Voici en préambule un résumé succinct de passages que j'ai jugé intéressants du site espagnol des Bardenas Reales (indisponible apparemment en d'autres langues).

1968 marque la première prise de conscience à l'UNESCO de la nécessité de la conservation et de l'usage rationnel des ressources de la biosphère. Cette conférence est à l'origine du Programme MaB (Man and Biosphere), coopération scientifique internationale pour résoudre sur le plan pratique le problème de la gestion des ressources et qui établit comme corollaire indispensable la participation des communautés locales à cette réflexion. "Comment conserver la diversité des plantes, animaux et microorganismes qui rendent notre biosphère habitable ? Et comment satisfaire dans le même temps les nécessités matérielles d'une population toujours plus nombreuse ?" Suivent d'autres réunions internationales, à Minsk en 1983, à Rio en 1992, à Séville en 1995, qui mettent en place le concept de Réserve de la Biosphère dans lequel s'inscrit à partir de 2000 la Réserve des Bardenas Reales.

Les trois principaux objectifs en sont : 1) la conservation des paysages, des écosystèmes, des espèces et de la diversité génétique ; 2) le développement durable ; 3) la connaissance scientifique et l'appui logistique à des projets de démonstration, éducation et apprentissage sur l'environnement, et de recherche et observation permanente en relation avec les questions locales, régionales, nationales et mondiales de conservation et de développement durable.

Ce statut de réserve naturelle n'est pas assez annoncé par une signalétique bien visible à l'entrée des deux principales pistes et aux alentours des sites vraiment caractéristiques. Il devrait y avoir au moins le rappel de rester dans des pistes tracées pour épargner cet habitat fragile, et celui de ne rien cueillir ni prélever (plantes, minéraux ou animaux). J'imagine qu'une étude est en cours pour analyser l'impact des cultures traditionnelles sur l'environnement. Le degré très important d'érosion est peut-être accéléré par des terres laissées à nu entre récolte et semis, et les moutons sont connus pour manger les herbes très ras, ce qui ne leur fait pas forcément du bien avec un climat aussi aride ? Rose et Pierre ont remarqué une nette augmentation de la fréquentation touristique, induite peut-être par cette classification en réserve naturelle, effet pernicieux qui risque d'ajouter un facteur de dégradation supplémentaire.

Les Bardenas Reales sont un territoire géré depuis le XVIIIe siècle par la Communauté de Bardenas qui regroupe 19 villages, plus les Juntas (Assemblées) des vallées pyrénéennes de Salazar et Roncal et le Monastère de la Oliva. Ceux-ci ont acquis des droits d'exploitation agricole et d'élevage en vertu de concessions royales obtenues au cours des siècles. Ce système juridique particulier s'est traduit par des Ordonnances qui régulent les activités humaines dans les Bardenas. Le territoire de la Réserve coïncide avec le Parc Naturel éponyme, et il y a à l'intérieur deux Réserves Naturelles et deux Zones de Protection Spéciale pour les Oiseaux. Le site passe sous silence la présence d'une zone militaire (polygone de tir) qui barre presque la réserve en deux, et qui effectue en semaine des essais aéronautiques plutôt bruyants, paraît-il, paramètre qu'il faut intégrer pour voir la complexité de la mise en place d'une protection efficace des sites...

Photos : Mis à part le schéma ci-dessus, je les ai toutes prises pendant ces deux jours. Ci-contre, il s'agit de traces d'animaux trouvées le long d'un des ruisseaux aux eaux presque stagnantes, sur le limon humide des berges. La première doit être celle d'un grand échassier qui a longé le cours d'eau sur une cinquantaine de mètres, ses traces font une quinzaine de centimètres de longueur. Les deux autres sont plus petites (6-8 cm).

Se balader en groupe est une savante alchimie, où chacun bénéficie de la compagnie (joyeuse) de tous, mais tente également d'y trouver son compte sur le plan individuel, et connaissant la variété infinie des goûts et des couleurs..., ce n'est pas chose facile. Nous faisons donc un agréable mixage de sport, tourisme, découverte, détente, exploration, exploits et expériences diverses en restant globalement miraculeusement groupés, grâce à l'amitié et l'envie d'être ensemble. Les très sportifs se défoulent aux endroits périlleux et aident les moins aguerri(e)s quand elles sont en perdition : pas de concours de vitesse ni d'endurance donc, pour ce week-end, seulement du plaisir, même si certains ont un peu rongé leur frein et d'autres ont eu quelques courbatures.

"La terre pleure", remarque Max. Nous voyons en effet l'argile jaune apparemment fixée dans un écoulement figé le long des parois abruptes, comme une pâte à beignet visqueuse qui forme par endroits alvéoles ou cavités de tailles et de formes variées, très curieuses à observer. La géologie des Bardenas est fort intéressante : elles sont situées dans la partie Nord de la Dépression de l'Ebre, formée exclusivement de matériaux du Tertiaire et du Quaternaire, d'origine non pas marine, mais continentale, fluviale ou lacustre, déposés depuis l'Eocène (38 millions d'années) jusqu'à nos jours. Les mouvements orogéniques alpins du Tertiaire sont responsables de l'érection des Pyrénées et de la Cordillère Ibérique, tandis qu'entre les deux s'enfonce progressivement l'actuelle Dépression de l'Ebre.

Les strates alternent, roches dures issues des deux montagnes avoisinantes (conglomérats, grès), ou de la cuvette (argile, calcaire, gypse), ou enfin des fonds fluviaux et lacustres (argile, limon, sable). Julien se réjouit de trouver de fines lames cassantes presque transparentes, mais que l'on retrouve aussi en blocs blancs veinés plus ou moins importants (gypse ou sel gemme ?). Le bord des cours d'eau et des mares est souvent recouvert d'une couche blanchâtre, croûte de sel gemme remonté sans doute des profondeurs par infiltration. L'eau de surface est limpide, mais l'érosion est si forte que les particules très fines de limon et d'argile jaune restent en suspension et la troublent dès qu'on la remue. Richard ne résiste pas à la tentation d'un bain de boue dans un canyon pittoresque et ensoleillé, il en ressort tout crotté !

La localisation des Bardenas induit un climat méditerranéen continental, avec une faible pluviométrie limitée autour des équinoxes, avec des pluies violentes mais brèves. Résultat, alors qu'il pleut partout à verse dans le sud de la France et l'Espagne du Nord-Ouest, nous nous trouvons relativement épargnés le samedi, et nous sommes gratifiés d'un soleil radieux et d'une température de 27°C le dimanche, pratiquement sans vent. Nous nous promenons donc au milieu d'odeurs de thym, romarin, camomille et mille autres senteurs estivales : un vrai dépaysement, à seulement trois heures de route d'Anglet.

Ce qui continue à m'étonner, même lors de cette deuxième visite, c'est ce paysage étagé en plateaux sur différents niveaux : un relief aussi bien en hauteur qu'en profondeur, où les agriculteurs arrivent, de façon certainement plutôt acrobatique, à en cultiver les moindres parcelles planes. Nos mollets frôlent les barbes douces des épis de blé presque mûrs qui frémissent et crissent dans la brise légère. Rose, toujours très proche des choses de la Terre, nous en fait goûter les graines vertes, juteuses et goûteuses à souhait, un peu comme des grains de jeunes épis de maïs doux fraîchement cuits. Sur un plateau plus haut, nous dégusterons des petits pois logés dans de courtes gousses de 5 cm de longueur, mais bien remplies, sans doute des pois de senteur. Cela me fait revenir à mon enfance, à l'époque (lointaine) où j'aidais ma mère à en écosser, et j'en mangeais plus que je n'en mettais dans la casserole. J'appréciais pareillement les haricots verts crus que l'on me faisait équeuter, alors que cela fait des années maintenant que je n'achète plus, par paresse et manque de temps, que des petits pois et des haricots en boîte, qui n'ont rien à voir avec les produits frais, quel dommage !

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Participants : Richard, Xavier, Max, Michèle, Julien, Jean-Louis B., Elisabeth, Pierre S., Rose, Jean-Louis, Cathy
Las Bardenas Reales
25 au 27 mai 2007