Nous
avons eu l'impression de déranger, aujourd'hui : la route qui menait
au col de Meatze comportait un panneau mobile "Attention, tir à balles",
et l'homme flanqué d'un bâton qui paraissait surveiller ses vaches
dans
le pré
depuis le milieu de la route s'est à peine retourné pour lancer un
"ouais" à
Richard
qui s'enquérait de la route. Au fur et à mesure que nous montions,
des voitures garées sur le côté signalaient la présence de chasseurs
que
nous apercevions parfois, armés de fusils,
les plus âgés en tenue de camouflage.
Bien sûr, pas un bonjour, on nous jetait un regard peu amène ou nous
étions
ignorés purement et simplement : des gêneurs, nous étions visiblement
de trop, et en plus chez eux.
Arrivés
par Saint Etienne de Baïgorri, puis Banca, nous avons gravi continûment
la montagne jusqu'à un
col voisin de l'Adarza, afin de n'avoir à marcher que sur les crêtes.
C'était le temps idéal, un ciel clair animé de passages nuageux, la
brume bloquée dans un fond de vallée, un vent du sud un peu frais et
très violent sur les hauteurs qui nous faisait parfois vaciller, un
soleil vif encore pour
la saison
qui nous réchauffait sur les flans abrités des bourrasques et un paysage
aux couleurs chaudes, à dominante rouille des fougères en train de
faner,
où contrastaient
le vert éclatant
des
prés
bien
arrosés par les pluies de la semaine passée et le vert sombre des hêtraies.
Nous
nous sommes garés près d'un alignement de panneaux solaires dressés
derrière des barbelés et reliés à une petite cabane
technique : à quoi pouvaient-ils bien servir, dans un lieu si isolé,
près d'un parc à trier les moutons ?
Nous
reconnaissons autour de nous les pics familiers : les Trois Couronnes,
l'Artzamendi, les crêtes
d'Iparla, l'Autza, le Gorramakil, et, de l'autre côté, le pic d'Orhy
encore ceint au petit matin d'une écharpe de nuages. Dans la vallée,
Richard nous désigne Saint Jean Pied de Port. Très loin vers l'Espagne
se dressent des éoliennes sur les ondulations du relief.
Le
souffle du vent emplit nos oreilles, mais on distingue le pépiement
d'oiseaux invisibles tapis dans les touffes d'herbe ébouriffées.
Un long scarabée noir aux reflets métalliques avance péniblement dans
les ornières creusées par le passage des troupeaux de brebis.
Au-dessus
de la forêt d'Haïra quelques coups de fusil claquent, aussitôt assourdis
par les rafales qui emportent le son. L'automne se mesure à la longueur
de nos ombres, immenses, qui s'étirent vers l'aval. Les pottoks broutent,
impassibles, de part et d'autre des barbelés qui marquent la frontière
avec l'Espagne. J'imagine que cette barrière n'existe que pour délimiter
les pâturages et éviter que chevaux et brebis ne se mélangent, puisque,
de loin en loin, sont installés des escabeaux pour le passage des gens.
Michèle, Richard, Cathy et Jean-Louis | Col de
Meatze - Adarza |
8 octobre 2006 |