Levés en silence dans le dortoir endormi du refuge dès 6h du matin, nous regardons un moment le ciel étoilé devant la porte avant de prendre le petit déjeuner. Puis, vers 7h, nous commençons la marche dans la vallée glaciaire encore plongée dans l'ombre, alors que les cimes commencent à peine à se teinter de rouge. Le paysage est somptueux, l'air calme et le ciel limpide, alors qu'une fraîcheur mordante annonce déjà l'automne. Je ne suis pas assez équipée, contrairement à Richard qui enfile gants de laine et anorak, mais l'ascension à pas lent vers le col de la Hourquette d'Ossoue puis le Petit Vignemale ne tarde pas à échauffer les muscles. Le lac de Gaube luit doucement dans la vallée dans son écrin de montagne. A notre droite git la chute immobile du petit glacier nord.

Ensuite, nous verrons le grand glacier du Vignemale situé à l'est. Vu ainsi, en surplomb, avec des files de randonneurs qui le traversent, il paraît beaucoup moins impressionnant que nous ne l'imaginions. Il faut quand même 2 heures pour atteindre le pied du Vignemale avec crampons et piolets. Ce sera pour une autre année peut-être. En attendant, le petit Vignemale nous suffit bien et nous offre du sommet une vue panoramique magnifique.

Nous partons très vite après le pique-nique au refuge pour faire la longue descente par la vallée du Marcadau. Serge proposait une randonnée plus courte mais plus fatigante par un vallon sauvage dépourvu de sentier, en passant par une haute brèche escarpée. Avec le Petit Vignemale déjà dans les jambes, nous avons tous opté pour l'option longue mais facile, moins minérale et agrémentée de lacs d'émeraude où se reflètent les montagnes. Serge craignait que le bas de la vallée ne soit trop fréquenté, mais vue l'heure tardive à laquelle nous descendons, les promeneurs sont rares.

C'est la première fois que nous faisons une randonnée d'une telle ampleur : 14 heures, pauses comprises, de 7h à 21h. Evidemment, nous sommes beaucoup moins efficaces dans les dernières heures. Fatigués, Xavier est affligée d'une grosse ampoule et de douleurs aux pieds, moi d'un début de déchirure musculaire à la cuisse, nous ralentissons considérablement le rythme. Seuls Richard et Serge ne marquent aucun signe de fléchissement. Tout juste s'ils n'accompagneraient pas un moment le jeune homme qui parcourt la montagne en footing autour du refuge Wallon. Au lieu de nous baigner au lac de Gaube, Richard, Jean-Louis Bessou et moi faisons quelques brasses dans le lac très froid (sans doute 10°C) d'Arratille. Cela nous détend, mais je crains en m'éternisant de bloquer mes muscles. Il est entouré de quantités de marmottes qui s'égayent à notre arrivée dans leurs terriers nichés dans des anfractuosités sous les rochers.

A partir de ce lac, la vallée se transforme en alpages, plus ou moins marécageux sur le plat où serpente le torrent, puis de nouveau rocailleux, avec les pins sylvestres ou à crochets qui rivalisent pour soutenir la montagne dont les rochers dévalent les pentes sous l'action des intempéries et des avalanches et gisent dans des positions instables, enserrés dans les racines des arbres ou bien appuyés contre eux. C'est étonnant. L'humus paraît inexistant, le sol stérile et dur, et pourtant les plantes poussent, un vrai miracle. Serge, qui revient d'une randonnée dans l'Atlas marocain non loin de Marrakech, évoque le souci des Berbères qui ont, par nécessité, coupé trop d'arbres dans leurs montagnes et voient désormais l'érosion et le ravinement détruire et emporter la maigre couche de terre arable qu'ils cultivent en terrasses. Ils sentent l'urgence d'une politique de reboisement, mais manquent évidemment de financement pour travailler sur le long terme alors que le quotidien prend toute leur énergie.

Au fur et à mesure que nous progressons lentement vers le fond de la vallée, celle-ci verdit, le torrent grossit et s'enfonce dans un très joli canyon, et le sentier bénéficie d'aménagements de plus en plus visibles pour faciliter la marche de promeneurs non aguerris et les canaliser pour qu'ils ne piétinent pas trop les alentours. Au tournant d'une boucle plus large, je surprends un groupe d'isards descendus de la forêt qui borde le sentier pour boire au ruisseau qui le traverse. Interdits, ils restent un moment immobiles, puis l'un d'eux réagit et fait volte face pour disparaître en trois bonds, entraînant dans sa fuite les autres. Un seul, plus jeune, au pelage brun très foncé et la silhouette très fine, se perche quelques instants sur un gros rocher pour nous observer, puis il s'échappe à son tour vers les hauteurs à travers les frondaisons...

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Aragon : Facha Tormosa de Pineta
Vallée de Cauterets : Lac de Gaube, petit Vignemale et Vallée du Marcadau
Cathy et Jean-Louis, puis Richard, Serge, Jean-Louis B., Xavier, Max, Michèle et Julien