Sur
une grande place où se dresse la salle de concert rouge de facture
très moderne figure un ensemble de statues dont un groupe montre
l'importance du vélo dans la ville (dans un style un peu stalinien
je trouve), surmonté d'une sorte de Guillaume Tell aux chausses
pointues fin moyenâgeuses dont j'ignore l'histoire. Malgré
le froid intense et humide, nous nous laissons prendre au charme de
la ville, explorant ses parcs sillonnés de pistes piéton-cyclables,
ses rues très attrayantes, qu'elles soient commerçantes ou pas, ses
monuments, églises, hôpital Saint Jean et béguinage.
En
effet, lorsqu'on visite une ville ou un quartier médiéval, on oublie
souvent que la plupart des maisons étaient en bois, et qu'elles ont
été détruites périodiquement et reconstruites sur les décombres pour
la raison toute simple que le bois était plus économique et, à l'époque,
encore disponible facilement.
Ne
subsistent donc que les bâtiments en dur, brique ou pierre, érigés
par les riches,
clergé, bourgeois ou nobles. Un ensemble particulièrement harmonieux
et vaste nous intéresse un moment. Il s'agit du béguinage "Ten Wijngaarde"
fondé en 1245 par Marguerite de Constantinople, comtesse de Flandres,
en activité jusqu'en 1928. Cette institution regroupait des filles
ou des veuves en communauté religieuse sans prononcer de voeux. Elles
menaient une vie spirituelle intense dans cette sorte de village dans
la ville qui regroupait de petites maisons individuelles, des bâtiments
communs où elles pratiquaient de l'artisanat, tissage, poterie, copie
de livres, une chapelle, un hôpital, construits autour d'une place
arborée.
Elles
recueillaient également des dons. Le mouvement est principalement localisé
dans le nord de l'Europe, Allemagne, Belgique
et nord de la France.
N'étant
pas sous la tutelle de l'église, celle-ci se sent concurrencée et au 13e
s., les béguines sont persécutées
et accusées d'hérésie. Les communautés de béguines seront cependant très
actives jusqu'à la fin du 15e s. Dans le voisinage, la Maison-Dieu
de Meulenaere cache derrière son porche un véritable cloître semé de simples
aux parterres disposés en rectangles bordés de buis taillé bas et desservis
par des allées soigneusement pavées.
Au
détour d'une rue, Cédric descend un petit escalier qui l'amène au ras
de l'eau derrière une grille. Il s'exclame brusquement, tout excité
: "un crabe, il y a un énorme crabe, venez voir si vous ne me croyez
pas !" Effectivement,
le
temps que je fasse le tour, et celui-ci se laisse tomber dans les eaux
opaques parsemées de feuilles mortes. Bruges était un port autrefois,
d'abord sur la rivière Zwin, puis, directement sur la mer du Nord,
grâce à un raz-de-marée en 1134 qui ouvre un chenal jusqu'à la baie
du Zwin. Celui-ci s'ensable à la fin du XVe s. et entraîne son appauvrissement
accompagné du passage à la domination espagnole. Désormais, un chenal
relie Bruges à son nouveau port côtier, Zeebruges, initié en 1896 et
terminé en 1905, actuellement équipé pour recevoir les navires rouliers
et porte-conteneurs. C'est également un des principaux terminaux européens
pour le gaz et les importations de gaz naturel liquéfié. Fort heureusement,
ces activités industrielles ne sont pas visibles de la ville, et nous
ne voyons que quelques péniches et bateaux de plaisance amarrés aux
quais les plus occidentaux.
Cathy, Jean-Louis, Cédric | Escapade à Bruges |
1er octobre 2008 |