Les masques

Lorsque le moule est prêt (elle se saisit d'un moule au hasard sur les étagères derrière nous), elle procède à la fabrication du masque proprement dit. Elle ramasse dans un bac par terre une feuille cartonnée (style Canson, en un peu plus épais, et de couleur bleu-gris) - et non de papier-journal, contrairement à la croyance populaire - qu'elle passe rapidement dans un récipient rempli d'eau. Elle pose la feuille foncée par l'humidité devant elle et l'enduit au pinceau d'une colle blanche fluide. Elle en déchire grossièrement un morceau qu'elle applique soigneusement en pressant bien pour épouser les anfractuosités du moule de plâtre préalablement recouvert de vaseline. Elle recommence l'opération jusqu'à ce que tout l'intérieur du moule soit caché par le carton.

Puis elle prend une nouvelle feuille, plus épaisse, qu'elle mouille également et enduit cette fois d'une sorte de résine synthétique qui assurera la rigidité du masque en séchant, tout en lui conservant une certaine souplesse. Elle déchire de petits morceaux en prenant garde de ne pas en abîmer les bords rectilignes qu'elle applique sur le pourtour du masque en repliant par dessus le carton fin qui débordait du moule. Elle presse fort à chaque fois et s'applique, afin de faire une jolie finition. Elle continue ainsi sur tout le pourtour puis remplit l'intérieur. Après un temps de séchage, le masque se retire plutôt facilement du moule (elle nous en détache un de son enveloppe de plâtre, qui a fini de sécher dans un coin de l'atelier). Elle le ponce et inclut du mastic pour en corriger les imperfections. Ensuite, elle applique au pinceau une peinture blanche acrylique assez épaisse sur le dessus du masque qu'elle dépose pour le séchage sur une grille, dans une petite pièce attenante réservée à ce stade de l'élaboration et recouverte de projections de peinture. Elle attrape un autre masque préalablement blanchi et séché, qu'elle trempe en totalité cette fois dans un bac empli de peinture blanche plus fluide, ce qui lui donnera un aspect plus brillant, un peu laqué, et le dépose également sur une grille à sécher. En tout, pour un masque, il se sera passé deux jours (uniquement en ce qui concerne le papier mâché). Enfin, les masques blancs seront remis entre les mains d'autres artisans, comme celle de l'atelier précédent, qui les peindront et ajouteront des garnitures de matières diverses.

Nous sommes enchantés d'avoir pu prendre connaissance en profondeur de cette activité totalement spécifique à Venise. Lorsque nous sortons, il est déjà tard, les magasins et échoppes ferment les uns après les autres, et nous devons nous dépêcher de procéder à nos dernières emplettes. Ce faisant, Jean-Louis réserve deux places de concert dans une petite église voisine du pont du Rialto. Nous n'avons que le temps de manger un bout en bordure du Grand Canal près d'un charmant jeune couple de Japonais, et nous nous hâtons d'aller écouter le quatuor Vivaldi, composé de deux violons, un alto et un(e) violoncelle. Le récital est d'une grande qualité et j'apprécie de découvrir des morceaux que je ne connais pas. A deux reprises, les musiciens requièrent la contribution d'une jeune soprane à la présence magnétique dont la voix admirable nous transporte d'extase : nous terminons en beauté notre séjour vénitien.

Départ

Le lendemain, tôt levés, nous prenons notre petit déjeuner dans une pâtisserie-salon de thé-bar voisine avant de prendre le vaporetto qui nous conduit à l'aéroport en passant par le Lido et Murano. Nous voguons une dernière fois sur la lagune, terne et agitée par ce temps nuageux et venteux. Nous accostons à l'embarcadère de l'aéroport d'où nous nous élançons en courant vers le guichet d'enregistrement. Une demi-heure après, nous planons au-dessus des nuages. Je ne vois pas les Alpes, à droite, mais par contre, je vois une chaîne montagneuse sur la gauche : le début des Appenins, sans doute. A Nice, il fait grand beau temps et nous apercevons tous les détails de la côte d'Azur avant l'atterrissage. Je m'inquiète un peu car on avertit par micro les passagers en transfert de bien vouloir se signaler au guichet de la compagnie. Heureusement, c'est simplement pour faire accélérer notre passage d'un avion à l'autre : l'hôtesse nous indique la porte d'embarquement et nous rejoignons les passagers déjà tous embarqués dans l'avion Nice-Bordeaux. Nous n'avons pas le temps de souffler que nous voilà de nouveau dans les airs à admirer sous les ailes, comme une carte géante en relief, tout le paysage qui se déroule : mer, côte, Provence, Préalpes et Alpes aux sommets encore enneigés. A mi-parcours, nous sentons l'approche de l'Atlantique à l'épaississement des brumes et nuages, et je crains même que nous n'atterrissions en plein brouillard. En descendant, je reconnais le confluent de la Dordogne et de la Garonne, et finalement nous atterrissons sans encombre et pouvons gagner notre voiture garée sur le parking le plus éloigné de l'aéroport de Bordeaux sans nous mouiller...

 

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