En
Périgord, l'accent a été mis sur l'histoire :
chaque visite permet d'en apprendre un petit bout de manière
très vivante.
Les guides sont très bien formés, prennent leur temps,
et nous entretiennent pendant une heure à une heure et demie
de la petite et de la grande histoire, émaillant avec métier
leur récit d'anecdotes et répondant
dans la mesure de leurs connaissances à nos questions avec une
grande affabilité.
En
ce qui concerne le château de Beynac, nous passons alternativement
d'une partie élaborée au XIIème, à une
autre du XIIIème et la dernière
du XIVème, le guide nous explique l'évolution des moeurs
d'un siècle
à l'autre. J'y apprends l'influence des croisades sur l'architecture
: il nous montre des fenêtres géminées directement
inspirées de Byzance
et un sol de pisé (c'est à dire comme à Pise en Italie) composé de
galets oblongs enfoncés
verticalement dans un ciment de terre ocre qui peuvent composer une
véritable mosaïque
au sol fort élégante et solide. Le problème, c'est
le poids, et le seigneur a voulu montrer sa puissance et sa richesse
en le mettant
au premier étage, soutenu par une solide voûte en ogive à l'étage
au-dessous.
Au début, les pièces étaient sans
cheminées, le feu
se faisait au milieu et la fumée s'échappait
par les interstices et les fenêtres.
La guerre changeant de nature avec l'apparition des armes à feu
(le combat ne s'effectuait plus en attaquant les châteaux mais
sur des champs de bataille), les cheminées ont fait leur apparition,
d'abord creusées dans l'épaisseur des murs qui avaient
perdu leur utilité
défensive, puis
en relief, mais le confort en a pâti, contrairement à une
idée
reçue, car le feu ne chauffait plus que sur le devant, dans
les abords immédiats, une partie de la chaleur se perdait à cause
du tirage de la cheminée
qui emportait la fumée, et enfin le bois se consumait bien plus
vite. Le seul avantage, c'est qu'ils respiraient mieux, mais s'ils
s'enrhumaient
davantage...
Autre
détail sympatique, c'est la hantise des rats : tout était
accroché
en hauteur, les aliments bien sûr, les nouveaux-nés, mais également
les arbalètes, car
ces animaux affamés et envahissants auraient pu en dévorer
les parties organiques (cuir, boyaux des cordes).
Il me revient un détail culinaire, mais préhistorique celui-là. N'ayant pour seuls récipients que des outres de peau, comment faisaient-ils pour chauffer l'eau ? Tout simplement en jetant des galets dans le feu qu'ils introduisaient ensuite dans le liquide qu'ils voulaient chauffer ! -Les archéologues sont capables de reconnaître dans les anciens foyers les pierres qui ont été utilisées à cet effet-.
Le
Périgord offre un très grand choix d'activités. Nous voyons des défilés
entiers de canoës, kayaks et même des chambres à air noires
reliées par grappes qui font la joie bruyante des estivants de toutes
nationalités : leurs cris résonnent sur l'eau d'où ils se répercutent
vers les berges.
Malheureusement,
aucune piste cyclable n'est aménagée en Périgord noir le long de la
Dordogne ou la Vézère. Nous avons pu cependant emprunter
une route moins fréquentée sur un petit tronçon en bordure de rivière,
à partir du château de Losse, mais les seuls circuits officiels sont
situés entre les deux rivières dans une région très vallonnée et recouverte
de forêts (jolie, mais sportive). L'avantage du vélo sur le kayak,
c'est que nous pouvons faire halte dans les petits villages aux rues
étroites et les visiter, ce qui est un véritable plaisir, ils ont tous
plus de charme les uns que les autres. Certains ne peuvent se visiter
qu'à pied, les maisons étant étagées sur la haute berge de la Dordogne
ou de la Vézère, ou juchées au sommet d'une colline.
Enfin,
nous alternons visites de jardins ou parcs, châteaux, grottes et habitations
troglodytes : il y en a pour tous
les goûts, et nous choisissons de préférence des endroits reconnus
pour leur qualité, mais pas trop courus par les foules, ce qui nous
permet de passer immédiatement, sans file d'attente, et d'avoir une
visite relativement personnalisée, avec un discours où le guide semble
à chaque fois éprouver du plaisir à nous faire découvrir le lieu, sans
nous faire sentir l'ennui de la répétition.
Le parc de Limieux, en visite libre, est conçu pour
être à la fois esthétique et pédagogique. Un atelier consacré aux usages
de l'osier me retient un moment, et j'y découvre notamment une technique
moderne de retenue des berges de cours d'eau dont nos élus pourraient
s'inspirer au lieu de les flanquer de ces affreux rochers gris qui
ne sont même pas capables d'empêcher les inondations. Il s'agit d'osier
tressé, réalisé à partir de tiges de saules souples et fraîches, qui
sont capables
de
s'enraciner
et
de
reverdir
: ce sont
en fait des boutures disposées de façon à retenir la terre et y offrir
un abri
pour la faune
et la flore de ces zones humides.
Un peu plus loin, ce sont des plantes
odoriférantes qui sont regroupées, et j'y reconnais deux espèces que
j'avais remarquées aux Bardenas et dont j'ignorais le nom : il s'agit
de la santoline, à la curieuse odeur de savon, et la sarriette qui
a une odeur de thym. Une belle pièce d'eau peuplée de nénuphars domine
le confluent de la Dordogne et de la Vézère aux eaux rouges limoneuses.
Nous
admirons au château de Losse des meubles de marqueterie en noyer et
poirier noirci du plus bel effet importés d'Italie. La guide nous fait
remarquer que la tulipe a
été importée de Turquie au XVIème siècle. Elle nous indique une petite
porte fermée munie d'une chatière : c'est
le cabinet des secrets, dont les trésors étaient défendus de l'attaque
des rats (encore eux) par un chat. J'ai toujours eu un faible pour
les belles charpentes et les techniques anciennes, et j'admire une
tour du chemin de ronde dont la structure est visible de l'intérieur,
et qui montre bien la façon dont les lauzes sont disposées. Une autre
tour abrite le cabinet de repos de la Dame du château,
lieu
où elle pouvait recevoir, s'allonger sur un lit, prendre un bain à
l'étuve
(Renaissance), assise nue ou en chemise sur un tabouret recouvert
d'un
tissu de lin posé dans une
grosse bassine
dont
le dais muni de rideaux la protégeait des courants d'air, lavée avec
un savon d'Italie (le plus fin de Venise) et l'eau parfumée à la lavande
qui pousse dans le parc.
J'y
redécouvre le sens du terme "charmille", haie plantée de charmes, qui
ressemblent un peu aux noisetiers avec
des
feuilles plus petites et des branches plus torturées et dont les paysagistes
constituaient des labyrinthes au XVIIème siècle.
Le dernier site que nous
visitons à La Roque St Christophe se trouve
à mi-hauteur d'une falaise vertigineuse à l'aplomb de la
Vézère
: il
s'agit d'habitats troglodytiques du Moyen-Age où ont été reconstituées
des machines de levage intéressantes, qui ont pu être utilisées aussi
pour les pyramides (?). Toutes
les maisons qui s'accrochaient sur cette corniche étroite ont été démolies
à l'époque des guerres de religion,
mais des panneaux montrent comment elles étaient fixées à la roche,
dépassant même de l'étroite plate-forme pour gagner de la place, ce
devait être effrayant et dangereux. J'imagine qu'ils ne s'y tenaient
qu'en
périodes
de crise,
et que le reste du temps ils séjournaient dans la plaine. Les habitants
ont ainsi tenté successivement d'échapper aux invasions vikings, puis
anglaises, et enfin aux guerres de religion.
Illustrations : La Roque St Christophe, Beynac, Limieux, château de Losse.
![]() |
Périgord noir |
Cathy et Jean-Louis, du 22 au 27 août 2007 |
![]() |
![]() |