A l’occasion de la commémoration, le 2 février, de la convention internationale de Ramsar sur les zones humides, Jean-François Terrasse a ouvert exceptionnellement au public sa réserve naturelle régionale d’Errota Handia située sur la commune d’Arcangues, à l’instigation du CREN (Conservatoire Régional des Espaces Naturels) qui organisait pour la première fois sur toute l’Aquitaine diverses manifestations de sensibilisation à la préservation des zones humides. « En acquérant ce terrain, j’ai voulu apporter ma petite pierre locale à l’effort mondial de protection de la nature, c’était une démarche très utopique, j’en conviens », explique cet ancien pharmacien passionné par les oiseaux, qui souhaitait reconstituer un havre de paix et une halte nourricière sur cette voie majeure des migrations nord-sud.
« En fait, en faisant l’inventaire des espèces végétales et animales pour monter le dossier de classification en réserve, je me suis aperçu que ce site offrait une biodiversité tout à fait remarquable, et qu’il hébergeait même des espèces rares, protégées ou menacées d’extinction, comme le vison d’Europe, le balbuzard pêcheur ou le héron pourpré » ajoute-t-il. Son projet s’en est trouvé modifié. Il a remis en état l’ancien barrage de pierres taillées qu’il a doublé d’une large épaisseur d’argile compactée, puis dégagé le fond de la vallée pour recréer le lac de retenue, après quoi, il a fallu l’entretenir. « Il faut sans cesse lutter contre les espèces invasives, végétales ou animales, issues d’autres continents, et qui se développent sans frein en créant un déséquilibre », se plaint-il. Par exemple, le plan d’eau était menacé d’eutrophisation, une plante envahissait la surface et réduisait la teneur en oxygène du lac. L’écologiste a donc introduit des carpes, végétariennes, qui s’en sont nourries, rendant leur limpidité aux eaux du lac… jusqu’à ce que ces poissons prolifèrent à leur tour (en l’absence de brochet, carnivore), grossissant de plus en plus, dévorant tout et transformant le lac en bourbier stérile. Il a fallu le vider et les sortir. Désormais, il procède, une fois par an, à une campagne d’arrachage manuel de ces plantes en veillant à retirer jusqu’au bout leurs longues racines.
« Ici, c’est ma prairie à papillons, j’y découvre de plus en plus d’espèces », désigne l’écologiste en aval du barrage, où un petit pont permet aux chevaux du voisin de venir paître l’herbe passée une fois par an au girobroyeur qui élimine ronciers et arbustes. Des mares hébergent grenouilles et libellules, les pierres sèches abritent lézards et couleuvres et dans les mûriers (qui donnent de l’excellente confiture) chantent les bouvreuils. Au fond du vallon, l’aulnaie marécageuse vieillissante est le refuge rêvé du vison d’Europe. « Autrefois, ces arbres au bois imputrescible servaient à la fabrication des sabots et des pilotis pour les zones portuaires ; brûlant trop rapidement, ils sont désormais considérés comme étant de mauvaise qualité et disparaissent des rives des cours d’eau endiguées, remblayées, loties ou transformées en zones artisanales ou industrielles… », regrette-t-il en ajoutant qu’il s’agit pourtant de biotopes à préserver et de zones inondables essentielles à la régulation des crues.
« Avant, je pouvais boire l’eau du ruisseau qui s’écoule du lac, et en 1893 elle était si pure que le Marquis de Folin y signalait la présence de moules perlières d’eau douce », nous informe Jean-François Terrasse. La surveillance de la faune et de la flore du ruisseau pourrait servir d’indicateur de sa dégradation pour signaler des pollutions éventuelles.
Cathy Constant-Elissagaray


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Cathy Constant-Elissagaray, correspondante locale au journal Sud-Ouest pour les villages de Bassussarry et d'Arcangues

Article paru le 09/02/2007 : "Observatoire de la biodiversité"