Cathy, Jean-Louis chez Cédric et Loreto, avec Jonathan, Alexis et Marie
Un bateau dans le ciel
Séjour du 24 octobre au 7 novembre 2012

chèvreLe genévrier de Phénicie (sabina) était l'un des arbres les plus appréciés pour l'excellence de son bois qui servait à la fabrication d'outils, d'armes, d'ornements corporels, de plafonds à caissons dans les grottes (chajascos), ou de plateaux sur lesquels reposaient les morts, comme le note le grand botaniste français, M. Gros. Lors d'une expédition scientifique, il visita en 1764 une nécropole dans la vallée de Güimar qui comportait des échafaudages dans cette matière. Ses propriétés antiseptiques et désinfectantes étaient notamment utilisées pour soigner le cheptel caprin. - Photo : Une des trois chèvres de Cédric, toujours prête à escalader le "tagasaste" endémique (Chamaecytisus palmensis) qui est une Fabaceae, une légumineuse, pour se régaler des jeunes pousses -.

Le seul arbre qui pouvait concurrencer sur le plan symbolique le drago chez les Guanches était le "mocán" (Visnea mocanera), l'un des rares à avoir conservé son nom en langue aborigène. Il devait cette prédilection à ses fruits, élément primordial de leur alimentation frugale. Le jus des baies mûres (yoyas) était converti en miel (chercequén ou checerquén), chaumièresqui était non seulement un élément clé de l'alimentation, mais également un produit médicinal qui soignait de nombreuses maladies, comme les douleurs pleurétiques et les diarrhées. Le frère Alonso de Espinosa en faisait la description suivante en 1591 : "du miel est produit à partir des fruits de la taille et de la forme de pois chiches. Avant d'être mûrs, ils sont très verts, puis ils commencent à se colorer jusqu'à devenir très noirs. Ils sont doux, mais on n'en consomme que le jus, appelé yoya, et le miel, chacerquem. Ils le produisent en cueillant les "mocanes" lorsqu'ils sont très mûrs, les exposent au soleil durant trois ou quatre jours, les réduisent en menus morceaux qu'ils recouvrent d'eau pour les cuire, de façon à ce qu'ils s'imbibent et se convertissent en sirop utilisé à des fins médicinales.
- Photo : Chaumières aux murs de pierre volcanique -.

chaumeViera y Clavijo fait aussi référence à cet arbre dans ses "Noticias de la Historia General de las Islas Canarias" lorsqu'il aborde l'alimentation, et plus précisément les fruits, essentiellement sylvestres : champignons, fraises, mûres de ronces, "mocanes", dattes, "támaras", pignons de pin. Le jus de "mocán", appelé yoya, était leur préféré pour sa grande douceur. Ils l'ajoutaient au gofio et l'utilisaient pour se soigner. Le bois du "mocán" était aussi apprécié pour la fabrication artisanale de figurines et autres objets d'ornement. L'abondance de cet arbre était telle que plusieurs endroits reçurent l'appellation de «mocanales», tant ils poussaient densément.

GuancheA la fin de notre séjour, alors que Cédric nous raccompagne à l'aéroport de Tenerife Sud, il nous signale qu'une des vallées étroites devant laquelle nous passons a une histoire curieuse. Dans les premières années du XXe siècle, des parents envoyèrent leur fille cueillir des fruits dans le "barranco" (canyon) de Badajoz. Comme elle ne rentrait pas à la maison, toute la zone fut ratissée avec l'aide de voisins et amis des parents qui désespéraient de ne pas la trouver nulle part. statuette guancheFinalement, elle fut déclarée disparue et ils cessèrent les recherches. Plusieurs années plus tard, la petite fille revint à la maison, et curieusement, elle avait le même aspect que lorsqu'elle était partie, comme si les années n'avaient pas eu de prise sur elle. Elle raconta à ses parents ébahis qu'elle était bien allée dans le barranco et qu'elle s'était endormie au pied d'un poirier. Là, elle fut réveillée par un être très grand vêtu de blanc. Il ne lui inspirait aucune peur et elle accepta de le suivre lorsqu'il le lui demanda. - Photos : Statue de roi Guanche sur la promenade côtière de la Plaza de la Patrona de Canarias à Candelaria - Figurine représentant une idole guanche, Guatimac, Museo Arqueológico del Puerto de La Cruz (Ténérife), trouvée en 1885, entourée d'une peau de chèvre et cachée dans une grotte à Fasnia. -

Elle entra dans une grotte où ils descendirent par un escalier qui menait à une espèce de jardin où se trouvaient d'autres êtres comme lui. nuagesFinalement, l'être la raccompagna à l'entrée de la grotte et prit congé d'elle. Elle ramassa ses poires et retourna à la maison. Elle pensait qu'il ne s'était écoulé que quelques heures, alors que 20 ans avaient passé. Cette légende n'aurait pas marqué Cédric si l'un de ses amis ne lui avait pas rapporté une expérience similaire. Quelques semaines auparavant, Mario se promenait avec sa femme dans cette vallée encaissée très jolie située près de Güímar (prononcer Ouimar). Les Guanches l'appelaient autrefois Chamoco, nom donné à l'une des sept mines à l'entrée desquelles se trouve encore toute la machinerie qui permettait d'extraire l'eau des cavités souterraines pour alimenter et irriguer Güímar jusqu'à la côte. Mario accéléra le pas pour le retour, la laissant marcher à son rythme derrière lui. blasonArrivé à la voiture, il l'attendit un bon moment et, ne la voyant pas arriver, il fit le chemin en sens inverse, sans la trouver. Il précisa à Cédric qu'il n'y avait qu'un seul chemin, pris entre deux falaises, et qu'il n'y avait aucun moyen de faire quelque détour imprévu. Il redescendit, toujours sans l'apercevoir, arriva en bas et, voyant qu'elle n'y était toujours pas, il remonta encore et la trouva enfin en train de marcher tranquillement. bejequesElle ne l'avait pas aperçu et n'avait pas entendu ses appels, elle n'avait pas fait de pause et n'était pas sortie du chemin, il lui semblait qu'elle avait marché peu de temps... Ils n'ont pas compris ce qui s'était passé. Cette vallée mérite bien son surnom : "el valle sin tiempo", la vallée sans temps, hors du temps. Les locaux refusent d'y vivre, car des disparitions inexpliquées s'y sont produites, ainsi que des phénomènes bizarres... - Photos : Ci-dessus, le manège des nuages au niveau de la pinède. Blason d'Aguamansa sur les panneaux des rues -

Histoire. Le dernier mencey (roi guanche) de Güimar, Añaterve, céda son territoire aux troupes espagnoles en 1496, puis lors de la répartition des terres conquises, le barranco de Chamoco fut attribué à Juan de Badajoz qui le rebaptisa de son nom. Situé dans l'enceinte du paysage naturel protégé de Siete Lomas où il atteint l'altitude maximale de 2259 m, à partir d'Izaña, ce canyon canarien est le plus spectaculaire de l'île, avec des parois verticales de centaines de mètres de hauteur, séparées de peu de mètres au fond du lit du barranco. bedequesElles sont couvertes de "bejeques" (Aeonium ciliatum), "couronnes de roi" et d'une grande quantité de plantes ripicoles (vivant en bordure du torrent). A l'entrée du barranco se trouve la centrale hydroélectrique (la hidro) qui alimentait en électricité la moitié de la commune, utilisant l'énergie produite par l'important dénivelé depuis les galeries des mines. Cet espace naturel héberge une grande quantité de végétaux canariens endémiques, des reliquats de la pinède naturelle et de la Laurisylve. Le vestige préhistorique le plus significatif est la "Cueva del Cañizo" (grotte) ; elle est à 100 m de hauteur, creusée à peu près à mi-chemin dans la paroi gauche ; elle doit son nom aux douze bâtons de bois (sans doute de genévrier de Phénicie, selon Irineo González, 1883), qui forment un toit et peuvent être vus depuis le lit du barranco. Lorsqu'on regarde depuis en bas en direction de la grotte, on dirait la bouche d'un grand visage qui paraît regarder vers le fond du canyon. La théorie la plus populaire est que cette grotte fut utilisée pour y entreposer des aliments, principalement du fromage. Selon Felipe Miguel de Poggi Borsotto (1868), on la désigne par le nom de "Cañizo" (canisses) ou Fromagerie des Guanches. - Photos : Ci-dessus, "bejeques" (Aeonium ciliatum). Ci-dessous, Vue vers le Nord et l'océan atlantique, avec Puerto de la Cruz sur la côte -.

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