Concilier
nos envies, même lorsque nous ne sommes que cinq, n'est pas toujours
chose facile. Richard piaffait déjà lorsque Jean-Louis a voulu s'arrêter
prendre du pain (et des chocolatines), puis un café (le petit-déj'
était déjà loin), et dès que nous sommes arrivés au point de départ
de la balade, il a sauté dans ses chaussures, pris ses bâtons, et s'est
élancé sur le sentier sans se retourner. Max ne pouvait pas moins faire
que de le rattraper quelques lacets plus haut, et il ne l'a plus lâché,
marchant sur ses talons.
Les
deux Jean-Louis et moi n'avons, ni ces capacités sportives, ni le goût
de la performance, et nos limites corporelles
nous obligent littéralement à cheminer d'un pas de sénateur (-trice)
en profitant du paysage. Bien sûr, les autres s'arrêtent de temps à
autre, le temps de faire deux-trois photos, ils nous laissent les rattraper
pour redémarrer presque aussitôt... L'oeil sur le chronomètre, ils
remarquent cependant que nous n'avons mis "que" 2h30 pour faire l'ascension
annoncée en 3h ! Histoire de dire que nous avons l'air d'escargots,
mais que nous sommes meilleurs que le randonneur moyen estimé... Une
qui est rapide, c'est la marmotte, le temps de sortir mon appareil
photo, elle avait déjà tourné le dos et se carapatait en deux temps
trois mouvements entre les rochers : grosse mais souple !
A
l'une de ces haltes-éclair, Richard entame déjà son déjeuner : évidemment,
comme il ne mange rien le matin, il a faim plus
tôt ! Et lorsque nous déjeunons tranquillement près du lac de Migouëlou,
il finit son repas avant nous, fait sa sieste, toujours en avance,
se relève en quête d'un coin ombragé qu'il ne trouve pas et redémarre
bientôt
vers
le col.
Nous
réveillons Jean-Louis en hâte pour ne pas nous laisser trop distancer
et Max, comme auparavant, le rattrape pour ne pas être
de reste !
Au col, les deux compères nous attendent un moment, puis commencent l'ascension un peu acrobatique, surtout avec les rafales de vent, du petit pic attenant. Jean-Louis et moi les y rejoignons tandis que JLB se repose près d'un petit névé. Comme je tarde un peu à redescendre, les hommes entament une défoulante bataille de boules de neige. Au mois de juillet, c'est bien plus marrant ! Ils ne s'arrêtent que lorsque leurs mains sont trop gelées.
Nous
apprendrons à notre retour que Richard a eu des problèmes avec son
pique nique : la sauce a tourné, il n'a pu avaler que deux sandwichs
sur quatre, et son déjeuner est parti dans le second lac... Il a été
obligé de compenser par le reste de pain de Max, et du chocolat.
C'est pour çà qu'il était si léger pour faire la totalité de la descente
en courant, presque d'affilée jusqu'à la voiture - moins 100
m, que Max, plus endurant, a parcourus avant lui, le devançant
et
venant à sa rencontre au volant -. Bien sûr, il voulait que Max retourne
au parking, pour qu'il ne rate pas un centimètre, malgré son épuisement,
mais Max a refusé !...
Nous
autres, nous n'avons pas de ces exigences, et nous sommes bien contents
de ne pas avoir eu à parcourir les derniers kilomètres pour remonter
la route jusqu'au point de départ. Les deux compères conviennent que,
si nous
n'avons pas effectué autant de distance qu'eux, nous avons marché une
heure de plus (en freinant à chaque pas dans la descente sur les cailloux
instables, ce qui est très éprouvant pour les muscles des cuisses)
:
au bout du compte, c'est nous qui en avons fait le plus ! (Arithmétique
spéciale
du randonneur
tranquille)
Je
reviens sur cette notion de Parc
National : cela me fait penser aux difficultés de création de
la maison de l'environnement à Anglet. Les Pyrénées sont fréquentées
par les hommes depuis des millénaires, et dès l'apparition de la
culture et de l'élevage, les forêts ont commencé à disparaître (y
compris pour les utiliser comme bois d'oeuvre, charbon de bois et
combustible pour affiner les minerais de fer et autres). Beaucoup
plus récemment,
il y a eu cette maîtrise des cours d'eau et la construction
de canaux, de conduites forcées, de barrages, hydroélectriques ou
non. Enfin, il y a eu la création des stations de ski, sans compter
l'engouement toujours croissant des randonneurs en toutes saisons,
qui peuvent librement accéder en tout lieu du Parc, à condition de
le respecter (devoir moral qui n'est absolument pas contrôlé). Alors,
quel peut être l'effet réel de cette mesure sur la biodiversité ?
La réintroduction de l'ours pose toujours problème, bien entendu
on ne parle pas de celle du loup, les vautours ont défrayé la chronique
récemment, quelle cohabitation possible entre les grands prédateurs
et nous ? C'est
comme restaurer une église : quelle époque privilégier, et quels
aménagements supprimer pour restituer l'oeuvre originale
? Faut-il remonter au baroque, au gothique, au roman ? Pour la montagne,
on a supprimé la chasse dans le Parc, faudrait-il supprimer l'élevage
? et notre propre fréquentation ?
J'ai
un dernier petit regret - on ne peut pas tout faire - en regardant
le site Internet du val d'Azun : en nous promenant
ainsi toute la journée sur les hauteurs, nous avons manqué la visite
culturelle de la vallée, où les villages pittoresques ont conservé
nombre de leurs coutumes d'antan, affinage des fromages de brebis,
vache ou chèvre, fabrication du "vin de pomme" (cidre), moulins, artisanat
divers, et entretiennent précieusement leurs petites églises et leurs
fermes
flanquées de poulaillers en forme de maisons miniatures. La proximité
de Lourdes engendre un artisanat bien spécifique : l'utilisation du
buis qui pousse à profusion dans la montagne pour réaliser de superbes
chapelets. Il faudra revenir...