Ce
dimanche, nous avons décidé d'en
profiter à
fond : levés à 5h30, nous sommes dans la voiture
dès 6h pour arriver
le plus tôt possible à pied d'oeuvre dans le val d'Azun,
après Lourdes et Argelès-Gazost. Le brouillard épais
sur le trajet annonce un beau temps qui ne s'est pas démenti,
en dépit des prévisions d'orage
pour l'après-midi. Dans la plaine, il fait déjà très
chaud de bonne heure, mais l'altitude tempère les ardeurs solaires,
surtout sur les cimes balayées par des vents violents. Par contre,
la réverbération
et les U.V. sont intenses : mes yeux restent encore sensibles deux
jours après, malgré le bob et les lunettes, et j'ai pris
un bon coup de soleil.
Les
visiteurs sont ici bien moins nombreux qu'en vallée d'Ossau
où nous
comptions initialement revenir faire le tour des lacs.
Quelques camping-cars occupent la pelouse parsemée de petits
rochers gris en bordure de torrent, ainsi qu'un petit nombre de voitures
: nous ne serons pas dérangés par la foule. Richard a
choisi comme première
destination le petit lac de retenue de Migouëlou (2278m), puis
le passage d'un col, un second lac, et la longue descente en une boucle
jusqu'au barrage du Tech (1207m), soit un dénivelé global
d'environ 1400m, si l'on inclut la moitié d'un petit pic au-dessus
du col : une bonne balade !
Ce
qui me frappe immédiatement, c'est la profusion des fleurs, non seulement
en quantité, mais en diversité. En plus,
nous progressons littéralement dans un bain d'effluves qui varient
avec l'altitude (la composition de la végétation) et la brise chaude
ou fraîche qui nous apporte des brassées d'odeurs fluctuantes. Les
sons ont toujours une
amplitude étonnante, différente de la sensation que l'on a à Anglet
: ils naviguent dans un grand volume ouvert vers le haut et se répercutent
d'un flan à l'autre des montagnes en vibrant intensément. C'est vrai
aussi bien pour le bruissement des feuilles des arbres que pour le
chuintement des herbes ou le crissement des insectes, ou encore l'appel
bruyant et peu mélodieux des choucards acrobates qui virevoltent en
se jouant des difficultés de l'aéroportance.
Jean-Louis,
tout comme moi, est à chaque fois déçu du peu
d'animaux que nous arrivons
à surprendre dans leur habitat naturel.
A part les sauterelles et autres abeilles affairées, les petits
oiseaux qui pépient dans les prés et les choucards, un
vautour fauve égaré
dans le ciel limpide, et la grosse marmotte qui trottine lourdement
près
du
refuge
du lac
de Migouëlou, nous ne voyons rien. Faut-il s'en plaindre ? Je
tombe sur un site qui relate le "carnage"
qu'une ourse accompagnée de son petit aurait perpétré sur
un versant voisin, près du lac d'Estaing,
au mois de mai.
Trois
brebis ont été tuées, le reste du troupeau, affolé,
s'est égayé dans
la nature, une bonne partie se précipitant dans
un ravin où l'on a retrouvé des brebis "pendues" dans
les arbres.
C'est que notre habitude de la marche en montagne ne
fait pas de nous des montagnards, et nous continuons de nous y promener
en touristes, incapables de lire la nature, les traces des animaux,
ni de reconnaître les plantes. A part les moutons qui dévalent
en coulées lentes ou accélérées les versants
herbeux et
que nous repérons
au bruit de leurs sonnailles, nous avançons peut-être
au milieu d'yeux qui nous observent et d'animaux qui se terrent ou
s'enfuient apeurés
par notre pas lourd et malhabile. Nous sommes dans le parc
national des Pyrénées, symbolisé de temps à autre
sur un rocher par le cartouche rouge sur fond blanc représentant
une silhouette d'isard. Les animaux, protégés,
doivent théoriquement pulluler, il est même interdit de
ramasser des cailloux !
A
ce propos, j'aperçois dans la première montée un mur bâti en pierres
de taille. Il s'agit peut-être d'un des accès à l'ancienne mine de
fer dont un hameau, Ferrières, détaché du village d'Aucun en 1790,
en garde le souvenir dans sa toponymie, après l'avoir exploitée du
XVème siècle à 1960. Je lis plus loin qu'il y avait aussi des mines
à Estaing, une vallée voisine. Plus loin, c'est la conduite forcée
(cylindre noir) du barrage qui précipite
l'eau
des
sommets vers
les
turbines
de la vallée.
Les
barrages qui perturbent profondément l'écosystème
des Pyrénées ont été construits avant la
création du Parc national (1967),
à une époque bien moins sensible aux problèmes
environnementaux. Ils nécessitent toujours un entretien régulier
qui se fait en partie par hélicoptère, dont le bruit
perturbe la faune. Une convention de partenariat a donc été établie
entre EDF et le Parc national pour faire des échanges
de services.
Par
exemple, en septembre dernier, à proximité des
barrages d’Estaëns en vallée d’Aspe et de Migouëlou
en Val d’Azun, un hélicoptère d’EDF a joué les « camions-poubelles » emportant,
accrochés à une élingue, des vieux
bouts de tubes rouillés. Sans la machine, ces pièces
parfois volumineuses et en tout cas impossibles à charrier à dos
d’homme
seraient restées gisantes sur les flancs des montagnes. D'autre
part, des agents du parc national dispensent depuis 2005 leur précieux
savoir aux salariés d’EDF concernant les espèces
et les espaces à protéger.
À eux
ensuite d’organiser
leur travail en prenant en considération les impératifs
de protection du milieu naturel des Pyrénées, de façon
à éviter notamment des déplacements aériens
au moment des accouplements et de la nidification. Le partenariat concerne également
la promotion des énergies renouvelables avec l’équipement
par EDF de bergeries ou refuges isolés en panneaux photovoltaïques.
Enfin, EDF a aussi
fait un bel effort, que nous remarquons, pour enterrer
les fils qui défiguraient les pittoresques petits villages de
la vallée.
A propos de ces barrages, une étude des lacs et cours d'eau de ce groupe de petites vallées a été faite par Ludovic Gaurier (1875-1931) qui était chargé de mission des ministères des Travaux publics et de l'Agriculture. Elle est résumée sur le site "Système lacustre de la haute vallée d'Azun". Ses missions avaient pour objet la connaissance de données météorologiques, de l'enneigement et des variations des glaciers, de l'alimentation, de la topographie et de la géologie des lacs, des projets de barrage pour les transformer en réservoirs de "houille blanche", pour la force motrice, l'électrification de la Compagnie du Midi, l'irrigation, etc...