Qui
a dit qu'il pleuvait tout le temps en Bretagne ? Mises à part
les premières
heures de dimanche matin où Jean-Louis et moi sommes allés
visiter le Mont St Michel, nous avons eu l'impression
d'être en Corse : ciel bleu,
mer
d'huile, végétation
méridionale
et couleurs
et
formes
extraordinaires
de ces blocs de granit rose qui donnent un charme tout particulier
à cette côte septentrionale très découpée.
Le
voyage avait bien commencé, malgré quelques bouchons
sur le trajet, lorsque nous avons trouvé presque instantanément
l'hôtel
Venezia le bien nommé, au centre de Rennes, où nous avons
fait escale avant de rejoindre les autres à Lannion. Il est
situé sur une île
enserrée
par deux bras de la Vilaine bordés d'arbres.
La
ville semblait déserte, ses grands boulevards vides de toute
circulation alors que nous étions un samedi soir, les quelques
touristes concentrés rue Saint Georges, aux pittoresques maisons à colombage,
dont le rez-de-chaussée est occupé par des restaurants,
galeries d'art ou autres commerces. Les 50 000 étudiants (pour
212 000 habitants) ne devaient arriver qu'en septembre, et la population était
partie en
vacances.
Après
avoir pris un repas grec (!), nous avons déambulé jusqu'au
Parlement
de Bretagne (à l'époque de la construction
du palais - qui a duré 90 ans à partir de l'autorisation
en 1564 du roi Charles IX de l'édifier-, toute la
France
est alors
constituée
d'un réseau
de Parlements : il s'agit d'une Cour de magistrats propriétaires
de leur charge, une élite
sociale. Le
Parlement est donc une Cour de justice, instance d'appel jugeant
les affaires les plus importantes de la province).
Il faut préciser que la Bretagne n'a été rattachée à la
France qu'en 1532, auparavant, elle a été relativement
indépendante pendant 700
ans
(d'après
les sites consultés sur internet, et avec
beaucoup de péripéties
trop longues à raconter ici -cliquer sur "Parlement" souligné-).
Les hôtels
majestueux de pierre taillée
des parlementaires contrastent avec les maisons de bois et de pisé
des marchands du siècle précédent dont il reste
quelques exemplaires rue St Georges, malgré l'incendie en
1720 qui a ravagé la
ville essentiellement construite en bois. Sur la place du Parlement,
le
pavement ancien subsiste, zébré de
vestiges des rails d'un tramway qui disparaissent aux marges sous
le bitume.
Durant
ce séjour, nous apprenons à concevoir nos visites
en tenant compte de la marée. Cela débute avec le Mont
Saint Michel. On nous signale que, la marée haute étant
prévue vers 10 heures, il
faut y être dès 8 heures du matin pour assister à ce
phénomène connu
mondialement "d'une marée qui monte à la vitesse
d'un cheval au galop"
(non, ce n'est pas vrai, mais il est exact que la mer se retire à des
distances impressionnantes pour revenir insensiblement couvrir d'une
faible épaisseur d'eau saumâtre le delta envasé du
Couesnon qui se jette dans la baie au pied du Mont).
Comme
nous avons dormi à Rennes
et qu'il faut compter avec un trajet d'environ une heure, nous nous
réveillons
avant l'aube dans une grisaille humide plutôt décourageante
: la montée des
eaux sera sans doute peu visible et l'horizon perdu dans les brumes.
Reste la visite de l'abbaye. Si l'on fait abstraction de la foule
et des commerces "attrape-touristes", cet endroit m'a plutôt
heureusement surprise.
Le
village entouré de remparts est très joli, et l'abbaye
tout-à-fait intéressante à visiter, et même
spectaculaire, si l'on pense au peu de rocher granitique qui lui
sert de point d'appui,
tout
le reste du monument s'appuyant sur des murailles et des piliers
aux proportions herculéennes. Le cloître, sorte de jardin
suspendu, est situé à quelque
50 mètres au moins de la base des contreforts de pierre, et
s'ouvre par de vastes baies vitrées sur le paysage mobile
de vase ou d'eau suivant l'heure.
L'histoire du Mont St Michel est élégamment décrite sur le site internet (cliquer sur "histoire" souligné) avec de jolies illustrations. J'en retire une constatation similaire à celle que j'avais conçue lors de ma visite de Prague : la collusion certaine entre le pouvoir et la religion. Si le Mont St Michel est devenu le superbe monument que nous pouvons encore admirer aujourd'hui, c'est d'abord parce que Charlemagne, empereur d'Occident, a choisi St Michel pour protecteur de son empire (IXe siècle), et ensuite parce que Philippe Auguste, roi de France, a rattaché le duché de Normandie au domaine royal, favorisé des pèlerinages internationaux et royaux et financé l'agrandissement de l'abbaye (terminé en 1228), tandis que les Anglais laissaient l'accès libre aux pèlerins durant la guerre de cent ans. Et pourquoi le mont Tombe devient-il le mont St Michel ? Car St Michel est "le chef de la milice céleste, défenseur de l'Église, patron des soldats, vainqueur (à plusieurs reprises) du démon, (Michaël signifie «Qui est comme Dieu» en araméen, en référence à l'orgueil de Satan qui se voulait l'égal de Dieu), celui qui a combattu les anges rebelles et qui aura à combattre le Dragon de l'Apocalypse, il est également psychopompe, c'est-à-dire porteur de nos prières à Dieu et archange des archanges". Ce qui précède explique le fait que sa statue soit très souvent disposée au plus haut d'un édifice, comme ici, au sommet de la flèche abbatiale.
RETOUR | Page 1/5 |
![]() |
![]() |