Séjour en vallée d'Aure
Du 21 au 24 Août 2003
Participants : Cathy, Jean-Louis et Jonathan, Richard et Anna, Xavier, Fereydoun, Jean-Marc, Béatrice, Sylvie, Jean-Luc, Julien, Diana et Luc.

Les lacs du Néouvielle

Le lac d'AubertLe lendemain, lever de bonne heure (7 heures) pour faire la grande balade des lacs du Néouvielle, reportée déjà à deux reprises. Sylvie et Jean-Luc ont du mal à émerger, car ils sont réveillés deux ou trois fois par nuit par petit Luc qui tête encore sa mère. C'est Jean-Luc qui a le porte-bébé, Julien et Sylvie doivent donc se répartir le pique-nique, les vêtements chauds ou de pluie et la couche de Luc : il y a un peu d'affolement lors des préparatifs.

Lac d'Aumar, transparence et refletsLa route est étroite, tortueuse et un peu longue, dans cette gorge qui monte vers le pic du Néouvielle et le parc national. Deux raisons nous ont incités à partir tôt : la météo, peu encourageante, qui annonce des perturbations comme toujours au mois d'août, et en second lieu la fermeture de la route aux voitures à partir d'une certaine heure car le parking a une capacité limitée - une navette par bus assure alors la liaison avec les lacs à partir de la barrière de péage -.

Pêcheur à la ligne au lac d'AumarContrairement à l'an dernier, nous tournons le dos au lac d'Aubert, près du parking, longeons la route un petit moment pour prendre ensuite un sentier le long du lac d'Aumar qui nous mène vers une kyrielle d'autres lacs répartis sur trois vallées séparées par des cols à environ 2500 mètres (nous débutons à 2000 mètres d'altitude). Il s'agit donc d'une balade qui ne doit pas présenter de difficultés majeures, puisque le dénivelé est faible (quoique, cumulé, il avoisine les 1500 mètres en montée), si ce n'est par sa durée, ou du moins la distance à parcourir.

Lac d'Aumar : une clarté incomparableAbletteAssez curieusement, nous ne rencontrons personne pendant plus de la moitié du trajet. Pourtant, le parking était déjà à moitié rempli. Je pense que l'attraction principale est le pic du Néouvielle, auquel nous tournons de dos pour le moment, et, accessoirement pour quelques passionnés, la pêche à la ligne dans ces lacs d'une transparence extraordinaire. Il fait frais, pas un souffle d'air ne vient en rider la surface lisse comme un miroir qui reflète les montagnes et les rives boisées avec une perfection troublante. C'est à se demander si les pins à crochet qui couvrent les flans inférieurs ne poussent pas de la cime vers la racine...

AbletteComme d'habitude, captivée par le paysage, je n'arrive pas à marcher aussi vite que le groupe qui fait des pauses périodiquement et repart dès que je l'ai rejoint (et même avant). Si je n'avais pas les bâtons qui m'offrent une grande stabilité, j'aurais chuté des dizaines de fois, à garder le nez en l'air au lieu de regarder où je mets les pieds. Heureusement, Jean-Luc et Sylvie sont ralentis par le bébé, et Fereydoun filme avec sa caméra. Je m'amuse à repérer les petits poissons couleur sable qui évoluent dans cet univers glacé et translucide. Peu d'oiseaux viennent troubler le silence et seul le bruit de nos voix emplit l'espace, réfléchi par la surface du lac et les parois des montagnes.

Sylvie et FereydounAprès le plaisir du tour du lac, vient l'effort à la montée du premier col intitulé "de Madamète". Je transpire abondamment, m'étonnant d'avoir chaud et froid en même temps, à cause de la fraîcheur de l'air ambiant. En entrant dans la vallée d'Aure, nous avions remarqué des pans entiers de forêt roussis par la sécheresse et la canicule. A cette altitude, nous constatons seulement que les lacs les moins profonds ont disparu, laissant place à ces herbes particulières qui gardent la mémoire de leur emplacement. AvionQuant à la végétation, je la trouve normale, irriguée par de multiples ruisselets qui se répandent en marécages et tourbières par endroits. La bruyère fleurie ajoute une teinte discrète dans les roses et les mauves. Au col, un petit vent se fait sentir, et nous reprenons vite la route après un en-cas. Sylvie retourne en sens inverse avec Diana et bébé Luc : il a déjà le nez rougi par le froid et supporte une altitude qui peut être dommageable pour ses jeunes tympans. Elle se "contentera" de rester autour des deux lacs que nous venons de voir et rentrera finalement peu avant nous au gîte.

RefletsJean-Luc et Julien optent pour la grande balade avec nous. L'aspect de la vallée suivante diffère considérablement de celle que nous quittons. D'une altitude plus élevée, elle comporte beaucoup moins de forêts et la végétation est rase. Nous traversons un paysage minéral avant de découvrir, vers le fond, avant le second col, un lac et les vestiges d'un autre asséché. La lumière a changé. GrenouilleDes passages nuageux annonce déjà qu'il ne faut pas trop s'attarder. De la pointe du bâton, quelqu'un débusque une mini-grenouille de deux à trois centimètres de longueur qui s'immobilise sur un rocher, s'imaginant invisible, puis, titillée de nouveau, s'échappe en nageant dans le faible courant du ruisselet. J'aimerais voir isards et marmottes, mais la faune reste invisible, à part quelques papillons. Même les vautours se font rares, puisqu'ils ne peuvent voler qu'avec des masses d'air ascendantes.

Lac d'altitudeJean-Luc, qui s'est attardé auprès de Sylvie pour lui confier le bébé, répartir de nouveau la nourriture et lui donner les clés de la voiture, pour qu'elle puisse rentrer séparément, si nécessaire, et ne soit pas obligée d'attendre le groupe, nous rejoint tout essoufflé, le visage dégoulinant de sueur et le tee-shirt trempé : ne retrouvant pas le chemin que nous avons suivi, il a carrément coupé à travers la vallée dans la direction du col que lui avait indiqué Richard. Grandes fleurs aux pétales soyeuxAvec ses longues jambes et son habitude de la randonnée en solitaire, il n'a pas de problème pour s'orienter et avancer au plus court. D'ailleurs, il propose de franchir un chaos de grosses roches plutôt que de suivre le sentier qui nous fait descendre puis remonter en un long détour. Il s'engage, les enfants dans son ombre. Après une hésitation, nous y allons également, bien que ce ne soit pas le genre de terrain que je préfère : il faut avoir l'oeil et le pied vif, parfois franchir des vides d'un grand pas ou d'un saut, et progresser sur d'énormes rochers aux formes irrégulières détachés de la montagne. Heureusement, ils ne sont pas glissants mais, bon, je suis contente quand ça se termine. Dans l'air serein, un grondement lointain résonne : la civilisation passe au-dessus de nos têtes, matérialisée par un avion long-courrier qui doit voler à quelque 10 000 mètres d'altitude.

Petits champignons de bouses de vacheLa troisième vallée est située sur les hauteurs de la station de ski de Barèges que nous ne voyons pas. De nombreux promeneurs s'y trouvent déjà, certains installés à pique-niquer au bord du lac Dets Coubous. Nous descendons en grappillant des myrtilles qui foisonnent au milieu des rhododendrons et de la bruyère. Elles sont bien mûres, sucrées et juteuses, apéritif bien agréable pour les randonneurs. Jonathan et AnnaJe suis contente que nous ayons quelques jeunes avec nous : je pense que ces paysages immenses et leur découverte au rythme de nos pas influera positivement sur leur façon de penser. Cela les change de la télé, de l'ordinateur ou de leurs jeux électroniques. Evidemment, ce n'est pas très ludique, de marcher simplement et monter pour redescendre. Ils préférent les activités organisées (et payantes) du genre du parcours aventure, du canyoning ou du parapente, ou encore le ski de piste pour l'hiver plutôt que la randonnée en raquettes. Ils sont sportifs, mais il leur faut des "impressions", du risque, de la vitesse. Amateurs de sports collectifs, ils aiment être entre jeunes et s'activer ensemble. Enfin, à treize ans, ils acceptent encore sans trop rechigner de suivre leurs parents, mais cela ne va pas durer, je le crains.

Anna et Jonath'MyrtillesLe lac Dets Coubous où nous faisons la pause déjeuner me plaît infiniment. Moins spectaculaire que les premiers, moins majestueusement hiératique, il pallie les inconvénients d'un cadre moins impressionnant par un jeu de nuage sur le miroir de son eau tranquille où flottent de longues herbes, chevelure verte d'une ondine des cimes. Le nuage est arrondi, bien blanc, et son reflet semblable à une pleine lune démesurément agrandie me transporte, l'espace d'un instant, dans un monde magique.

Reflet d'un nuage lunaireLaissant le groupe sur son rocher, je descends près de l'eau où pêchent deux jeunes gens. Je voudrais essayer de photographier les libellules, jolies carnassières, qui sillonnent l'air au ras de l'eau, se poursuivent indéfiniment en une parade d'amour accélérée puis volent en couple, l'une au-dessus de l'autre, le mâle fixé sur l'abdomen de la femelle recourbé comme celui d'un scorpion. Parfois, elles font du sur-place, cherchant des yeux leur prochaine proie, puis elles repartent brusquement, propulsées par un battement d'aile puissant et sonore, crissement et claquement à la fois. Reflet agrandi du nuageDécidément, il ne faut pas traîner. Depuis Barèges s'élèvent des nuages, d'abord simples filaments éparses et traînées diffuses qui s'insinuent et montent insidieusement vers les cimes. Ils se pressent et s'assemblent, noircissent et s'amoncellent en virant dans une large spirale ascendante.

Fleurs de tourbières fanéesPendant ce temps, nous nous dirigeons vers le dernier col de La Hourquette d'Aubert (2498 mètres) par le GR10, sentier de grande randonnée qui va d'un bout à l'autre des Pyrénées. Les premières gouttes commencent à tomber au moment où la fatigue accumulée liée à l'altitude ralentissent ma marche : j'ai un voile devant les yeux, mes jambes sont lourdes et la respiration pénible ; mon coeur semble vouloir sortir de la cage thoracique. Je suis loin derrière les autres qui, au contraire, ont accéléré pour devancer l'orage. Jean-Louis m'attends, puis Jean-Luc qui redescend pour nous guider sur la fin du parcours. Ces petits désagréments physiques ne m'empêchent pas de profiter de la nature alentour. Je repère avec plaisir des petites fleurs cotonneuses de tourbières déjà vues en Ecoss et le pic du Midi de Bigorre avec son observatoire aux bulbes blancs.

NuageLe dernier lacLa bruine tombe par intermittence, et nous passons notre temps à enlever et remettre le k-way. Finalement, nous optons de le garder, tandis que des éclairs zèbrent l'espace au loin et que le tonnerre gronde. Le dernier versant est encore très différent : au cours de la balade, nous aurons vu quatre écosystèmes distincts. Nous descendons par palier et apprécions le dernier lac (Gourg de Rabas) en bordure de ravin, enchâssé dans l'enceinte des trois pics d'Aumar, d'Estibère et de Madamète, et qui me fait penser à ces piscines de luxe dans les films qui se terminent à ras de la terrasse avec vue imprenable sur la Méditerranée... Evidemment, c'est beaucoup plus beau ici. Un curieux effet de perspective me laisse imaginer que l'arrivée est toute proche (on voit déjà le lac d'Aubert en contrebas). Point du tout. Il faut encore marcher un long moment, sous la pluie de plus en plus serrée, pour rejoindre au plus court le groupe sur le départ. Nous attendons Jean-Luc, invisible. Il était pourtant devant nous, c'est curieux que personne ne l'ait vu. Il nous rejoint au bout d'un bon quart d'heure : ayant choisi le sentier qui longe le lac d'Aubert, il s'est arrêté pour nous attendre et, saisi par la beauté du paysage, s'est assis pour le contempler, insensible aux intempéries...

 

 

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