Groupe Dimitri, avec Jeanette Breton, biologiste et naturaliste | Mont Ulia |
11 mai 2012 |
Considérant
que l'ambiance n'était pas propice, Iberduero, l'entreprise promoteur,
se concentra sur le projet de Lemóniz,
en Biscaye, dont les travaux avaient déjà commencé sans opposition et
avec l'appui de la "Diputación provincial". Les premières
protestations publiques ne débutèrent que vers 1975, mettant en avant le
dommage causé au paysage et à l'environnement en industrialisant la
vallée de Basordas. Allant plus loin, des membres de la "Commission
de défense d'une Côte basque non nucléaire" créée en 1976 soutinrent
qu'un accident nucléaire rayerait de la carte tout le peuple basque,
considéré comme un corps homogène, et prenant ainsi à son compte le
mouvement anti-nucléaire en marginalisant les partis politiques et les
organisations syndicales. Ces positions, qui s'appuyaient d'une part sur
le monde académique (économistes, avocats) et d'autre part sur les
activistes provenant des Associations de Voisins de Biscaye, trouvèrent
un large écho dans la presse, mettant à profit cette période transitoire
plus libre consécutive à la mort de Franco en 1975. La première
manifestation de rue à Plentzia (destination d'une de nos sorties
géologiques en 2009), près de Lemóniz,
réunit en
août 1976 entre
15 000 et 50 000 personnes selon les sources. En juin 1977, ce fut le
tour de l'ETA militaire de surenchérir sur le thème porteur de
l'opposition à l'énergie nucléaire, faisant éclater sa première bombe
à Lemóniz.
A partir de ce moment-là, les attentats se succédèrent jusqu'à
l'assassinat de l'ingérieur
chef de travaux José M.ª
Ryan (1981), puis celui de Ángel Pascual (1982) qui l'avait remplacé.
- Photo : Fronde fertile de fougère royale "Osmunda regalis".
-
Suivant cette dynamique, de
nombreux projets furent ainsi remis en question, parmi lesquels ressort
l'un des derniers en date, celui du port extérieur de Pasajes. Jeanette
Breton nous invite à faire une pause en vue du futur site d'implantation
projeté, au Nord de l'entrée de la ría,
le long du mont Jaizkibel où nous nous sommes rendus récemment pour
observer les paramoudras. Plutôt
que d'évoquer les arguments contre, que chacun pourra trouver dans de
multiples sources,
je
voudrais présenter ici ceux de Lucio Hernando
Albístegui, le président de l'Autorité
Portuaire de Pasaia (Pasajes), toujours la voix et le
bras de l'Etat depuis plus de 200 ans. Ses
opinions me paraissent fort pausément et intelligemment exposées, en utilisant de façon
surprenante dans un projet pareil une argumentation environnementale
pour contrer ses adversaires sur leur propre terrain de prédilection. L'article paru dans El Pais le 24 octobre 2011
s'intitule "Le port extérieur de Pasajes : indispensable, viable et
durable". Il rappelle que le port de Pasajes occupe le 20ème rang parmi
les 28 ports ibériques, et qu'il est devenu comparativement petit et
obsolète. Ses caractéristiques qui étaient ses points forts, comme le
parfait abri de ses eaux intérieures seulement accessibles par une passe
étroite, se sont converties en faiblesse, puisque les navires d'une
longueur supérieure à 180 m ne peuvent y pénétrer et que ses quais sont
devenus insuffisants. Le trafic qui est habituel dans d'autres ports lui
est donc interdit, comme celui des conteneurs, méthaniers (?) ou
pétroliers. Les produits sidérurgiques et la ferraille constituent plus
de la moitié des marchandises, avec en parallèle, depuis 30 ans,
l'import-export d'automobiles. Tout ce mouvement économique, essentiel
au tissu industriel du Guipuzcoa, est sérieusement menacé par ces
limitations. - Photo : Entrée du port de Pasajes et le Jaizkibel au
Nord, au pied duquel est prévu le port extérieur. -
D'autre part, poursuit-il, la
cohabitation du port et de la ville devient de plus en plus
difficile. Les 100 000 personnes des quatre communes qui entourent la
baie souffrent, de manière plus ou moins prononcée, des désagréments
causés par le trafic portuaire, y compris d'affections négatives sur le
plan environnemental. Mais beaucoup d'habitants vivent aussi, et ont
toujours vécu grâce au port. Cependant, ce problème n'est pas spécifique
à Pasajes, il s'est également posé en bien d'autres endroits, et la
solution a toujours été la même : déplacer le port pour assurer le
bien-être des citoyens. Lucio Hernando Albístegui met en
exergue la revitalisation extraordinaire de l'ancien quartier portuaire
de Bilbao, pour mentionner ensuite Barcelone, Hambourg, Rotterdam... Ce
qui est intéressant dans ce raisonnement, c'est qu'il ne nie pas les
nuisances, il propose de les déplacer hors de la vue des
riverains de la baie - et de les augmenter en changeant
d'échelle, du fait de l'accroissement considérable de la capacité du
port et de l'élargissement de la gamme des produits -. Il occulte les
dommages causés au mont Jaizkibel, qui fait partie du réseau européen
des espaces protégés Natura 2000, la partie marine en contrebas
possédant quant à elle 30 espèces et 7 habitats protégés par des normes
ou accords internationaux, comme le relève le mouvement OCEANA. Par où passeront les trains et les
camions, l'implantation du futur port étant prévue à l'aplomb des
falaises ? Comment financer ces investissements énormes, sinon en
vendant au prix fort les actuelles installations, et dans ce cas, quid
de la régénération environnementale promise aux habitants ? Ce projet
initié par l'exécutif précédent est désormais rejeté par le gouvernement
de Bildu (coalition politique indépendantiste basque de gauche
majoritaire en Guipuzcoa, à laquelle appartient, depuis 2011, le maire de
Saint Sébastien), dont le député de l'environnement, Juan Carlos
Alduntzin, estime que le port de Pasajes est nécessaire, mais avec une
activité dirigée vers l'économie du Guipuzcoa sans autres prétentions
externes. - Photos : Vesce (?) - Ci-dessous :
Chêne tauzin (extrémité d'une branche). -
Maintenant
que nous commençons à comprendre pourquoi le mont Ulia a été
relativement épargné et préservé, nous pouvons nous pencher sur ses
caractéristiques propres qui lui ont valu d'être reconnu sur le plan
international comme un biotope particulier digne d'être protégé. La
roche dominante, appelée flysch, est constituée principalement de grès.
Elle engendre la production de sols squelettiques et très acides, de
texture sableuse, qui ont une faible capacité de rétention de l'humidité
et favorisent un fort développement d'une lande formée de buissons. Ainsi, paradoxalement,
bien que nous soyons sur une côte très arrosée, le lessivage des
sols emporte les sels minéraux, entraînant l'appauvrissement de
l'alimentation des arbres dont la croissance est par ailleurs
gênée par des vents fréquents qui provoquent une forte évaporation et le
bris des rameaux. Cela n'empêche pas le risque d'incendie, comme en
octobre dernier, où trois hectares de forêt de pins maritimes et
de chênes ont brûlé sur la zone de Mendiola au Mont Ulia entre Pasajes
et Saint Sébastien, lors d'un incendie provoqué par des étincelles
provenant de la ligne électrique secouée par de fortes rafales de
vent. En outre, la couche superficielle, mal protégée, peut être
emportée par le ruissellement.
En ce mois de mai, la fleur la plus remarquable, non par sa taille, mais par sa couleur d'un bleu profond et les tapis denses qu'elle forme par endroits, est le grémil à rameaux étalés que j'ai longtemps confondu avec une gentiane et qui est un cousin de la bourrache, nous dit Jeanette. Nous nous excitons sur nos appareils photo, car les images captées paraissent toutes surexposées, avec des couleurs affadies dans les blancs ou les bleus pâles. Je trouve l'explication de ce phénomène sur un site de l'INRA. En effet, notre rétine (ou la cellule photographique) capte les ondes ré-émises par les choses, en l'occurence ici, par les pigments contenus dans les pétales de mon grémil et notre cerveau les traduit en couleurs. Suite à une longue co-évolution, les fleurs ont coordonné leurs caractéristiques avec leur pollinisateur, donc, s'il s'agit d'un oiseau (un colibri), elles privilégieront la couleur rouge, si c'est une chauve-souris, elles seront odorantes, et si c'est un insecte (une abeille), elles insisteront sur les ultra-violets. Et voilà le noeud du problème ! Nous n'y voyons que du bleu (c'est le cas de le dire), mais en réalité, l'intensité que nous sentons sans pouvoir l'analyser, faute de percevoir un spectre suffisamment large, est due à ces rayons renvoyés pour attirer et conduire les insectes vers le pollen. Ils sont aussi réfléchis par les caroténoïdes, des pigments qui protègent la plante de ces rayons trop "agressifs" qui pourraient l'endommager. La plante fait ainsi d'une pierre, deux coups. La prochaine fois, il faudra que je fasse plisser des yeux à mon diaphragme photographique pour qu'il ne soit pas ébloui. - Photo : Jeannette montre l'art de bien regarder à travers une loupe. -
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Si l'on
devait nommer une espèce heureuse du temps super-pluvieux qui règne en
Pays basque, c'est bien la fougère royale "Osmonde" qui serait élue !
Elle n'a même pas besoin d'être à l'ombre pour prospérer. On voit sur
les deux cartes en regard que nos précipitations côté français n'ont
rien à envier à celles du côté espagnol : nous crevons tous les plafonds
statistiques. Et bien sûr, comme le relief est plus prononcé au Sud, les
provinces basques sont copieusement arrosées sur toute leur superficie.
En examinant plus précisément les chiffres par ville, sur la période
1965-1994, Ategorrieta au Mont Ulia atteint la deuxième place avec 51
720,2 mm/an,
soit une moyenne
de 1 724 mm/an sur 30 ans, seulement
battue par Elduayen (Elduain), située plus à l'intérieur et à une
altitude supérieure, qui affiche respectivement 60 068,5 et 2 000.
Pour mémoire, à Bordeaux que d'aucuns peuvent trouver pluvieuse, il ne
tombe que 800 mm/an. C'est pour cela que, lorsqu'on aborde le
problème de la pénurie d'eau, cela nous fait un peu drôle, même si
effectivement il peut y avoir des irrégularités et quelques pics
exceptionnels de sécheresse. En réalité, il faut bien préciser que
chez nous, ce n'est pas la quantité qui pèche, c'est la qualité, la
propreté, la pureté ! -
Cartes : Pluviometria Pais Vasco. Météo France. -
Jeanette nous explique que l'osmonde est la seule représentante de son genre, et qu'elle est un vestige unique du Carbonifère (359,2 à 299 Millions d'années) qui vit le développement spectaculaire des plantes vasculaires terrestres apparues 100 millions d'années auparavant. Ce phénomène s'accompagne d'une chute drastique du gaz carbonique CO2, due aux effets conjugués de l'orogénèse de la chaîne Hercynienne et de l'apparition de la lignine dans la structure des végétaux. A l'inverse, on enregistre une hausse tout aussi importante de l'oxygène O2 qui aurait engendré le gigantisme de certains insectes et amphibiens. - Photo : Jeanette Breton devant les osmondes.-
Au cours de cette
période, parallèlement à la croissance verticale de la partie aérienne
des végétaux, la taille des racines
augmente et elles pénètrent plus en profondeur dans le sol. Elles en
fracturent les roches, accroissent la "surface d'attaque" qui s'altère
avec l'eau rendue acide par la dissolution du CO2 atmosphérique. Les
effets mécaniques ne sont pas les seuls constatés. Les racines
symbiotiques apparaissent à cette époque : elles attaquent
les roches avec des acides
organiques et des chelates pour en
extraire les éléments nutritifs. La litière organique fait son
apparition et participe à
l'acidification des milieux tout
en retardant l'érosion mécanique. A
l'échelle régionale, les plantes vasculaires font circuler
l'eau par la transpiration suivie de précipitations et elles augmentent le temps de
contact de la roche avec l'eau.
Durant 100 Ma, une partie de ce déséquilibre dans le
cycle du carbone est attribuée également à l'absence de recyclage
efficace, car la lignine, constituée de polyphénols, ne peut pas être
décomposée. Par cette photosynthèse
effrénée, au cours de laquelle ils captent le gaz carbonique et
dégagent l'oxygène, les végétaux vasculaires contribuent à modifier le
climat et réduisent progressivement l'effet
de serre jusqu'à la fin du Permien.
Dans les forêts équatoriales et tempérées de prêles,
sigillaires et fougères du
Carbonifère, le piégeage du gaz carbonique finit par atteindre le
double des quantités actuelles. Cette matière organique imputrescible
s'accumule dans des cuvettes
marécageuses entourées de montagnes ou en bordure des mers, dans des
plaines basses, des régions de delta ou de lagunes, où elle se
transforme lentement en charbon dans des conditions
ordinaires de température et de pression. L'apparition au Trias (251-199
Ma) des champignons
(Ascomycètes et Basidiomycètes) qui dégradent la lignine engendrera une
nouvelle composition des gaz atmosphériques, avec l'augmentation du gaz
carbonique et la réduction de l'oxygène.
- Schéma : Oxygénation de l'atmosphère terrestre. -
Grâce à cette humidité permanente, il existe donc une
bonne dizaine d'espèces de fougères qui s'épanouissent sur le Mont Ulia.
En ce qui concerne les fougères aigles que nous connaissons bien,
Jeanette nous rappelle qu'autrefois, avant l'importation de la patate
andine, les humains en consommaient le rhyzome, tandis que les parties
aériennes servent encore de litière au bétail pour leur bonne qualité
d'absorption et donnent un bon fumier. Les brebis les trouvent
appétentes crues, et nous pourrions en consommer les jeunes pousses
cuites et confites. Nous cheminons en faisant des pauses au cours
desquelles Jeanette nous apprend à mieux lire le paysage et à
reconnaître les plantes en distinguant dans une première approche leurs
caractéristiques pour savoir dans quelle rubrique elles se rangent selon
la classification de Linné, ce savant naturaliste suédois du XVIIIe
siècle qui a fixé les fondements de la nomenclature moderne. Elle nous
fait remarquer l'angle de pendage de la côte, stabilisée à 45°,
sur laquelle les plantes arrivent à se maintenir et protègent le sol.
Elle nous désigne le plantain, qui fut longtemps utilisé pour ses
qualités multiples avant d'être relégué dans la catégorie des mauvaises
herbes, par dédain et rejet des savoirs anciens. Comme des tentacules se
mouvant au ralenti, le tamier commun darde l'extrémité de ses lianes en
quête de support pour gagner une meilleure exposition au soleil. Son
tubercule qui perdure l'hiver était utilisé pour soigner les
meurtrissures, d'où son surnom d'herbe aux femmes battues. Les jeunes
pousses, ou respounchous, peuvent être mangées comme les asperges, bien
qu'elles soient très amères. Ensuite, la plante change totalement
d'aspect lorsque les larges feuilles poussent et que la plante fleurit.
Comme souvent, les baies qui mûrissent après la floraison signalent au
passant leur toxicité par leur couleur rouge. - Photo : Tamier
commun s'enroulant autour d'une asphodèle en fleurs. -
Le chêne tauzin, de même que le châtaignier,
certains saules ou l'arbousier, supporte les conditions de sol
très spartiates de ces landes. Il en améliore l’humus et joue le rôle de
pare-feu. Il accueille un cortège d’insectes, prédateurs naturels
d’espèces comme le chermès, et dégage des substances chimiques
perturbant les ennemis des pins, et qui réduisent ainsi la vigueur de
certaines attaques parasitaires. D’autre part, il constitue l’habitat
potentiel de la huppe fasciée, consommatrice de la chenille
processionnaire du pin, et du pic mar, insectivore efficace des troncs
et des branches. Ses peuplements clairs sont favorables aux reptiles.
Ses glands doux très appréciés par la faune étaient autrefois consommés
aussi par les humains. Jeanette attribue la présence de duvet qui
recouvre ses jeunes feuilles à une protection contre les rayons
lumineux. Elle nous met en garde contre le renard qui véhicule la teigne
: il est préférable de faire attention à ce qu'on consomme, même en
pleine nature, sachant qu'il est capable de grimper également aux arbres
! Nous trouvons du lin sauvage, une variété d'oseille, et la grassette
grandiflora, une plante carnivore (qui complète son ordinaire avec des
insectes), indice d'un sol, en permanence humide, très pauvre en
éléments nutritifs. La couleur des fleurs n'est pas fixe pour une plante
donnée, elle s'exprime en fonction du PH, acide, neutre ou basique, et
celui-ci peut varier dans le sol, mais également à l'intérieur de la
plante, ce qui peut produire une palette présentant tous les dégradés du
rose au bleu, comme on le voit sur la photo ci-contre. - Photo :
Pulmonaire. -
Elle nous apprend à bien manier la loupe pour examiner
les parties souvent minuscules des fleurs qui permettent de les
identifier. De même que les jumelles ou l'appareil photo, il convient de
la porter suspendue à un cordon passé autour du cou. Un droitier tiendra l'objet à examiner avec
sa main droite, stabilisant la loupe devant les yeux en appuyant le
pouce gauche sur le nez : le spectacle n'est pas triste ! Ensuite, il
n'y a plus qu'à approcher ou éloigner la plante pour la voir bien nette,
en la mettant sur fond de ciel. C'est tout un art ! Nous découvrons
ainsi des détails insoupçonnés. On trouve ces loupes chez un opticien
avec un grossissement de 8 ou 10, c'est suffisant. Elle nous signale que
l'ajonc,
brûlé dans les Pyrénées par les éleveurs qui le jugent nuisible, puisque
ses épines blessent les brebis et qu'il gagne sur les pâturages, était
autrefois donné en alimentation l'hiver au bétail. Il était
préalablement broyé par un instrument spécial en forme de croissant en
fer (ariotza ?) pour détruire ses épines redoutables. C'est une
légumineuse qui enrichit en azote les terres incultes et résiste
remarquablement à la sécheresse.
Selon la source en lien, en Bretagne et en Angleterre, l'ajonc est même semé serré en mars - avril, en mélange avec des graines d'une céréale de printemps. A la moisson, celle-ci est récoltée en laissant un long chaume protecteur. Les rameaux-épines ou dards, apparus au printemps, arrêtent bientôt leur croissance en longueur et leur bourgeon terminal durcit. La pointe acérée de l'épine est réalisée, tandis que les feuilles sous-jacentes molles et velues fanent et tombent. Seules les feuilles basales persistent plus longtemps si le dard est assez long, leurs bourgeons axillaires donnant des rameaux épines secondaires. Les plants sont coupés au ras du sol de fin novembre à fin février. Les champs granitiques sont ainsi progressivement amendés et le bétail nourri en hiver. Du point de vue des propriétés améliorantes et fourragères, l'ajonc viendrait immédiatement après la luzerne et le sainfoin. Véritable miracle de la nature, sa rusticité lui permet de pousser dans des lieux incultes, en les convertissant au bout d'un certain temps en champs fertiles, et rendant inutile tout amendement artificiel ! Les bruyères qui poussent au pied des ajoncs ont également la faculté de fixer l'azote de l'air grâce à des bactéries (rhyzobium) qui vivent en symbiose au niveau des racines, dans des nodules. Le lotier, la vesce, le trèfle dont les fleurs s'épanouissent en cette saison sur le Mont Ulia possèdent cette même propriété. Les asphodèles que nous avons vu fleurir ce printemps ont leurs feuilles qui poussent les premières après les froidures hivernales. A Baïgorry, elles étaient données aux cochons à la soudure, lorsque les réserves de nourriture s'épuisaient. La belle-des-prés (nommée par Carl von Linné Filipendula ulmaria), très mellifère, est riche en dérivés salicylés au même titre que le saule avec lequel elle partage les habitats humides. L'aspirine dérive de son nom, spirée, qui lui avait été attribué en raison de la forme de ses fruits. C'est une plante aux propriétés multiples, tant sur le plan alimentaire que médicinal. - Photo : Ophrys abeille. -
Jeanette nous fait remarquer que la lande n'est qu'un état transitoire, soit vers la prairie, s'il y a du bétail, soit vers la forêt dans le cas contraire. Ce sont les sociétés agro-pastorales qui sculptent le paysage. Avec la déprise agricole, les espaces se referment, soit par l'effet d'espèces pionnières, des arbres qui prennent naturellement possession des lieux, soit avec des plantations, la plupart du temps de pins destinés à être exploités. En Europe, le climax est la forêt, c'est le paysage vers lequel elle tend en permanence et contre lequel nous luttons, en permanence également. Ce serait intéressant de nous demander pourquoi. C'est tout de même bizarre qu'au néolithique, l'homo sapiens ait amené avec lui les plantes (céréales) et les animaux (vaches, brebis) qu'il avait domestiqués au Moyen Orient, et que depuis tout ce temps, il n'ait eu qu'une envie, c'est de reproduire le paysage qui convenait à ces espèces. Il aurait été plus rationnel de s'adapter à un climat qui n'était pas méditerranéen en exploitant les ressources locales. Nos herbivores (cerfs, chevreuils) sont parfaitement capables de s'alimenter en majorité avec des branchages et des feuilles d'arbres et le sanglier s'adapte à tous les milieux. Est-il vraiment nécessaire d'artificialiser à ce point notre environnement ? Comme Jeanette nous l'expliquait, une multitude de plantes sauvages locales, européennes, ont des qualités nutritives ou pharmaceutiques indéniables, pourquoi s'entêter à faire pousser des plantes importées d'autres pays et nécessitant d'autres climats pour prospérer sainement et sans maladies ?
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