Cette
vallée riante offre, à bien des égards, l'image
d'une montagne idyllique. De l'eau à profusion, qui
coule en torrents, rus ou ruisselets, s'épand en lacs étagés
petits ou grands, s'enfouit dans des gouffres ou des gorges pour sourdre
ensuite
en formant
des marécages spongieux ou pleins de tourbes, ou bien surgir
en cascades bruyantes dont l'écho amplifie le fracas contre
les roches aiguës.
Des
fleurs petites ou grandes, de toutes les couleurs, se dressent fièrement
ou s'étalent
au ras du sol. Des insectes butinent, volètent, courent ou
se terrent en guettant de leurs tibias dotés de tympans le son
grinçant émis
par leurs ennemis ou leur dulcinée (il s'agit des grillons
ou des sauterelles). Des oiseaux volètent en sifflotant dans
l'herbe bien tondue par les chevaux, mulets, vaches ou moutons, ou
font de la voltige
bruyamment
(Jean-Louis B. s'imagine en pleine guerre des étoiles, lorsque
DarkVador se bat contre SkyWalker, car le bruitage des
épées-laser lumineuses du film ressemble à s'y
méprendre au cri des
choucards dans les falaises), ou planent dignement et calmement entre
les montagnes.
Nous
trouvons le gîte d'Ayous changé, totalement rénové et
tenu impeccablement par le gérant appointé par le parc
national (d'ordinaire, les gîtes
sont gérés par le CAF -club alpin français- qui
semble, aux dires de Max qui en a fréquenté plusieurs
lors de ses sorties d'escalade, beaucoup plus laxiste). Le toit de
planches biseautées nous étonne et nous ravit
par son originalité et sa beauté, bien que Max les juge
peu appropriées,
en voyant qu'elles se rebiquent déjà sous
l'effet
des
intempéries et se fendent dans le sens de la longueur. Bien
sûr, elles
se recouvrent les unes les autres, formant deux ou trois épaisseurs
superposées, mais la protection à la pluie semble précaire.
Nous remarquons les
panneaux solaires aux reflets bleutés qui fournissent l'électricité,
aussi bien
pour l'eau chaude, sans doute, que la télé dont l'antenne
est munie d'un
panneau
individuel.
De
profonds casiers servent de rangement pour les sacs à dos tandis
que des étagères dans le sas d'entrée sont prévues
pour les chaussures de montagne, afin de ne pas salir l'intérieur.
Le personnel dans la cuisine fermée de vitrages transparents
nous offre un café reconstituant que nous prenons sur la terrasse
face au lac tandis que d'autres randonneurs déjeunent à l'intérieur
sur de longues tables rectangulaires flanquées de bancs de bois.
Se
promener d'un lac à l'autre est
toujours un enchantement, et le parcours nous fait découvrir
la vallée
sous
tous ses angles (mais toujours du même côté du Pic
du Midi d'Ossau, dont il faudra de nouveau reprogrammer une autre fois
le tour, également
spectaculaire mais plus sportif, avec davantage de dénivelé et
deux fois plus de
distance.
Après
le lac aux petits poissons voraces, nous nous trouvons devant un lac
aux eaux transparentes dont les bords
sont emplis d'amas noirâtres. Ce sont des têtards, les uns sur les
autres, apparemment dans la même position que l'étaient les oeufs pondus
par leur mère (ou plutôt les ovules, fécondés extérieurement par le
mâle). Si notre ombre se déplace au-dessus d'eux, ils se mettent à
frétiller d'angoisse, chacun bougeant de place, mais l'amas
restant globalement toujours aussi dense : cela fait un effet bizarre.
Certains sont un peu plus développés que d'autres, de petites pattes bien formées de part et d'autre d'une queue encore longue, parfois devenue quasiment translucide (les pattes de derrière se développent en premier, en principe au bout de six semaines, si les conditions météorologiques sont favorables, et celles de devant au bout de neuf semaines). Des bulles surnagent, on dirait de gros yeux, ou bien est-ce la fonction de respiration aérienne qui se met en route ? Des corps difformes, au ventre protubérant blanchâtre, semblent près d'exploser : sont-ils malades, mourants, ou bien est-ce la métamorphose du têtard en grenouille qui passe par ces drôles de stades ? Je n'y comprends rien.
Je
me demande toujours comment il est possible que des poissons subsistent
dans ces lacs d'altitude gelés
en hiver, totalement pour les moins profonds, s'ils meurent chaque
année, ne laissant que des oeufs enfouis dans la vase en attente
du réchauffement des eaux, ou bien s'ils entrent en létargie,
en hibernation, en attendant des jours meilleurs. La question est la
même pour les batraciens, tout aussi dépendants d'eaux
libres de toute glace pour vivre.
D'après
mes lectures, que ce soit une ablette, un goujon ou un vairon, ce petit
poisson vit plusieurs
années, se réfugiant en hiver au fond du lac, et vivant
de larves d'insectes, d'algues, de crustacés et même d'insectes
gobés à la surface de l'eau. Quant aux grenouilles, seul
le têtard ne peut subsister hors de l'eau, et sa métamorphose
de l'oeuf à la grenouille dure les quelques semaines d'été (plus
ou moins rapide suivant la température). La grenouille vit plusieurs
années.
L'observation de ces êtres curieux me fait penser à la "mare aux monstres" de Jean Rostand (fils d'Edmond Rostand le dramaturge) à Pouydesseaux dans les Landes, ce biologiste qui étudiait, entre autres choses, justement les défauts de développement et les malformations des grenouilles, et dont on peut toujours visiter le lieu de recherche en plein air, où l'on voit sur les rives des étangs des plantes carnivores grandes mangeuses de moustiques. La fin de la promenade s'accompagne d'une dégradation progressive du temps, et nous terminerons la garbure que nous dégustons à Laruns le soir avec les premières gouttes de pluie de la journée... Quelle chance nous avons eue !
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Balade du mercredi 31 août 2005 |
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Participants : Jean-Louis, Cathy, Max et Jean-Louis B. |
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Jean-Louis a conquis son pic ! (accompagné de Max) |