Les
villes françaises se sont énormément embellies depuis une trentaine
d'années : maîtrisant mieux la circulation et
le parcage des voitures, de vastes quartiers deviennent plaisants à
parcourir à pied et les propriétaires n'hésitent plus à ravaler
les façades. C'est le cas de Périgueux dont les maisons
moyennageuses ou Renaissance recèlent des cours intérieures et des
escaliers ajourés
dont nous n'aurons qu'un faible aperçu, car il pleut à verse le lundi
matin de notre visite.
La
veille, nous avons quand même profité avec Philippe, Camille et Michel
des bords de l'Isle que l'on peut traverser à l'ancienne, sur un bac
que l'on fait mouvoir en tirant sur un câble lorsqu'on est dessus,
ou bien en actionnant une manette depuis la rive. Les rouages étant
très bien équilibrés et huilés
,
la manoeuvre n'est pas du tout pénible malgré la taille
de l'embarcation.
L'après-midi, le temps s'améliore suffisamment pour
nous permettre de visiter le "Jardin imaginaire" de Terrasson, petite
ville caractéristique du Périgord noir, avec ses toits d'ardoise amenée
autrefois en gabarre sur l'Isle depuis les carrières de la Corrèze
toute proche, son église énorme et ses châteaux dont l'un se détache
à flan de colline dans un écrin de verdure. La guide du jardin nous
fait remarquer le gabion, technique récente qui consiste
à enserrer
des
pierres dans un grillage pour la décoration, le soutien de talus ou
de berges artificielles. Les
plantes ne sont pas toutes autochtones, comme cette akébie d'Asie orientale
d'où pendent
des "lanternes vénitiennes" qui enferment quelques graines dans leurs
alvéoles qui noircissent
en séchant.
L'accent
a été mis sur le thème de l'eau qui court sur des dalles ocres éclaircies
par le chlore, jaillit d'un espace
pavé pour recréer l'arc-en-ciel (à condition qu'il y ait du soleil)
ou saute en cascades harmonieuses au sein d'une profusion de verdure
et de fleurs dont les teintes font volontairement écho à celles
du bourg en contrebas. Une
collection de papillons et autres insectes est présentée dans un
espace sous verrière intégré dans le parc.
Leurs
corps épinglés me provoquent un pincement de coeur, vies sacrifiées
pour leur trop grande
beauté qui a attiré l'oeil du naturaliste.
Des
totems ou masques africains et asiatiques à l'effigie d'araignées ou
de mantes avoisinent
des assortiments d'ambre
dorée (résine fossilisée du nord de l'Europe) ou de copal couleur
champagne (résine fossilisée d'Afrique ou d'Inde) qui enferment
des insectes à jamais figés dans leur lutte contre la mort. Ces
objets de culte ôtés à leurs tribus d'origine me dérangent toujours
un peu : sortis
de leur contexte, ils nous intéressent par leur aspect insolite,
nous donnant à bon compte un sentiment de supériorité sur
ces populations "primitives", regard porté au
XIXème siècle mais qui perdure au XXIème, malgré l'abolition théorique
du colonialisme dont sont issues les sociétés multinationales
qui poursuivent la mainmise sur le Tiers Monde.
Cela
me rappelle ce livre que j'ai lu l'an dernier "El negro y yo" (le nègre
et moi) qui relatait le choc d'un jeune étudiant découvrant dans un
petit musée d'un village retiré de Catalogne le corps empaillé d'un
Africain exposé parmi des restes d'animaux. Et toujours cette question
récurrente
de savoir qu'est-ce que l'Homme, qu'est-ce qui le différencie d'un
animal, à partir de quand peut-on décider que tel fossile appartient
à l'humanité
(squelette
de Lucie, homme de Néandertal, et autres humanoïdes de la préhistoire),
et quel est le destin des humains au sein de l'évolution
telle que nous la concevons aujourd'hui et qui met en exergue la constatation
que nous sommes une espèce excessivement jeune et récente ?
A ce propos, lors des toutes dernières analyses génétiques
d'ossements de Néandertaliens, il
semblerait (sous toute réserve) qu'une partie de ceux-ci se seraient
unis aux homo sapiens arrivés d'Afrique,
ce qui expliquerait l'écart de nos gènes par rapport à ceux des Africains.
Si cela s'avère exact, voilà qui devrait rabattre le caquet d'un orgueil
mal placé : ce n'est pas une alliance avec des singes, mais au début,
c'est bien ainsi que les Néandertaliens étaient considérés, empreints
de bestialité et soit disant dépourvus de la capacité de
parler et de communiquer de façon "évoluée" (-comme nous-).
En redescendant du Jardin imaginaire, je découvre
sur la place un ouvrier qui y fabrique un toit : le charpentier a d'abord
construit à même le sol la charpente qu'il a recouverte d'une bâche
sous laquelle travaille le poseur d'ardoises qui les retaille avec
un instrument
particulier qui
ressemble à un petit pic pour les mettre à la bonne
forme et les cloue sur les planches. Lorsqu'il sera terminé,
le toit sera soulevé et déposé au sommet de la
petite tour carrée
d'une maison en bordure
à l'aide d'une grue. L'ouvrier commente que cela évite
de mettre des
échafaudages, mais je pense in petto que cette nouvelle technique épargne
aussi des vies.
Illustrations : Fleurs, fruits, papillons, masques du Jardin imaginaire de Terrasson, cathédrale et bac de Périgueux, village et château de Terrasson, fabrication d'un toit.
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Périgord noir |
Cathy et Jean-Louis, du 22 au 27 août 2007 |
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