Nous voyons un groupe de papillons voleter autour d'une flaque. Je trouve une explication intéressante à ce sujet sur Internet. Comme les autres animaux, les papillons ont besoin de sel et de sels minéraux. En filtrant l’eau qu’ils aspirent des mares de boue et évacuant cette eau épurée par l’anus, ils parviennent à accumuler dans leur intestin postérieur les quantités de sel et de sels minéraux dont ils ont besoin. Certains papillons nocturnes particulièrement doués peuvent émettre des jets de plus de 15 cm ! A propos de carence alimentaire, j'apprends que le régime phytophage chez les insectes est peu répandu. En effet, la proportion des différents acides aminés varie grandement entre les tissus des insectes et ceux des plantes. Les végétaux sont pauvres en acides aminés azotés et en lipides. Des études ont démontré que seulement 2 à 38 % de la matière végétale ingérée par un insecte est efficacement transformée. - Photo : Demi-deuil, de la famille des Echiquiers (il y en a 5 autres différents en Espagne). -
Certains groupes d'insectes, comme les Isoptères et les Curculionidae, vivent en symbiose avec des microorganismes qui digèrent la cellulose et la rendent assimilable (comme chez les mammifères ruminants !). D'autres s'alimentent de parties des plantes contenant le plus d'azote. Ceci a contraint les plantes à mettre au point des moyens de défense, surtout chimiques, pour se protéger des insectes. En contrepartie (c'est ce qu'on appelle la coévolution), la pression de sélection a conduit les insectes à mettre au point des moyens de détoxiquer les produits chimiques contenus dans les plantes, leur ressource alimentaire. Ils avaient un avantage certain à contourner leurs défenses, car cette faculté leur permettait d'utiliser une niche écologique peu exploitée par les autres vertébrés, les produits chimiques étant aussi répulsifs et toxiques pour ces derniers. Pierre-Camille Leblanc donne l'exemple du Grand Paon de nuit. La chenille de celui-ci est friande de feuilles de cerisier. Lorsque le cerisier "s'aperçoit" qu'il est en train de se faire manger, les feuilles du bouquet attaquées deviennent toxiques, comme j'avais entendu le cas de certains acacias.
"On a observé dans des fermes d’élevage en Afrique du sud, où l’acacia constituait l’unique alimentation des antilopes, qu’une soudaine forte mortalité apparaissait dans le troupeau, sans raison apparente, jusqu’à qu’on découvre qu’au-delà d’une certaine pression de broutage, les acacias commençaient à sécréter des toxines. Ainsi en Afrique, lorsqu’un troupeau d’herbivores commence à ravager un bosquet d’acacias parce que les graminées viennent à manquer, les arbres voisins se mettent à concentrer les tanins dans leurs feuilles, ce qui les rend impropres à la consommation. Ils sont aussi capables de sécréter des substances cyanogènes en concentration dangereuse. On peut aussi parler d’une forme de communication entre les arbres, fondée sur des émanations chimiques (et pas sur la télépathie). On a ainsi pu observer des bosquets d’arbres attaqués par des antilopes kudu, qui se mettent non seulement à produire des substances toxiques, mais aussi à « prévenir » des bosquets voisins, en émettant un signal sous forme d’éthylène. Ce signal volatile entraîne chez les arbres voisins l’accumulation de tanins particulièrement astringents, qui éloignent les antilopes. Une sorte de langage chimique en somme…"
Le mécanisme le plus important de détoxication mis au point par les insectes est un groupe d'enzymes nommées les “ oxydases à fonction mixte (MFO) ”. Les MFO sont très polymorphes, ce qui offre un champ d'action très large. Des études sur la résistance des insectes aux insecticides ont démontré qu'après quelques générations, les insectes deviennent résistants à certains insecticides, non pas par l'acquisition de nouveaux enzymes de détoxication mais par une activité accrue des MFO. Par contre, le fonctionnement des MFO entraîne des coûts énergétiques. La polyphagie chez les insectes induit un taux d'activité des MFO plus élevé que l'oligophagie et la monophagie. Par ailleurs, certains insectes monophages, comme le papillon monarque Danaus plexippus (L.), peuvent emmagasiner dans leurs tissus les substances toxiques des plantes et s'en servir comme leur propre moyen de défense.
Pour trouver les plantes nécessaires à leur alimentation, les insectes utilisent la vision, le goût et l'olfaction. Les papillons ont une vision moyenne, mais, contrairement à la plupart des insectes, ils perçoivent les couleurs, et de façon particulièrement fine dans la bande ultraviolette du spectre lumineux (à l'instar des abeilles). Ils ne perçoivent donc pas les couleurs comme nous. Un grand nombre de fleurs possèdent des zones qui sont visibles uniquement dans l’ultraviolet et attirent les insectes butineurs. Chez la plupart des papillons, la bouche est modifiée en une longue trompe repliée sur elle-même à la façon d’un ressort de montre qu'ils utilisent pour aspirer le nectar des fleurs, les jus qui s’échappent des fruits fermentés ou de la charogne, ou encore la sève qui exsude des arbres. Quelques espèces de papillons nocturnes possèdent des pièces buccales de type broyeur, tandis que d’autres sont totalement dépourvus de bouche et ne s’alimentent plus au stade adulte. Il y a même une espèce de papillon nocturne qui se nourrit du sang qui s’échappe des blessures des animaux.
Par ailleurs, les plantes fabriquent des composés secondaires qui ne sont pas nécessaires à leur croissance mais assurent une protection contre les insectes phytophages, les pathogènes et les autres plantes, à tel point que certains composés d’origine végétale ont été utilisés comme insecticides (pyrèthre, roténone ou nicotine) pour lutter contre les ravageurs des cultures : on a dénombré quelque 100 000 variétés d'allélochimiques jusqu'à présent. Ces molécules odorantes diffusées dans l'air sont captées depuis de grandes distances par les insectes, malgré leur concentration infime. Leurs sensilles olfactives réceptrices sont concentrées dans les antennes. La mouche de l'oignon, par exemple, peut percevoir une odeur jusqu'à 100 m de distance.
Certains insectes sont aussi capables d’utiliser ces substances, ou leurs produits de dégradation, pour la réalisation de leur cycle de développement, détournant ainsi l'effet escompté par la plante. Chez les Brassicacae (crucifères), tout processus réduisant l’intégrité cellulaire des tissus végétaux engendre l’induction de la dégradation des glucosinolates qu'ils contiennent en produits toxiques : thiocyanates, nitriles et isothiocyanates (ITC). Néanmoins, certains insectes inféodés aux Brassicacae (pucerons) sont attirés, stimulés à se nourrir ou à pondre par la présence d’ITC ou de glucosinolates, ayant ainsi adopté ces substances comme signal d’identification de l’espèce végétale qu’ils attaquent. Parallèlement, des réductions de durée de développement larvaire et totale de la coccinelle (prédatrice des pucerons) sont observées lorsque les pucerons sont élevés sur Brassicacae.
Je rapporte ci-dessous la conclusion emplie d'interrogations de la chercheuse canadienne Marie-Claude Nicole à l'issue de son étude sur les relations entre insectes et plantes. En fait, il est évident que les substances chimiques contenues dans les plantes ont joué et jouent encore un rôle très important dans les relations des insectes et des plantes. Mais sont-elles vraiment au centre de leur coévolution ? Les plantes sont apparues sur Terre bien avant les insectes phytophages. Elles ont dû faire face à bien d'autres envahisseurs avant leur arrivée. Les substances chimiques actuellement présentes se trouvaient peut-être déjà préalablement dans leurs cellules et les insectes s'y sont adaptés. C'est probablement par la mise en place de voies métaboliques efficaces qu'ils ont pu adopter les plantes comme ressource alimentaire. Une autre hypothèse, à ne pas négliger, est le fait que les substances chimiques produites par les plantes ne sont peut-être que des produits secondaires du métabolisme et ne sont pas le fruit d'une pression de sélection exercée par les insectes. Bref, y a-t-il une seule réponse ou la réponse se trouve-t-elle en partie dans chacune des hypothèses ? Les travaux à réaliser pour trouver une réponse adéquate seraient sûrement fastidieux mais permettraient de solutionner bien des problèmes entomologiques, agricoles et forestiers. Ce serait en fait la clé de voûte de la compréhension des relations des insectes phytophages avec leurs plantes hôtes.
Après cette journée passée au pont d'Orgaté et terminée dans le vallon d'Irau, Pierre-Camille Leblanc constate que la faible biodiversité des plantes entraîne une diversité réduite de papillons de jour. En revanche, il nous annonce que nous verrons une bien plus grande variété de papillons la nuit dans le vallon entouré d'un cirque de montagnes. Il choisit un lieu peu ventilé, suffisamment à découvert pour que les lampes attirent les papillons depuis le lointain, mais cependant à proximité d'un groupe d'arbres qui constituent de bons biotopes pour ces insectes. La présence de la petite rivière est aussi un facteur favorable. Il installe donc des piquets entre lesquels il tend un drap blanc léger en non tissé, de même que par terre de chaque côté, pour réfléchir la lumière. Il suspend de part et d'autre une lampe puissante de 250 W, branche un générateur antique qui démarre comme les anciennes tondeuses, en tirant un câble, et pollue tout autant.
A la nuit tombée, les insectes arrivent, les capricornes en premier, d'abord en très petit nombre, puis par vagues successives, c'est assez curieux. Tout se passe comme si chaque espèce de papillon avait une sorte de pendule interne qui activait sa veille nocturne à partir d'une certaine heure. Nous sommes assez excités : c'est une expérience peu commune de voir ainsi arriver les insectes à soi, comme si on les appelait, surtout de nos jours, où ils ont été tellement décimés qu'on n'est même plus importuné durant les chaudes soirées d'été à la maison, où l'on peut rester sans crainte fenêtres ouvertes et lampes allumées. Les pauvres se cognent aux grosses ampoules, aveuglés, et certains se brûlent, dont un grièvement. D'autres se contentent de voleter autour puis se posent sur le drap et n'en bougent plus de toute la soirée. Quand nous nous approchons pour les observer et les photographier, il faut prendre garde où l'on marche car il y en a même qui sont posés sur les draps par terre, ou qui se sont infiltrés dessous. Passant devant la lampe à une heure tardive, alors qu'ils volettent en foule autour de nous, je sens des bêtes qui s'insèrent dans mes manches, se mêlent à mes cheveux, frôlent mon visage et mon cou...
Les papillons seraient ainsi dotés d'une horloge circadienne dont le centre névralgique serait situé dans les antennes. Des chercheurs de l'INRA ont en effet isolé chez différents noctuelles (Mamestra brassicae, la noctuelle du chou, et Spodoptera littoralis, la noctuelle du coton), c'est-à-dire certaines espèces de papillons, des gènes voisins de gènes connus pour coder des composants des horloges internes chez d'autres espèces. En plus du cerveau, connu pour abriter l'horloge centrale, les gènes ont été retrouvés dans différents tissus testés (trompes, pattes, thorax et abdomen) et en particulier dans les antennes. Une étude plus précise a montré que chez le papillon mâle, deux de ces gènes s'expriment sous la cuticule, dans des cellules situées à la base des sensilles olfactives qui sont des sortes de "poils" sensoriels abritant les neurones olfactifs. Leur expression suit un rythme de 24 heures, rythme observé en conditions d'alternance jour/nuit, mais aussi d'obscurité constante, prouvant ainsi leur caractère endogène, particularité des rythmes circadiens.
Pour les chercheurs de l'INRA, il reste à découvrir si cette horloge antennaire pourrait induire un rythme dans la perception olfactive du papillon mâle, le rendant par exemple "apte" à sentir la femelle au moment où celle-ci émet sa phéromone. Ces résultats sont d'autant plus prometteurs qu'ils permettent d'envisager à terme des applications en matière de protection des cultures, comme par exemple l'optimisation temporelle des méthodes qui utilisent les phéromones pour perturber les comportements des papillons ravageurs.
Evidemment, je déplore le cadre dans lequel ces recherches sont faites. Je n'ose pas imaginer les perturbations que provoqueraient l'émission de phéromones parasites chez ces animaux si sensibles dans un monde régi par les odeurs. Une fois de plus nous agirions en éléphants dans un magasin de porcelaine : les nuisances induites par nos actuelles pratiques agricoles ne semblent malheureusement pas inciter les chercheurs à plus de prudence dans l'usage des produits chimiques.
Comment un insecte nocturne réussit-il à stabiliser son vol ? Pour se repérer dans l’espace, les insectes de jour utilisent les repères visuels. Pour ceux qui s’aventurent dans les airs à la tombée de la nuit, d’autres solutions sont nécessaires. Chez les diptères (mouches), c’est une ancienne paire d’ailes qui a régressé, les haltères, qui leur sert désormais de balanciers. Le sphinx du tabac (Manduca sexta) a, lui, conservé ses deux paires d’ailes mais n’en est pas moins capable de voler la nuit ! Des chercheurs américains se sont concentrés sur le rôle des antennes, qui sont connues pour être des appareils multifonctions, à la fois capteur d’odeurs, de température ou encore d’humidité. Ce papillon utiliserait ses antennes comme des gyroscopes sensibles à la rotation de son corps. Grâce à une caméra ultra-rapide qui prend un très grand nombre d’images par seconde, ils ont ainsi remarqué que les antennes de l’insecte vibrent à la même fréquence que ses ailes en vol stationnaire au dessus d’une fleur artificielle. Quand la plante bouge, l’insecte la suit habilement mais ses antennes sont déviées. Elles ne suivent pas exactement la trajectoire du corps de l’insecte mais se courbent sous l’effet de la force de Coriolis à laquelle ces appendices sont très sensibles.
De nombreux papillons de nuit possèdent un système auditif situé sur le thorax dans de petites cavités fermées par une fine membrane. Il est composé de quelques cellules réceptrices, sensibles aux vibrations et aux stimulations sonores. Les principales fréquences perçues sont situées entre 3 000 et 100 000 Hertz, correspondant à une gamme variée de sons, comprenant notamment les ultrasons. Ils leur permettent de repérer les chauves-souris qui émettent des ultrasons par leur système d’écholocalisation pour le repérage des insectes dont elles se nourrissent. Il leur reste alors une chance de s’échapper en utilisant un comportement d’évasion, comme un changement brusque de direction, ou une chute au sol.
Les papillons ont donc l’ouïe fine, et sont capables d’ajuster leur système auditif aux variations de sons émis par les chauves-souris. Cela a été démontré lors d’une étude sur la Noctuelle fiancée (Noctua pronuba), dont la sensibilité du système auditif change en fonction des changements de fréquence du prédateur. Cette étude montre aussi que le papillon est capable de parer une nouvelle attaque lorsque la chauve-souris s’en va, car son ouïe reste en alerte plusieurs minutes après le départ de cette dernière. Certains papillons de nuit émettent eux aussi des ultrasons perçus par les chauves-souris. Les chauves-souris ont ainsi "appris" à reconnaître les fréquences des papillons toxiques et ne les comptent pas à leur menu. Parallèlement, certaines espèces pourtant non toxiques sont, elles aussi, évitées par les chauves-souris car elles "imitent" les espèces toxiques en produisant les mêmes fréquences, associées pour les chauves-souris à la toxicité.
Une étude signale à ce sujet que les mâles et les femelles de deux espèces de papillons, la pyrale du maïs et la légionnaire uniponctuée, réduisent considérablement leurs activités sexuelles lorsque les sons émis par un prédateur les portent à croire que leur vie est menacée. Les chercheurs arrivent à ce constat après avoir placé des papillons prêts à se reproduire dans un tunnel de vol où le risque de prédation était simulé à l'aide d'enregistrements sonores de chauves-souris. Ces enregistrements répliquaient différents patrons de sons émis par des chauves-souris à l'approche de leurs proies. En modifiant la fréquence, l'intensité et les pulsations des cris, les chercheurs sont parvenus à simuler des risques de prédation faibles, moyens ou élevés.
Dans la nature, la prédation par les chauves-souris est la principale cause de mortalité des papillons de nuit. Lorsque le risque de prédation passe de faible à élevé, le pourcentage de mâles qui cessent de voler vers une source de phéromone imitant l'appel d'une femelle grimpe de 2 % à 70 % chez la pyrale du maïs et de 5 % à 40 % chez la légionnaire uniponctuée. En moyenne, le temps requis pour atteindre la source d'émission de la phéromone triple lorsque le niveau de risque passe de faible à élevé. Par ailleurs, 90 % des femelles de la pyrale et 45 % des femelles de la légionnaire cessent d'émettre des phéromones et de faire vibrer leurs ailes lorsque les sons émis traduisent un risque élevé de prédation.
Pour conclure sur une note humoristique cette petite compilation, voici l'histoire du cri terrifiant de la chenille. Un étranger se présente dans son territoire. L'animal lui fait face, lance des coups de tête et provoque un bruit semblable à un martèlement pour éloigner l'intrus. Le comportement d'un bison ou d'un cerf? Non! Il s'agit de celui de la Drepana arcuata, une petite chenille. C'est ce qu'ont observé des biologistes canadiens et américains en 2001. D'après leurs observations, le bruit menaçant de la chenille réussit à faire fuir l'intrus en quelques minutes, environ neuf fois sur dix. C'est en faisant l'élevage de chenilles pour une toute autre étude que Jayne Yack, de l'université Carleton à Ottawa, a entendu le bruit qu'elles émettaient sporadiquement. En analysant le phénomène, elle a remarqué qu'elles produisaient ce bruit en frottant et martelant leur mâchoire sur les rainures de la feuille. Le bruit est d'ailleurs assez fort pour être capté par les humains à trois mètres de la chenille. Puisque ces insectes ne possèdent pas d'oreille, cette découverte a démontré, pour la première fois, que des insectes pouvaient communiquer entres eux par vibrations. L'étude a aussi démontré que les chenilles sont attachées à un territoire précis.
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Remarque de Reine : Jeune, j'étais passionnée
de papillons. Je suis loin de voir tous les beaux spécimens que j'ai
attrapés à l'époque aussi bien de jour que de nuit.
Le progrès n'est pas synonyme de préservation de la nature
ni des espèces. Dommage ! Au plaisir de parcourir la nature ensemble.
CPIE Pays Basque : Dimitri Marguerat invite Pierre Camille Leblanc, président de l'association de Cambo-les-Bains "Le Paon du Jour" | Papillons |
29 juin 2010 |