TardajosLa sortie de Burgos par l'ouest nous a semblé moins longue et plus agréable que l'entrée orientale, parsemée d'usines et d'entrepôts. Des parcs et de grands arbres aéraient des rues calmes bordées d'anciennes maisons, jusqu'à l'université dont les étudiants sortaient juste pour prendre le bus. Seul mercredi 1er novembre est férié, les enfants ne sont pas en vacances en même temps que les nôtres.

TardajosA cette époque tardive de l'année, les pèlerins sont peu nombreux, et nous ne rencontrerons qu'une Allemande de Munich affublée de deux sacs, un devant et un derrière, qui se plaint évidemment de mal de dos (elle est trop chargée), un Italien qui nous recroisera en sens inverse le lendemain, forcé d'interrompre son périple en raison d'une vilaine infection au tibia. Nous en verrons un autre en robe de bure serrée à la taille par une cordelette à noeuds, grand échalas barbu en train de soigner ses pieds abîmés par les longues marches. Une troisième aura été obligée d'acheter un vélo à Burgos pour ne pas être retardée par ses douleurs persistantes aux tendons qui ralentissaient sa marche. Pas solides, les Italiens ! Un couple d'Espagnols (?) voyage également à vélo en tirant leur très jeune fils dans une remorque : je le plains beaucoup, les pistes sont caillouteuses et inconfortables pour lui, et je comprends qu'il pleure continûment le premier soir où nous le voyons dans l'"albergue" de pèlerins d'Itero car il doit être très fatigué par les cahots.

La première après-midi, il nous arrive deux petites mésaventures. Faisant halte sur un pont au milieu d'un nulle part où de vastes chaussées sont en train d'être aménagées -un futur quartier créé de toutes pièces, sans doute-, Jean-Louis retire son pull et l'oublie sur la rembarde. Plus d'une demi-heure après, il s'en aperçoit et veut aller le récupérer. Nous abandonnant au milieu de champs malodorants qui viennent d'être arrosés de purin, il fait demi-tour en courant, nous laissant son sac à dos. Le problème, c'est que la signalétique est très bonne pour les pèlerins qui vont à St Jacques, mais totalement inexistante pour ceux qui en reviennent. Jean-Louis retourne bredouille, penaud de nous avoir retardé pour rien.

De nombreuses "albergues" sont fermées en cette fin d'automne, et maints villages n'offrent ni gîte ni couvert (nous n'y voyons également aucun commerce, ils doivent être approvisionnés par camionnettes itinérantes). Nous faisons halte vers les quatre heures devant un premier gîte où nous demandons si le suivant est ouvert. Le tenancier, désireux de nous garder pour la nuit, laisse planer le doute et insinue qu'une épidémie de punaises de lit s'est propagée de la Navarre jusqu'à St Jacques, obligeant bon nombre d'"albergues" à fermer pour se désinfecter... Richard piaffe : il est venu ici pour marcher, nous avons perdu une heure malencontreusement, et il ne se voit pas interrompre déjà la marche dans un endroit parfaitement isolé qui ne présente de plus aucun intérêt touristique. Nous passons quelques coups de téléphone et finalement nous annonçons notre arrivée au village suivant, où l'on nous précise bien que l'unique restaurant ferme à 19h30, il ne faudra pas arriver trop tard, sinon pas de dîner !

Je ne suis pas capable de marcher aussi vite que mes quatre compagnons. Jean-Louis B., Max et Richard arrivent à 6h30 où ils sont attendus par un couple âgé qui nous guette. Ils installent les affaires au gîte et investissent le restaurant pour faire patienter la cuisinière. 20 minutes plus tard, nous arrivons dans le noir, juste à temps pour commander notre dîner. La propriétaire, mal embouchée, nous lit chaque ligne du menu en la ponctuant d'un NO ! sonore : elle tient à nous montrer qu'en cette saison, il ne faut pas faire les difficiles et qu'il faudra nous contenter de ce qu'il y a (pâtes ou salade mixte, lomo ou boulettes "albondigas" infectes). Fatiguée par cette première longue marche, j'ai les muscles endoloris qui commencent à se durcir. Désireuse de bien récupérer pendant la nuit pour être en forme pour les trois jours à venir, je prends un cachet de Décontractyl. Notre hôtesse fait tout un cinéma pour nous dire qu'il faut boire son vin, qu'il n'est pas question de nous apporter de l'eau, etc.

J'en bois un demi-verre, et très rapidement, je sens la tête qui me tourne. D'abord seulement gaie, je me sens ensuite devenir nauséeuse, je ferme les yeux sans pouvoir terminer ma bouchée de boulette, et m'évanouit sans crier gare... Je me retrouve par terre, les pieds en l'air sur ma chaise, et la tenancière métamorphosée, aux petits soins pour me permettre de récupérer. Au bout d'un moment, je me rassieds et dois me rallonger en catastrophe, saisie par des vomissements convulsifs : une véritable intoxication due au mélange alcool-médicament très mal supporté par mon foie. Elle veut prévenir le médecin, me faire aller à l'hôpital et je refuse tout, je sais parfaitement ce qui m'arrive, il suffit d'attendre que cela me passe ; elle insiste, et demande qui refuse, le mari ou moi ? Elle a peur que l'on veuille ma mort ! Enfin, soutenue de part et d'autre par Jean-Louis et Richard, je réussis à atteindre mon lit à quelques maisons de là, et je récupère lentement au cours de la nuit. Le lendemain, plus de courbatures, je marche de nouveau sans problème. Mes compagnons m'interdiront seulement et le Décontractyl, et l'alcool : je leur ai fait une sacrée peur !

 

Page 2/4

 

Richard, Max, Jean-Louis B., Cathy et Jean-Louis
Sur les chemins de St Jacques de Compostelle
Mardi 31 octobre au vendredi 3 novembre