La cave de HaroIl fait toujours aussi beau. Nous traversons un petit parc avec un kiosque à musique, descendons par un escalier très raide le long d'un bâtiment en ruine et rejoignons le pont sur l'Ebre aux arches de pierre en plein cintre. Des cris d'animaux montent du marais en contrebas : des canards ? non, des grenouilles en quantité ! Sur l'autre rive nous longeons deux ou trois bodegas, l'une très fermée par de hauts murs et des grilles, l'autre qui invite le visiteur à entrer. Nous passons sous le pont de la voie ferrée. En remontant la route, nous voyons un beau bâtiment ancien, c'est là. Finalement, nous sommes les seuls visiteurs. Le ChilienAprès avoir patienté quelques minutes dans une salle d'attente aux allures de bureau, avec portraits des ancêtres, statue, tableau de la cave "en vue d'oiseau", diplôme, etc., un jeune homme vient nous guider dans le labyrinthe des sous-sols.

C'est un Chilien qui en est à l'origine. Alors qu'il était jeune homme, il est venu apprendre son métier en France, puis s'est associé à un certain Jeff pour investir en Espagne. La caveC'était vers 1877, époque où les viticulteurs français qui voyaient leurs vignes dévastées par le phyloxéra étaient à la recherche d'autres secteurs de production. L'Espagne faisait un vin très fruste, et le malheur de ses voisins fit son bonheur. Don Rafael López de Heredia y Landeta choisit soigneusement l'emplacement de sa cave. Haro disposait d'une colline rocheuse à l'aplomb de l'Ebre. Il la fit creuser avec les moyens de l'époque que l'on imagine, afin d'y aménager quelques 7000 m2 de caves sur deux étages. On voit encore sur le sol les rails sur lesquels roulaient les wagonnets pour l'excavation des roches qu'il fit tailler afin d'ériger au-dessus le bâtiment actuel. La voie ferrée toute proche a très probablement été installée là à son initiative, à moins qu'il n'ait bénéficié aussi de cet avantage à son arrivée.

Cigogne installée à l'extrémité d'une grueNous eûmes droit à un véritable cours sur le procédé de la vinification, tout en nous promenant devant des cuves énormes, puis des rangées et des rangées de tonneaux recouverts de filaments blancs, de même que les murs et les plafonds. HaroAu début, je pensais qu'il s'agissait d'une épaisse couche de toiles d'araignées, puis nous nous sommes rendus à l'évidence : étant donné l'humidité ambiante, nous étions au royaume de la moisissure, composition de champignons microscopiques qui se renouvellent par spores (et sont à l'origine d'allergies tenaces sous forme d'asthme dont n'étaient pas sujettes, à l'évidence, les personnes qui travaillaient là). Toits de Haro et la sierra enneigéeLe jeune homme était très clair et ne ménageait pas sa peine pour bien nous faire comprendre toute la difficulté de l'élaboration d'un vin de qualité et la nécessité d'un savoir-faire plus que centenaire. Je traduisais de mon mieux à Jean-Louis au fur et à mesure, afin qu'il puisse profiter de toutes ces explications exprimées en espagnol (nous n'avions le choix qu'entre l'espagnol et l'anglais ; Haro : pigeons amoureuxbien que nous soyions leurs plus proches voisins, les Espagnols prennent de moins en moins la peine d'apprendre notre langue - tout comme en France les jeunes Français sont incités également à choisir en première langue l'anglais, les autres langues étant plus négligées -).

A la fin, nous eûmes droit à une séance de dégustation dans une pièce légèrement moins fraîche où étaient préparés au bout d'une longue table en bois sombre quelques verres à pied, non loin d'une console sur laquelle trônaient les bouteilles de rouge, rosé et blanc. Haro : hirondelle et clocherAu centre, un lustre était tellement enfoui sous les filaments de moisissure que j'eus l'impression d'être transportée dans le tournage d'un film du genre Indiana Jones ou Fantômes dans un château écossais. Il ouvrit une bouteille de vin blanc déjà âgé de plusieurs années, en versa un peu dans chaque verre, le fit tourner deux-trois fois et le jeta : il nous expliqua que les verres étaient seulement lavés à l'eau pour qu'aucune trace de lessive ne puisse altérer le goût du vin. Puis il nous servit et nous le goûtâmes. Il fit de même avec du vin rouge, tout en poursuivant ses explications.

Nous sortîmes de là frigorifiés mais enchantés par l'originalité de cette cave et la science toute neuve que nous avions acquise. HaroNous reprîmes la voiture en direction du village de San Millan de la Cogolla et fîmes halte à Santo Domingo de la Calzada, également sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Le temps commençait à tourner, mais sans être encore véritablement menaçant.

Tout au long de notre périple, nous rencontrons quantité de pèlerins qui s'agglutinent aux relais moyennageux en fin de journée et longent parfois les routes avant de rejoindre les chemins piétons parfaitement entretenus. Santo Domingo de la Calzada ne fait pas exception et nous avons une pensée pour nos compagnons qui marchent pendant que nous visitons ces lieux historiques. Après un coup d'oeil à l'église, où j'admire une fois de plus les sculptures romanes, nous roulons droit vers les monastères de Suso (dessus) et Yuso (dessous).

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La Rioja alta

Séjour culturel 20-22 Mai 2004

Cathy et Jean-Louis