Botswana (le
lien va vers un site qui donne une bonne idée, j'imagine, des
paysages que Steve a découverts).
Selon
lui, il faut vite profiter de visiter ce pays tant qu'il concède
la visite des régions sauvages à un prix accessible aux bourses
moyennes. En effet, la donne est en train de changer avec le démarchage
actif des USA qui induisent une pression touristique telle que
les prix flambent
au point qu'ils sont indiqués en dollar au lieu de la monnaie
locale dans un pays voisin (la Namibie ?). Je crois que Steve a d'abord
exploré le
parc Chobé situé dans
le nord du pays, où il a éprouvé quelques émotions.
Parti à pied dans la savane avec un petit groupe de cinq personnes à la suite d'un guide, ils se sont retrouvés nez à nez avec une troupe d'éléphants. Le guide les a fait grimper rapidement sur une termitière, haut monticule de terre façonnée par les insectes, où ils ont attendu patiemment, un peu inquiets, quand même. Au bout d'un moment, les éléphants se sont disposés à la queue leu leu, après que chaque éléphanteau se soit saisi avec sa trompe de la queue d'une des femelles, puis le convoi ainsi formé s'en est allé sans leur chercher noise. Le delta de l'Okavango est un autre lieu mythique du Botswana, que l'on visite en mokoro, une pirogue traditionnelle à ras de l'eau. Steve a adoré cet endroit qui héberge une faune excessivement variée et spécifique.
Tandis
que nous poursuivons l'ascension de la Rhune, en suivant la technique
de l'accordéon, les plus rapides faisant halte pour laisser le temps
à l'arrière-garde de les rejoindre,
Steve évoque les cerfs nageurs,
Cobe lechwe, dont les pattes ne sont pas palmées, mais se sont développées
pour ne pas trop s'enfoncer dans ce milieu vaseux. Un aigle pêcheur,
peut-être un balbuzard comme dans la réserve d'Errota Handia
à Arcangues, plonge
sous leurs
yeux,
puis
il jaillit des flots, un poisson entre les serres. Soudain,
un hippopotame se dresse sur leur route, manifestant une grande
agitation en émettant force grognements. Il faut
préciser que le groupe a vu peu auparavant deux ou trois crocodiles...
Les barques stoppent leur progression et les guides attendent.
Steve
est mort de peur, il a la hantise que l'hippopotame se
précipite sur eux, renverse la barque, et qu'ils chutent tous
dans le marais pour servir de repas aux crocodiles !
En réalité, dans
son langage, il indique simplement que son groupe s'est scindé
en deux, et qu'il faut laisser le temps aux autres de le rejoindre.
Steve apprendra par la suite qu'il ne faut jamais se trouver
entre un hippopotame et l'eau, son ultime refuge, au risque de se
faire
écraser
sans autre
forme de procès. Les rencontres avec les hippopotames sont ainsi la
cause de nombreuses morts chaque année, par simple méconnaissance de
ce comportement animal.
Un
mélèze pointe ses bouquets d'aiguilles : seul résineux à les
perdre en hiver, elles repoussent en pompons vert tendre au milieu
desquels se distingueront les fleurs femelles, de
couleur pourpre (que j'ai seulement vue sur Internet - photo ci-dessus).
Après
que nous soyons redescendus à un premier palier de la Rhune,
Pierre, Max et Richard commencent à trottiner et nous
entraînent, Jean-Louis et moi, dans leur sillage, alors que les
autres poursuivent en marchant. Nous
nous faisons rapidement distancer par les trois premiers et j'en profite
de temps à autre pour immortaliser
la plaine et la mer qui s'offrent à nous comme un tableau vivant
aux teintes mouvantes au gré des passages nuageux, un véritable
enchantement ! Nous
terminons notre périple dans le petit bois de chênes têtards
aux branches couvertes de plantes épiphytes, fougères,
mousses
ou même
du houx, et dont les feuilles à peine naissantes permettent
encore d'apercevoir de l'autre côté du vallon une cascade bruissante
qui se perd entre les racines et la terre glaise. J'admire
une dernière
fois les corolles vertes de l'euphorbe qui offrent un parasol autant
qu'un parapluie aux précieux organes de reproduction de la plante
et je me penche vers les violettes qui, malgré leur fragilité apparente,
occupent tous les étages, du parking au sommet de la Rhune.
Richard, Max, Michèle, Steve, Jean-Louis, Cathy, Pierre et Rose | Rhune |
29 mars 2009 |