Nous
ne faisons pas que des randonnées de haut niveau. Parfois, une balade
tranquille est organisée de façon à partager notre amour
de la montagne avec ceux qui, d'habitude, ne peuvent nous suivre. Richard
nous a emmenés en convoi de 5 voitures jusqu'en haut du double sommet
du Gorra Mendi et du Gora Makil.
Il
est situé en Espagne peu après la frontière que l'on
franchit à Dancharia, en prenant sur la gauche après le col
d'Otsondo. Nous aurions dû y retrouver Sylvie et Jean-Luc que nous n'avons
malheureusement pas vus, et qui ont dû passer la journée tous
seuls, les pauvres.
Nous
sommes nombreux, puisqu'il n'y a pas de difficulté : petite randonnée
sur les crêtes, qui ondulent sans trop de dénivelés. La
benjamine, Rosa, a 3 ans et demi et notre doyen, Fereydoun, un âge déjà
vénérable. Démarrer du sommet a pour avantage primordial
de pouvoir profiter de la vue dès le départ. Bien qu'il fasse
un peu frais de "bonne heure" (10 heures 1/2), l'air est déjà
voilé d'une brume de chaleur qui estompe les sommets encore enneigés
à l'horizon, et nous cache le dessin de la côte à l'opposé,
où nous ne faisons que deviner la présence de la mer qui se
distingue à peine du bleu laiteux du ciel.
Richard indique aux néophytes les principaux
repères : la Rhune, surmontée de son antenne, les globes blancs
de l'Artzamendi, le sommet rocheux crénelé du Mondarrain, la
cime blanche du pic d'Orhy, les crêtes d'Iparla... et la barrière
inévitable des immeubles de la ZUP à Bayonne, plus visible que
les flèches de la cathédrale et les méandres de l'Adour.
Très
vite, les enfants se regroupent et prennent la tête du convoi. Ils découvrent
avec ravissement les pottoks qu'ils poursuivent pour le simple plaisir de
les voir prendre le galop, queue et crinière au vent. Ils ne vont pas
loin, habitués à la présence des promeneurs,
mais
les juments accompagnées de leurs poulains préfèrent
garder une distance prudente de ces petits humains agités et bruyants.
Le
sentier s'amenuise dans la descente parsemée de rochers, et plus d'un
trébuche, surpris par l'inégalité du sol et les dalles
branlantes. C'est l'occasion de rire et les moqueries fusent, tandis que chacun
regarde avec plus d'attention où il faut poser les pieds. Nous sommes
près de l'endroit où Jean-Louis
B., Richard et moi-même avions observé, par une chaude après-midi,
la sieste des vautours réunis en un groupe impressionnant d'une bonne
cinquantaine de têtes non loin d'un troupeau de moutons apparemment
impassibles.
Chacun
marche à son rythme, et nous faisons connaissance les uns avec les
autres, puisque de "nouvelles recrues" sont là, parents d'élèves
de l'école primaire où enseignent Richard et Xavier. Le bruit
court que l'un d'eux est un ancien champion de hand-ball, qui, très
modeste, ne fait état que de son métier d'éducateur.
Nous
retrouvons également Dominique, que nous avions lâchement abandonné
l'été dernier au bout d'une demi-heure de marche, car il ne
pouvait suivre notre rythme. Heureusement, nous nous étions rattrapés
la fois suivante, lorsque nous avions fait du canoë-kayak sur l'Eyre,
près du bassin d'Arcachon, où il se sentait nettement plus à
l'aise et c'est en visitant la ria d'Urdaibai près de Guernika que
Jean-Louis avait découvert à ses dépens ses talents de
joueur d'échec émérite.
Les
enfants ont déjà faim. Charlotte (surnommée "Cha-Cha")
n'attend pas le feu vert et entame déjà son sandwich tout en
marchant. Il faut bien ça, pour activer une motivation plutôt
faible pour la marche ! Richard, qui connaît bien les capacités
de son groupe, désigne le prochain bosquet comme lieu de pique-nique.
Chacun s'installe du mieux qu'il peut à l'ombre du feuillage encore
tendre et clair de cette fin de printemps. Gare aux ajoncs qui ne ménagent
pas les fesses ! Chacun a sa technique : Michèle étale le paréo,
la fille aînée de Pascale s'installe à l'écart,
les enfants parent au plus pressé puis s'égaient dans la pente
pour jouer à Tarzan dans les branches des hêtres.
Les adultes prennent leur temps et partagent
les victuailles. Chacun sa spécialité : j'ai apporté
comme d'habitude les cornichons Malossol à la russe, et le nougat acheté
à la venta La Pitxurri de Dancharia, célèbre par la chanson
du même nom entonnée lors des festivités ; Xavier présente
un véritable étalage de charcuteries variées, Sandrine,
qui a pensé au thermos de café (et au sucre en morceaux avec
la petite cuillère) est courtisée par Jean-Louis, Richard et
Xavier. Mahalia
propose à tout le monde une énorme plaque de chocolat aux noisettes
à moitié fondue - mais délicieuse tout de même,
personne ne fait la fine bouche -. Tout en mangeant mon sandwich, j'essaie
de saisir chacun sur le vif sur ma pellicule numérique.
C'est amusant de voir les diverses attitudes
des enfants face à un nouvel environnement. Certains explorent carrément
et font de nouvelles expériences, d'autres préfèrent
rester spectateurs, et les derniers ne s'engagent qu'après mûre
réflexion. La
benjamine, très entreprenante, est sommée, quant à elle,
de rester sous le regard protecteur de ses parents.
Elle
va d'un adulte à l'autre, l'oeil noir vigilant et autoritaire, et se
rebiffe quand sa tatie (Sylvie) la traite d'un mot leste. Son caractère
contraste avec celui de sa soeur aînée, apparemment bien moins
extravertie.
Balade tranquille (29 mai 2003) |