120
mètres ! C'est la hauteur de la montée des eaux lors
du réchauffement
de la Terre après la dernière glaciation de Würm
qui a pris fin il y a dix mille ans environ. Celui-ci s'est accompagné
de pluies continues, et ce profond changement climatique est resté dans
nos
mémoires occidentales sous l'aspect des deux mythes bibliques
du déluge
et de l'arche de Noé. La Méditerranée s'est alors
considérablement
étendue, pénétrant profondément à l'intérieur
des terres en inondant les rives et les vallées côtières.
Le sort de Malte en a été métamorphosé,
comme le décrit Alain
Blondy, professeur à la Sorbonne.
"Aux époques
de glaciation, l'archipel formait l'extrémité méridionale
du continent européen et vit affluer les animaux qui fuyaient le froid.
Avec la remontée des eaux, due au réchauffement général
du climat, Malte devint ou redevint une île, prenant ainsi au piège éléphants,
tortues, rennes ou cygnes qui, pour de nombreuses raisons, présentaient
des signes de nanisme que l'on retrouve dans plusieurs îles de la
Méditerranée. Ainsi, la grotte de Ghar Dalam, dans ses strates
inférieures, a livré de nombreux témoignages de cette
faune ; en effet, passant perpendiculairement sous la vallée du
wied Dalam, elle aspira, en un siphon puissant, tous les ossements déposés
au fond du lit, lorsque l'érosion en fit s'effondrer la voûte."
Les
premiers vestiges d'une occupation humaine de l'île remontent à plus
de 7 000 ans B.P. (date sujette à caution, très variable selon les
sites). Ces populations, capables de naviguer, provenaient du sud de
la péninsule
italienne et de Sicile. Leur culture, caractérisée
par leur poterie, était proche-orientale. Ils apportent sur
l'archipel leurs animaux d'élevage, leurs
plantes nourricières
qu'ils cultivent et du silex. Malte et Gozo sont sans doute à l'époque
bien plus luxuriantes et giboyeuses qu'à l'heure actuelle. Mille ans
plus tard, d'autres immigrants suivent le même
chemin
et
donnent
une
inflexion
nouvelle à la civilisation locale.
Ils creusent
leurs sépultures dans le sol rocheux en chambres ovales ou à plan
tréflé auxquelles on accédait par un puits vertical,
puis érigent
d'immenses temples mégalithiques. D'après Wikipédia,
les temples mégalithiques
de Mnajdra, Ggantija, Hagar Qin et Tarxien, à Malte, sont
parmi les structures monumentales les plus anciennes que l’on
connaisse (5 500 avant J-C).
Au début du XXe s., on parlait d'un peuple de navigateurs qui auraient
répandu
cette civilisation des mégalithes le long des côtes européennes.
Avec les
moyens récents de datation, cette hypothèse a été remise
en question. En réalité, les plus anciens mégalithes
remontent à 12 000
ans en Ethiopie, il y en a sur tous les continents et des populations
continuent
encore
à en dresser à l'époque actuelle, sans qu'aucun
lien ni influence n'ait pu être découvert entre ces civilisations.
Les motivations
peuvent être d'ordre social, culturel (religieux et funéraire),
astronomique, astrologique, artistique, agricole, etc.
Si
nous avons pu avoir une petite idée
de cette civilisation préhistorique
majeure en visitant le musée archéologique de La Vallette,
nous avons été par contre
excessivement déçus de
la pauvreté des éléments exposés au public
sur l'île de Gozo au site le plus
ancien de Ggantija, qui nous a fait l'impression d'une arnaque
touristique.
A l'inverse, nous avons beaucoup apprécié le caractère didactif
du musée qui accompagnait les collections de sculptures de pierre ou d'argile
très
variées
par des panneaux explicatifs très bien faits.
Nous avons été étonnés par des statues représentant
des femmes obèses
monumentales,
qui contrastaient
avec la rareté des emblèmes masculins bien plus insignifiants.
Cette disproportion est assez exceptionnelle pour être notée
(quoique la préhistoire
soit coutumière des représentations de "Vénus").
Voici une thèse
explicative (non signée) présentée par le site de Malte
Entreprise, intéressante mais parfaitement conjecturale puisque,
par définition, ces vestiges remontant à la préhistoire,
nous n'avons aucun écrit pour confirmer ou infirmer ces interprétations.
La présence de statues de femmes aux formes très arrondies
a créé de nombreuses controverses. “La première
de ces controverses concerne le genre qu’elles représentent. À première
vue, les statues semblent représenter une femme enrobée. À une époque
où l’abondance de nourriture constituait l’un des plus
grands luxes, la représentation d’un dieu sous la forme d’une
personne obèse semble assez plausible. L’obésité était également
liée à la fertilité, qui était une fois encore
l’une des principales préoccupations de l’époque.
Il était clair pour ces civilisations que les femmes pouvaient porter
des enfants dans leur ventre, leur donner naissance et les nourrir. Les
femmes étaient donc considérées comme la Terre, elles
pouvaient donner la vie et nourrir leur enfant. De nombreuses civilisations
néolithiques adoraient les femmes et représentaient leurs
dieux sous leurs traits pour ces mêmes raisons. Cependant, la plupart
des statues découvertes à Malte n’ont aucune caractéristique
féminine ou masculine évidente. Elles ont de larges hanches
arrondies qui semblent rappeler une silhouette féminine mais présentent à la
fois une poitrine plate. Une théorie qui pourrait éclaircir
cette question serait que les civilisations néolithiques de Malte
n’accordaient pas beaucoup d'importance au genre d'une personne.
La plupart des statues récupérées n’ont pas
de tête. Les chercheurs pensent que différentes têtes
de prêtres et prêtresses étaient sculptées à chaque
fois et placées sur les statues, ce qui expliquerait pourquoi elles
ne comportent aucune caractéristique relative au sexe.
La deuxième question qui se pose lorsque l’on regarde par
exemple la figurine de la « Femme endormie » dans l’hypogée,
concerne les meubles et les vêtements de ces peuples néolithiques.
La statuette représente une femme qui dort de côté sur
un lit en rotin tressé. L’utilisation du lit implique qu’à cette époque,
les meubles existaient déjà.
La femme est vêtue d’une
jupe plissée qui confirme également que les vêtements
n’étaient pas de simples peaux d’animaux ou de drapés
mais qu'ils impliquaient des tissus soigneusement plissés et des
ceintures.
Au-delà des statues représentant la Déesse mère ou ‘Mara l-Hoxna’ (grosse dame) en maltais, il est important de mettre en avant la structure des temples néolithiques. Lorsqu’on les contemple du dessus, les temples soulignent la silhouette arrondie d’une femme enrobée, dotée d’une tête, d’une poitrine et de hanches. La principale activité se concentrait probablement au milieu du temple, matérialisant ainsi le ventre de la Déesse. Cela pourrait également symboliser la renaissance d'une personne lorsque celle-ci participait à la cérémonie.
Le
survol de l'archipel en avion avant l'atterrissage offre la vision
d'un relief très peu marqué, d'une urbanisation envahissante
et d'une campagne presque totalement cultivée en petites parcelles
encloses de murets de pierres sèches, bien plus verdoyante que
je ne me l'imaginais.
Peu
de plages, une côte découpée
rocheuse et de grandes falaises au sud
forment
les
limites
de l'île
principale
de Malte d'une surface de 246 km² qui, avec Gozo, 67 km², héberge
400 000 habitants (avec une diaspora évaluée à 800
000 expatriés) -
à comparer à notre province basque du Labourd, 858 km² avec
205 000 habitants -. L'architecture
présente un mélange sympathique de genres, avec une forte
dominante italienne qui nous donne souvent
l'impression d'être à Rome, qui côtoie sans
transition des immeubles modernes, pas très hauts, et d'autres
d'influence byzantine, arabe,
anglaise.
Il
ne faut pas oublier bien sûr l'omniprésence de l'influence
des Chevaliers de Malte (l'Ordre
de Malte perdure encore depuis sa
fondation au Moyen-Age), qui se manifeste par une multiplicité d'églises
et de signes religieux aux angles des rues, à l'entrée
des maisons et
dans
les bus.
Dans
les
établissements scolaires (aux deux tiers publics), étant
donné que
la foi catholique est religion d’Etat, l’enseignement
religieux est obligatoire, quoique la liberté des
cultes garantie par l’Etat prévoie la possibilité d’abandonner
cette matière. Dans
les rues, nous voyons des groupes scolaires où la mixité est
exclue et les enfants en uniforme. Une
radio
locale
intitulée
"Radju
Marija" étale ses placards publicitaires sur les murs,
face aux arrêts
de bus. L'unité
architecturale se fait par l'usage très répandu de la pierre
maltaise dont la couleur miel qui a donné son nom à l'île
(melita en grec) s'illumine au moindre rayon de soleil. Sensibles à la
corrosion, certains murs sont
véritablement criblés de creux irréguliers.
Voici le commentaire qu'en fait un paléontologue amateur
au site fort sympathique.
Les couches qui affleurent dans l'archipel maltais se composent, d'une
part, de calcaire corallien inférieur très dur, daté de
l'Oligocène, construit par des coraux coloniaux, et, d'autre part,
de calcaire à globigérines (des foraminifères). Le
sommet de la première couche contient une lumachelle à scutelles,
des oursins plats extrêmement nombreux. Comme ce niveau peut être
très dur, il se prête particulièrement bien au sciage
et polissage et est fort utilisé pour le dallage, les sections d'oursins
sont assez esthétiques. On y rencontre également des couches
montrant des nodules alguaires, assez proches au point de vue taxonomique
des stromatolithes. Ces niveaux
affleurent à Salina Bay. La deuxième couche est la plus typique
à Malte. Daté du Miocène, il est travaillé à la
scie et fournit une pierre de construction économique. Néanmoins,
certains niveaux tendent à s'éroder à l'air
libre, formant ce qui est appelé une "érosion en rayon
de ruche". Les fossiles plus durs ressortent
particulièrement bien et sont
visibles dans les vieux murs, par exemple à Valetta, la capitale.
Du ciel, nous apercevons les carrières qui entament
non pas des collines, mais carrément le sous-sol de l'île.
En voyant le nombre de bâtiments en construction, je m'inquiète
fort de l'avenir que se préparent les Maltais. En
nous promenant, nous n'apercevons qu'un très petit nombre
d'autochtones. Beaucoup
de maisons et d'appartements sont inoccupés,
rideaux tirés et volets clos. Je crains que l'appât
du gain ne provoque la dilapidation de leur patrimoine, voué
à l'habitat secondaire de résidents extérieurs à l'archipel,
attirés
ici par une mode passagère. La
surface des fragiles terres arables, d'une épaisseur maximale
d'un mètre et qui laissent souvent affleurer
la roche à nu, se réduit de jour en jour, tandis que
l'île minuscule
se hérisse de grues et se
couvre
de
chantiers
poussiéreux.
Malte se dit indépendante, mais la Lybie investit dans l'immobilier
et le commerce, et fournit le pétrole nécessaire aux
besoins énergétiques
du pays.
Le
tourisme procure le quart des recettes du commerce extérieur
et la France est devenue le principal marché à l'exportation
(textile, plastique, imprimerie, composants électroniques
et outillage électrique,
médicaments, services financiers). Cette économie est à la
merci des stratégies des entreprises multinationales et des
délocalisations
: par exemple, plus de 55% des exportations en électronique
du pays sont assurées
par la société franco-italienne
Stmicroelectronics. L'agriculture ne couvre que
20% des besoins, il n'y a quasiment pas
d'élevage, et la ressource en eau est tout à fait insuffisante.
Nous remarquons sur les toits en terrasse des récipients en fer blanc,
genre lessiveuses, peu esthétiques, qui récupèrent l'eau de pluie,
à côté, parfois, de panneaux solaires dont j'ignore s'ils chauffent
l'eau
ou fabriquent
de l'électricité.
Les ressources naturelles en eau sont rares dans les îles
maltaises en raison des conditions géographiques et climatiques.
Malte n'a pas d’eaux superficielles
qui puissent être exploitées de façon économique,
ni aucun aquifère profond étendu
sur lequel elle puisse compter. Malte fait partie des 10 premiers pays
du monde en ce qui concerne la pénurie
en eau avec un indice de concurrence le plus élevé. Les aquifères à nappe
libre qui sont aujourd'hui soumis à une concurrence féroce
parmi les utilisateurs et à la pression
constante du développement économique intense, fournissent
l'eau douce pour environ la moitié de
l'approvisionnement municipal et pour d'autres activités. Ceci
est insuffisant pour satisfaire toute la demande en eau, l'eau dessalée
complète le déficit, et trois
usines de dessalement (osmose inverse) produisent aujourd'hui environ 55%
de l'approvisionnement en eau potable. L'industrie et l'agriculture imposent également
une forte pression sur l'approvisionnement en eau, cette dernière
seule consommant environ 40% des eaux souterraines qui s’épuisent
lentement en qualité et en disponibilité.
SOMMAIRE | 1/2 |
Véronique, Clotilde, Michèle, Julien, Richard, Nora, Jean-Louis, Cathy | Malte |
17 au 21 février 2009 |