Exceptionnellement,
nous avons remplacé la marche traditionnelle en montagne par une balade
culturelle aux fins fonds de notre département, au nord de Pau. Parmi
la longue liste
de visites proposées dans le 64 à l'occasion de cette journée du patrimoine
de pays et des moulins, j'en avais sélectionné deux dont les thèmes intéressaient
également nos
deux
apprentis
géographes
: le Centre
du Mandala,
"jardin de plantes médicinales dans le plus pur esprit médiéval et conférence
sur les plantes", à Garlin, et à Lasclaveries,
"l'histoire d'une communauté familiale agricole, Les Claberies, avec la
visite de la grange dimière dotée
d'une toiture en coque de bateau retournée unique en Vic-Bilh, typique
du savoir-faire des compagnons charpentiers de marine du Moyen Age (XIIe,
XVIe
et XVIIIe siècle), porcelaines et céramiques ménagères, et enfin le "ciment"
des communautés ou l'énigme - résolue - des tessons à ditades et endentures".
Nous avons commencé par déjeuner dans
un salon lumineux de
la maison d'habitation de notre hôtesse, Florence Amargier, qu'elle surnomme
avec une dérision enjouée "la
plus petite crêperie du monde", où
était déjà
attablé
un couple d'une commune proche, également intéressé par les plantes.
Le menu montrait les influences diverses qui l'inspirent, partagées entre
tradition occidentale et indienne, avec notamment un délicieux dessert
au lait d'amandes et abricots du jardin légèrement acidulés, accompagné
de sablés à l'anis - pour faciliter la digestion du repas, a-t-elle commenté
-.
Nous devions être impérativement à 15h pour la visite à Lasclaveries, où nous nous sommes rendus avant de retourner sur nos pas pour visiter le jardin - "il est affreux, avec les pluies diluviennes que nous avons eues, j'ai honte de le montrer dans cet état, je n'arrive même pas à le désherber, sinon j'arrache de pleines mottes !" -. Evidemment, elle exagérait, il n'était pas du tout si lamentable que cela, à part quelques fleurs sur longues hampes qui avaient effectivement un air penché, endommagées par les bourrasques et le poids de l'eau.
Cette
femme a de multiples cordes à son
arc. Psychanalyste de formation, elle est aussi technicienne supérieure
en herboristerie, elle a suivi pendant cinq
ans une formation à l'Ecole des Plantes de Paris dont elle est
diplômée
en tant qu'ethnobotaniste. Elle est aussi naturopathe diplômée
de l'IFSH (Institut français des sciences de l'homme) - branche
parallèle
de la médecine -, et spécialiste en soins ayurvédiques
diplômée du Centre Tapovan de Paris. Enfin, elle est esthéticienne
diplômée d'état, conteuse (élève de Henri
Gougaud), et organise pour les gens qui séjournent chez elle des
soirées
animations et contes.
Elle a compartimenté son jardin
avec beaucoup de goût en de multiples petits espaces consacrés à des
catégories
de plantes différentes. Bien qu'il ne soit pas bien grand,
elle l'a doté d'une piscine attenante au salon, de deux vérandas-serres
de part et
d'autre
de la maison,
une pour les cactus et les semis, l'autre pour les agrumes qu'elle protège
des rigueurs de l'hiver, d'au moins quatre parterres différents, dont
deux potagers, sans parler de toutes les plantes qui se blotissent le long
des murs de la
maison
et de la tisanerie au pied de quelques arbres dans l'entrée. Des
haies basses de buis alternent avec des buissons plus volumineux tandis
que
de grands arbres cernent la propriété : un enchantement
pour les yeux, avec une double impression de foisonnement et d'apaisement
souligné par
des recoins douillets où se nichent de grands fauteuils en osier
tressé
blanc au milieu de pelouses sages.
Pour la petite histoire, elle a osé mêler à ses plants de patates et de camomille quelques graines de pavot (cousin du coquelicot) dont les corolles rouge rosé illuminent avec une grâce un peu chiffonnée les plantes roturières à leur pied. Elle explique quelle est la partie de la plante dont on extrait l'opium, ce latex blanc enfoui dans la capsule du fruit, qu'on peut transformer en morphine ou en analgésique, sans parler de l'héroïne. Pour la peine, Cédric dresse l'oreille et pose des questions, mais notre guide recule tout aussitôt en prévenant des méfaits de ces substances hallucinogènes. Elle enchaîne en parlant d'une des variétés de la camomille qui soulage avec efficacité les personnes sujettes aux migraines ou aux céphalées. Pour ma part, je ne connaissais que la variété amère dont ma grand-mère faisait usage en tisane pour résoudre les problèmes de digestion difficile et que je détestais cordialement.
Elle nous emmène à sa suite, comme une abeille ou un papillon, butinant d'une plante à l'autre, nous incitant à humer les fleurs ou les feuilles froissées qu'elle arrache pour nous les tendre afin de nous faire deviner à l'odeur ou au goût leur utilisation et en déduire leur nom. Inutile de dire qu'à part deux ou trois plantes, toutes les autres me sont de parfaites inconnues dont j'ai lu les noms dans la littérature ou les recettes de cuisine, mais que je suis incapable de reconnaître, d'autant qu'elle essaie - pour nous troubler et nous induire en erreur, c'est sûr ! - d'acclimater parfois des plantes venues d'ailleurs, de montagnes françaises (comme la gentiane jaune), de l'Himalaya (les doigts de Bouddha, dont la forme lui rappelle les mains aux longs ongles des danseuses indiennes), ou de la Syrie (la rose de Damas, base essentielle de très nombreux parfums). D'ailleurs toutes ne résistent pas, les unes à la sécheresse de l'été 2006 et les autres à l'humidité excessive de ce printemps pluvieux. Comme des amies chères, elle les nomme par leur petit nom usuel, puis ajoute, par mégarde, sans affectation, le nom latin pour plus de précision. Elle nous dit leurs propriétés, les anciens usages, les parties utiles (souvent les fleurs), pour en extirper les huiles essentielles ou les essences rares, à moins que, plus prosaïquement, on ne les consomme en tisanes ou décoctions variées. Elle pourrait en parler des heures et nous nous laissons bercer par ses mots magiques, la guimauve, l'angélique, l'hysope, le combava, la sauge sclarée ou digitale, l'helichrysum italicum (l'immortelle d'Italie)...
Je repars pleine de bonnes intentions, et munie de bonnes adresses pour me fournir en plantes aromatiques originales, comme le conservatoire national des plantes à Parfum, Médicinales, Aromatiques et Industrielles, ou bien Kokopelli, dont j'ai déjà entendu parler, et le Biaugerme.
Cathy, Jean-Louis, Cédric et Léa | Journée du patrimoine de pays
et des moulins |
Dimanche 15 juin 2008 |