Richard et Anna, Marion et Sophie, Cathy et Jean-Louis, conduits dans un minibus par le chauffeur indien Bipin en Rajasthan / Réception de Cathy et Jean-Louis à Mumbai chez Ramya, Shri et Mahesh, puis chez Rashmi et ses parents, et visite d'un jardin botanique avec Maithili. | Circuit en Rajasthan / Séjour à Mumbai |
3 au 16 mars au Rajasthan et du 16 au 22 mars 2013 à Mumbai |
Le guide nous signale la présence de ce jardin original, le 'Kesar Kyari Bagh', situé sur le lac à l'extérieur du Fort Amber. Créé en 1568, il fut autrefois dédié à la culture du safran à laquelle il doit son nom (Kesar). Le botaniste russe Nikolaï Ivanovitch Vavilov pensait que le safran (Crocus sativus) était originaire du Moyen-Orient (Asie mineure, Turkestan et Iran), mais des recherches récentes ont montré que ce serait plutôt en Crète qu'aurait débuté sa domestication à partir du Crocus cartwrightianus sauvage, à la fin de l'âge du bronze égéen, à la période minoenne (ca 1900-1600 BC). Sa culture s'est ensuite diffusée de proche en proche jusqu'en Chine. Le Crocus sativus fut introduit en Inde par les Perses vers 500 BC. Ce serait un missionnaire indien bouddhiste arhant (saint), nommé Madhyantika (ou Majjhantika), qui aurait effectué la première culture de safran au Cachemire. Le safran se répand ensuite dans tout le sous-continent et sa popularité est telle que les bouddhistes le choisissent rapidement comme pigment officiel pour teinter leurs robes et manteaux. Les Phéniciens l'intègrent dans leurs lots de marchandises pour le distribuer le long de leur grand circuit commercial maritime. Une légende traditionnelle du Cachemire relate que le safran aurait été apporté par deux ascètes soufis, Khwaja Masood Wali et Hazrat Sheikh Shariffudin, durant les XIe et XIIe siècles de notre ère. Pour preuve, on trouve un oratoire au dôme doré et une tombe à leurs noms au centre de production de Pampore, au Cachemire. Mais le fameux poète et savant du Cachemire, Mohammed Yusuf Teng, assure que la plante est cultivée dans cette région depuis deux millénaires. - Photos : Ci-dessus, le 'Kesar Kyari Bagh' à Amber - Collecte du safran, détail de fresque à Xeste 3, Akrotiri, Thera (Crète). -
Le processus d'obtention du safran a toujours été très onéreux, puisqu'il nécessite un travail intensif sur une courte durée et avec beaucoup de main d'oeuvre : la civilisation minoenne utilisait les mêmes poids pour mesurer l'or et le safran. Son pollen est stérile et la plante dépend de l'homme pour sa reproduction. Les cormes du Crocus sativus sont de petits globules bruns d'environ 4,5 centimètres de diamètre enveloppés dans une natte dense de fibres parallèles. Ils ne survivent qu'une saison et doivent être divisés manuellement et cassés, puis replantés. Ils fourniront ainsi jusqu'à dix caïeux, qui produiront de nouvelles plantes. Comme le colchique auquel il ressemble, le safran fleurit en automne, durant une étroite fenêtre de une à quatre semaines. L'environnement idéal pour sa culture est un climat sec tempéré, un sol argilo-calcaire friable, lâche, à basse densité, bien arrosé et drainé, et une bonne teneur en matières organiques. - Photo : Récolte du safran au Cachemire (Inde). -
Ce sont les femmes qui, traditionnellement, se chargent de la cueillette des fleurs dont la récolte est exclusivement manuelle. La moisson doit être très rapide : après leur floraison à l'aube, les fleurs fanent durant la journée. Les stigmates (extrémité du pistil qui reçoit le pollen issu des étamines) sont difficilement séparés des pétales et des étamines pour être séchés, de préférence le jour même de la cueillette. Chaque crocus a trois stigmates, et il faut environ 160 000 fleurs pour produire 5 kgs de stigmates humides, qui ne font plus qu'un kilo d'épice séchée. Sa culture est pratiquée en Inde principalement au Cachemire et tout particulièrement dans la ceinture de Pampore reconnue comme un héritage culturel à préserver, et qui se trouve non loin de la capitale d'hiver du Cachemire, Srinagar. Sa production y a récemment été affectée par divers facteurs : des pluies et des chutes de neige trop faibles qui ont entraîné l'assèchement des cours d'eau, des températures moyennes en hausse, des glaciers à la fonte plus précoce et accélérée durant la dernière quinzaine d'années, la maladie (la rouille). Les experts en imputent la cause aux cimenteries qui émettent de la fumée et des poussières (et donc polluent l'atmosphère et les sols), ainsi qu'au changement climatique. A toutes ces calamités s'ajoutent la concurrence du safran iranien, moins onéreux, et l'extension des villes tentaculaires : maints fermiers aux rendements en chute libre sont tentés de vendre leurs propriétés qui sont transformées en zone résidentielle ou artisanale. Les surfaces de culture du safran au Cachemire sont ainsi passées de 5 361 hectares en 1980 à 2 928 hectares en 2006. - Photos : Fleur de safran (Crocus sativus) - Fort Junagarh de Bikaner : les fleurs, un sujet de prédilection pour la décoration intérieure des palais. -
Le safran avait et a toujours une grande variété d'usages. C'est un pigment puissant, capable de teindre des liquides, la peau, les cheveux et les tissus dans une riche couleur jaune, et une proportion qui va jusqu'à 150 000 fois son propre poids. La molécule chimique qui en est responsable est la 'crocétine'. Le safran est aussi une épice appréciée pour son goût et son odeur qui est utilisée dans beaucoup de plats méditerranéens et asiatiques. La cuisine indienne en parfume ses biryanis, plats traditionnels à base de riz, certains bonbons au lait ou le 'lassi au safran', une boisson au yaourt. A cause de son prix élevé, il est souvent remplacé (pour la couleur, mais pas avec le même goût) par du carthame des teinturiers ou du curcuma, une plante de la famille du gingembre qui entre dans la confection du curry. C'est enfin un médicament dont la molécule chimique active pour soulager les maux est l'isophorone. C'est l'Iran le plus gros producteur et exportateur mondial, avec des prix bien plus faibles que ses concurrents, au point d'envahir même le marché de l'Inde, sa voisine. Dans la région iranienne du Khorasan où se trouve 95% de sa production, les précipitations annuelles moyennes sur 1991-2002 ont été de 256 mm et la température moyenne annuelle à la station de Nishabour de 14,2°C. - Photo : Fort Junagarh de Bikaner : les fleurs, un sujet de prédilection pour la décoration intérieure des palais. - Schéma : Répartition de la production du safran.
Nous quittons Amber pour Jaipur, où nous admirons chemin faisant, de loin, le Jal Mahal (Palais de l'eau) dressé au milieu du lac Man Sagar, qui furent tous deux rénovés et agrandis au XVIIIe siècle par le Mahârâja Jai Singh II d'Amber. Dans cette dépression naturelle au sein des monts Ârâvalli, l'eau s'accumulait périodiquement, mais lorsqu'une longue sécheresse engendra une famine sévère en 1596, le mahârâja d'Amber de ce temps-là décida de construire un barrage, qui fut agrandi et consolidé plusieurs fois par la suite. En 2000, le gouvernement du Rajasthan, basé à Jaipur, prit des mesures draconiennes à l'aide de développeurs privés pour dépolluer le lac où s'écoulaient les effluents de la capitale et restaurer le palais pour en faire un lieu touristique. Deux kilomètres de sentier de promenade et une jetée d'un kilomètre furent aménagés sur les rives. Un magnat des affaires, Navratan Kothari, signa un bail de 99 ans sous l'entité Jal Mahal Resorts, et il oeuvra durant neuf années pour nettoyer le lac et transformer le palais en hôtel. Il fallut construire des réseaux d'eaux usées, une usine de traitement des effluents, assécher le lac pour en retirer les boues en excédent, le Brahampuri Nala fut détourné pour se déverser dans le Nagtalai Nala par un canal au sud afin de stabiliser le volume d'eau du lac, des marais furent aménagés, des forêts replantées sur les collines environnantes... et les oiseaux revinrent. Cet exemple remet en question l'image un peu trop caricaturale que nous nous faisons de l'Inde. - Photos : Jal Mahal sur le lac Man Sagar - Porte de Jaipur. -
Nous pénétrons dans Jaipur par une de ses huit portes monumentales. C'est une des rares villes nouvelles de l'Inde. Elle a été construite sous l'impulsion du mahârâja Jai Singh II, un râjput de la famille des Kachhwâhâ (celle qui a conquis Amber) en 1727, avec les conseils du brahmane Bengalî Vidyadhar Bhattacharya. - 'Jai' en hindi ou 'Jaya' en sanskrit signifie 'Victoire'. Issu du mot sanskrit 'sinha', 'Singh' signifie 'lion', et il est souvent le nom de famille des Sikhs, mais également des Râjputs. 'Pur' est un suffixe pour indiquer une ville. Jai Singh signifie donc 'le lion de la victoire' et Jaipur, 'la ville de la victoire' -. En prévision de la visite du prince Albert en 1876, elle sera peinte en rose, une couleur traditionnelle de bienvenue qu'elle conserve encore aujourd'hui. - Photos : Le Jantar Mantar, observatoire de Jaipur - Fresque sous l'un des instruments. -
Jaipur est conçue en combinant les préceptes des anciens traités d'architecture hindous, 'Shilpa Shastra', et les plans de nombreuses cités européennes contemporaines. L’architecte Vidyadhar adopte le diagramme rituel prescrit par le 'Vastu Vidya' : un carré divisé en neuf portions égales correspondant aux divisions de l'univers (dix si l’on compte l’extension au sud-est) par quatre larges avenues se coupant à angle droit. En réalité, l’une des deux artères Est-Ouest est interrompue par le palais et le tracé se révèle irrégulier, au nord, à cause de la topographie et le non-respect du plan original par les successeurs de Jai Singh. Les neuf quartiers (muhalla) ainsi délimités, assimilés aux neuf planètes de l’astrologie hindoue (Surya - le Soleil, Chandra - la Lune, Mangala - Mars, Budha - Mercure, Guru - Jupiter, Shukra - Vénus, Shani - Saturne, Rahu - nœud ascendant de la Lune, et Ketu - nœud descendant de la Lune), sont répartis par caste, autrement dit par corps de métier, les deux centraux étant dévolus au souverain. On retrouve aujourd’hui encore des descendants des tailleurs de pierre ou des bijoutiers installés dans le quartier qui leur fut affecté au XVIIIe siècle. Chaque 'muhalla' est lui-même divisé par des rues et des ruelles parallèles aux avenues. Pour créer un sentiment d’unité, tous les bâtiments doivent avoir le même nombre d’étages et le même style. De passage à Jaipur vers 1865, le jeune géographe, archéologue et photographe français Louis Rousselet en est grandement impressionné. - Photo : Le Maha Rao Rajah Sheodan Sing, Ulwur, photographie de Louis Rousselet, 1866. - Plan de Jaipur -
Pourquoi le mahârâja demande-t-il au shah moghol, dont il est le feudataire, de l'autoriser à construire des observatoires ? Jai Singh, qui est un excellent mathématicien et astronome, réalise que les almanachs et cartes astronomiques indiennes (et musulmanes) sont inexacts et qu'il y a peu de progrès dans cette science. Il décide donc d'affiner la connaissance de la mesure du temps (année, saisons...), celle des mouvements planétaires, et d'améliorer la cartographie stellaire. Il souhaite en plus que ces instruments soient accessibles à quiconque désireux d'apprendre l'astronomie. Il acquiert une vaste documentation sur la question et accueille des savants en provenance d'Europe, du monde musulman et de l'Inde. Il envoie même une délégation scientifique au Portugal, menée par le Recteur de la mission jésuite d'Agra, Padre Manuel de Figueredo, accompagné de Pedro da Silva Leitão, un Portugais bien placé à sa cour, pour en rapporter des livres, des instruments et des informations sur les techniques qui se pratiquent en Europe. - Photos : Jantar Mantar. -
L'observatoire astronomique de Jaipur (Yantra Mandir, 'temple des instruments', ou Jantar Mantar, 'formule des instruments') est achevé en 1733. Il s'inspire de celui qu'il a fait édifier précédemment à Delhi, capitale de l'Empire Moghol, qui est lui-même conçu sur la base des grands instruments de l'observatoire d'Ulugh Beg construits au XVe siècle à Samarcande. Il en fait construire également à Bénarès (Varanasi), Mathura et Ujjain, mais celui de Jaipur est le plus important. La meilleure précision des mesures devra permettre au pandit (du sanskrit 'pandita', lettré) Samrat Jagannātha d’établir les thèmes astraux et de déterminer les moments les plus propices pour les grands événements (mariages, déplacements...). Si l'on se remet dans le contexte contemporain, il faut avoir présent à l'esprit que le mahârâja Sawai Jai Singh II vit de 1686 à 1743, donc fin XVIIe - début XVIIIe siècle, à une époque où l'Europe utilise la lunette et le télescope et conçoit des observatoires où les lentilles sur les instruments deviennent d'usage courant à Paris et à Greenwich.
Voici un petit rappel des innovations européennes précédant la date de construction du Jantar Mantar. En 1543, Nicolas Copernic publie 'De revolutionibus orbium coelestium', où il soutient que c'est le Soleil, et non la Terre, qui se trouve au centre de l’Univers. En 1609, Johannes Kepler présente ses deux premières lois sur le mouvement des planètes dans 'Astronomia nova'. En 1610, grâce à sa lunette, Galilée découvre, entre autres, les reliefs de la Lune, les satellites de Jupiter et la multitude d’étoiles de la Voie Lactée. En 1619, Johannes Kepler publie sa troisième loi sur le mouvement planétaire dans 'Harmonices mundi'. En 1632, Galilée publie 'Dialogo Sopra I Due Massimi Systemi Del Mondo' où il compare les théories de Ptolémée et de Copernic. En 1656, Christiaan Huygens décrit les anneaux de Saturne. En 1671, Isaac Newton construit son premier télescope et en 1687, il publie sa théorie de la gravitation universelle dans 'Philosophiae Naturalis Principia Mathematica'. Enfin en 1718, Edmond Halley compare ses mesures de positions stellaires avec celles de Ptolémée et découvre le mouvement propre de certaines étoiles. Aucune de ces découvertes n'est venue à la connaissance des astronomes hindous.
Pourquoi Jai Singh construit-il ces structures de maçonnerie ? Et pourquoi semble-t-il ignorer les découvertes du système héliocentrique de Copernic et Galilée ? Une mauvaise communication entre l'Est et l'Ouest doit en être un des facteurs. Mais ce n'est pas la seule raison. Le climat religieux indien de l'époque en est également responsable. Les savants brahmanes refusent de voyager en Europe, parce que le fait de traverser les océans peut entraîner le rejet de leur caste. - Gandhi lui-même devra subir la vindicte de sa caste à Mumbai, et il devra subir une sorte de conseil de discipline, où les dirigeants tentent de lui interdire de partir faire ses études à Londres. Seul face à eux à l'âge de 18 ans seulement, il devra leur tenir tête (toujours très poliment et respectueusement, comme il le fera toujours) pour leur signifier qu'ils n'ont pas à s'immiscer dans sa décision -.
Par ailleurs, les assistants européens qui aident Jai Singh à collecter des informations sont principalement des savants jésuites auxquels, comme aux laïques catholiques, il est interdit, sous la menace de représailles de l'Inquisition, d'accepter le point de vue soutenu par Galilée et d'autres scientifiques, selon lesquels la Terre tourne autour du Soleil. Pour l'Eglise, c'est une hérésie et de l'athéisme. Il n'est donc pas surprenant que les émissaires jésuites envoyés en Europe par Jai Singh n'aient pas inclus dans leur liste les travaux de Copernic et Galilée, ni les nouveaux instruments qui sont utilisés pour soutenir les théories de l'héliocentrisme. A leur décharge, il faut rappeler que les travaux de Galilée ne seront retirés de l'Index des livres interdits de l'Eglise qu'à une date bien avancée dans le XIXe siècle... Enfin, Jai Singh ne sera jamais mis au courant des débats qui agitent l'Europe au sujet de l'héliocentrisme durant trois siècles (et encore moins des dissensions religieuses entre catholiques et protestants qui grippent les communications à l'intérieur même de l'Europe, sans parler de la concurrence exacerbée que se livrent les Etats européens sur les plans politique et commercial).
L'inventaire de la bibliothèque personnelle de Jai Singh, Pothi Khana, ne contient en 1715 que de la documentation provenant des Pandits hindous - ses principaux astronomes à Jaipur sont d'ailleurs des Jyotiśīs (du sanskrit Jyotis, lumière ou étoile) hindous, Kaval Ram et Samrat Jagannātha. Il collecte par la suite 18 manuscrits de travaux musulmans. Samrat Jagannātha, par exemple, effectuera pour le mahârâja la traduction de l'Almageste de Ptolémée en sanscrit à partir de la version arabe (1500 ans après la mort de l'auteur !). Ptolémée a établi un catalogue de 1022 étoiles qui sera mis à jour périodiquement, notamment en 1080 avec les 'Tables de Tolède', puis en 1252 avec les 'Tables alphonsines', sur la péninsule ibérique 'Al Andalus' qui est alors sous domination arabe.
Mais ce sont les Tables astronomiques d'Ulugh Beg ('le Grand Emir') que Jai Singh se donne pour objectif de mettre à jour car les coordonnées des étoiles ont évolué en 297 ans. Petit-fils de Tamerlan, Ulugh Beg a été nommé gouverneur de Samarcande par son père Châh Rokh Mirzâ, le roi des Timourides, auquel il délègue ses tâches politiques pour se consacrer à la science. En 1428, il construit un observatoire qui est considéré par ses contemporains comme l'une des merveilles du monde, où il établit grâce à ses observations un catalogue de 1018 étoiles. Jai Singh estime que les erreurs qu'il décèle dans ces tables sont dues au fait qu'il s'agit d'instruments en laiton : "la sphère armillaire de deux mètres de diamètre et l'astrolabe à deux anneaux", par exemple, "n'étaient pas assez précis du fait de leur petite taille, le manque de divisions en minutes d'arc, le port de leurs axes, le déplacement de leur centre et le décalage des plans des instruments".
Ce n'est qu'après sept ans d'études et le début de la construction du Jantar Mantar de Delhi que Jai Singh apprend que l'astronomie se pratique différemment en Europe. Il obtient une copie des 'Tabulae astronomicae' de l'astronome français Philippe de la Hire, imprimées en 1702, et un peu plus tard, celles de l'astronome britannique John Flamsteed, un collègue d'Isaac Newton et de Edmond Halley, 'Historia Coelestis Britannica' qui donnait les positions de 3000 étoiles. Jai Singh déclare qu'il a trouvé une erreur d'un demi-degré dans la position de la Lune chez Flamsteed, ainsi qu'une petite erreur de date d'éclipses solaire et lunaire. Il en attribue aussi la cause au fait que les Européens utilisent de petits instruments. Les objectifs de Jai Singh en tant qu'astronome sont relativement modestes, en dépit de la taille et de la beauté des instruments qu'il fait construire. Il souhaite mettre à jour les tables d'Ulugh Beg et si possible les rendre plus précises ; il veut procurer des informations plus fiables pour la rédaction d'almanachs ; et finalement, il souhaite donner l'heure avec plus de précision. L'observatoire de Jaipur sera utilisé pour donner l'heure juste jusqu'en 1944. Petit détail, l'heure officielle ne correspond pas à un fuseau horaire par rapport au méridien d'origine de Greenwich : elle est établie par rapport au méridien de la capitale moghole, puis indienne, Delhi. Pour obtenir l'heure de la montre par rapport à l'heure solaire, il faut ajouter un correctif signalé journellement sur un panneau et qui est de 35 minutes le 13 mars 2013. - Photo : Rectificatif de l'heure solaire pour obtenir l'heure de la montre à Jaipur, calculée par rapport au méridien de Delhi. -
Il est à noter que le télescope utilisé par Galilée a été amélioré par Jean Picard en 1667 en plaçant une fine croix dans le viseur pour mieux repérer l'astre et mesurer l'angle. Mais les instruments de ce type construits dans les années 1670 n'avaient pas une précision supérieure à une minute (1') d'arc, une précision que Hevelius obtenait facilement avec des instruments à l'oeil nu. Ce n'est qu'après que Flamsteed ait obtenu une précision de dix secondes (10") d'arc dans ses catalogues d'étoiles de 1710 et 1725 que cet instrument deviendra d'un usage courant parmi les astronomes européens. Il sera amélioré par le micromètre et le vernier quelques décades avant la construction des observatoires de Jai Singh, mais celui-ci n'en entendra jamais parler, non plus que du sextant et du quadrant en usage en Europe. Les instruments que lui amène en 1731 Claude Boudier, jésuite français de Chandernagor, ne sont pas d'une qualité et précision suffisantes pour influencer Jai Singh.
Dans son 'Zīj–i jadīd-i Muhammad Shāhī', les tables qu'il établit en s'inspirant largement de celles de Philippe de la Hire (la deuxième édition de 1727), Jai Singh donne ses impressions sur ses observations avec le télescope dont il a fait l'acquisition. Au chapitre 'Visibilité de la Lune', il dit que le télescope permet de voir les étoiles brillantes même en plein jour, y compris vers midi. Il peut aussi observer la Lune lorsque sa face ne reçoit quasiment pas de lumière, et même lorsqu'elle est totalement sombre et invisible à l'oeil nu. La planète Saturne paraît avoir, à travers le télescope, une forme ovale dont la partie basse est plus grande que celle du dessus. Autour de Jupiter orbitent quatre 'étoiles' brillantes. Sur la face du Soleil, il y a des taches, et le Soleil tourne sur son axe selon une période d'un an." Et il ajoute : "Puisque le télescope n'est pas encore à la portée de tous, nous allons baser nos règles de calcul pour les observations à l'oeil nu uniquement". Ces remarques montrent que le télescope qui était à sa disposition était d'une piètre qualité, égale ou à peine supérieure à celui de Galilée (puisqu'il n'a pas réussi à distinguer les anneaux de Saturne), et qu'il n'avait pas organisé d'observations systématiques avec ce nouvel outil auquel il n'attachait guère d'intérêt (puisqu'il donne une information erronée sur la rotation du Soleil). De même Jagannāth ne l'a pas inclus dans l'observatoire et ne le mentionne pas dans son Samrat Siddhanta.
Joseph Dubois rapporte en 1732 que Jai Singh a le projet d'envoyer une seconde délégation à Paris et à Londres "pour boire l'astronomie à sa source", mais il meurt en 1743 avant d'avoir pu le concrétiser. Son oeuvre ne sera pas poursuivie. L'une des raisons de ce désintérêt à l'égard des sciences tient peut-être au fait que, contrairement à l'Europe du XVIIIe siècle dont les velléités expansionnistes reposent sur l'amélioration de la navigation qui nécessite à son tour l'invention et la construction d'instruments astronomiques de précision, les Etats indiens de cette même époque ne ressentent pas de besoin similaire et ne considèrent l'astronomie que comme un outil pour la datation des événements religieux et un divertissement. L'observatoire de Delhi sera grandement endommagé en 1764 par Jawahar Singh, le fils du gouverneur Jat de Bharatpur, Suraj Mal, et sera seulement par hasard restauré en 1910 par le Râja de Jaipur à l'occasion de la visite en 1911 du Roi George V. L'Observatoire de Jaipur, qui est transformé en une usine d'armement par le petit-fils de Jai Singh, et son astrolabe utilisé pour cible lors des exercices de tir, sera toutefois excellemment réparé sous la direction de Chandra Dhar Sharma Guleri en 1901.
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