Le temps efface toutes les peines, selon le dicton, mais parfois, il vaut mieux garder le souvenir de ce qui s'est fait pour ne pas retomber dans les mêmes errances. Nous sommes dans la région de l'Alto Gállego, province de Huesca, Aragon, et visitons un 'squat' d'un nouveau genre. Un village abandonné au sud-ouest de Sabiñánigo, capitale du Serrablo, Ibort, a été investi par une communauté. Appartenant au 'Patrimonio Forestal del Estado' (équivalent de l'ONF en France), les anciennes maisons ont été purement et simplement occupées, les alentours proches défrichés de quelques pins pour y recréer des potagers et de petits pâturages. Comme elles étaient pour la plupart passablement délabrées car elles étaient vides depuis quelques dizaines d'années, les nouveaux habitants ont entrepris de les restaurer dans le style aragonais, doublant d'un parement de pierres les murs de brique, recouvrant les toits de lauzes (pierres plates) sur lesquels trônent de monumentales cheminées. Pour le moment, la plupart sont encore en réfection, car chacun oeuvre lui-même, devenant tour à tour maçon, charpentier, menuisier. - Photo : Cadran solaire sur l'église de Jaca. -
En contrepartie de sa "tolérance" envers eux - j'expliquerai plus loin l'ironie exprimée par ces guillemets -, le gouvernement d'Aragon a exigé des nouveaux villageois qu'ils veillent à ce qu'aucun feu ne soit allumé pour ne pas risquer d'incendier les forêts environnantes et à ce qu'aucune pollution ne soit engendrée par leur activité. J'engage la conversation avec un habitant qui arrose pied à pied un potager magnifique. Il a pris une année sabbatique pour construire sa maison et mettre en route son jardin, tandis que son épouse conserve son travail en ville et fait les va et vient chaque jour. Il m'explique que le village dispose d'un grand réservoir d'eau alimenté par pompe depuis la petite retenue d'eau en contrebas. Celle-ci alimente une centrale hydroélectrique dont s'échappe un flux encore amoindri et régulé du Gállego (trois grandes retenues la précèdent en amont : Lanuza, Búbal et Sabiñánigo dont une partie des eaux irrigue les pelouses d'un golf). Des récupérateurs d'eau de pluie sont posés çà et là près des habitations ou des potagers, mais j'ignore comment se fait l'approvisionnement en eau potable et l'évacuation ou traitement des eaux usées. Il y a l'électricité et le téléphone puisque j'ai pu joindre Roberto, le gérant de l'auberge où nous souhaitions dormir. - Photo : Eglise d'Ibort, festival de didgeridoo 2009. -
Malheureusement tout était complet car le village hébergeait ce week-end un groupe venu en renfort sur un chantier de construction. Deux femmes préparent une grande quantité de sandwiches sur le pas de la porte à l'attention des travailleurs. Les murs intérieurs et extérieurs de l'église désaffectée ont été couverts de prises pour s'entraîner à l'escalade, un pan est orné de vestiges de fresques sur le thème de la musique : le bâtiment sert de maison commune et de salle de spectacle. De jour, nous l'avons trouvée passablement dégradée et nécessitant encore une bonne somme de travaux pour être sécurisée et devenir véritablement pittoresque ou pour le moins fonctionnelle. Pourtant, avec un décor disposé habilement pour cacher la misère et un plancher couvrant le sol inégal, elle donne une tout autre impression sur les photos du festival de didgeridoo de 2009. Sur le futur parvis, un cadre de bois contient un début de pavement en galets dressés sur leur tranche, et un tas de galets de toutes formes gît à quelques pas : il faudra du temps pour le trier et l'assembler harmonieusement. S'ils veulent en faire autant sur le sol à l'intérieur de l'église, ils ne sont pas rendus ! - Photo extraite du site du festival de didgeridoo 2009 : Concert et jonglage dans l'église désaffectée d'Ibort. -
D'après ce qu'on lui en a dit sur place, notre fils Cédric, venu à la session 2010 du festival de didgeridoo, a eu l'impression que cette communauté fonctionnait de façon assez idyllique, qu'il y régnait l'entraide et le partage, avec des décisions prises en assemblée, à la majorité, et dans laquelle enfin chaque nouvel arrivant devait être coopté après une période probatoire. Quelques membres justement étaient contre l'idée de réitérer ce festival. Il avait déjà eu lieu plusieurs années de suite et ils craignaient que son succès draine une foule qui ne pourrait être maîtrisée. Les voitures sont proscrites dans le village qui ne comporte de toute façon aucune rue. Elles sont parquées à l'écart, hors de la vue, sauf deux ou trois qui ont dû servir à porter du matériel. L'accès au village se fait par la route goudronnée construite et entretenue par le 'Patrimonio Forestal del Estado'. Nous avons remarqué que des objets hétéroclites entreposés dans divers coins mériteraient sans doute d'être emportés à la déchetterie, y compris un vieux matelas jeté en travers d'une haie, un moteur tout rouillé, des vélos usagés. Mais ce ne sont que des détails, l'ensemble général est propre, et même bien plus que beaucoup de chantiers en ville. En tout cas, il n'y a plus aucune trace du festival, rien ne traîne, c'est comme s'il ne s'était rien passé. - Photo : La 'ralla' de Rapún. -
Nous nous rendons ensuite au village voisin, Rapún, très différent. Situé sur une cime montagneuse à l'abri d'une crête effilée, strate étroite érodée dressée à la verticale, dans un cadre magnifique face au 'barranco (ravin) de Bailín' et donnant sur la vallée du río Gállego à seulement 2 km de Sabiñánigo, il ne se compose que d'une maison habitée en permanence et de deux ou trois autres de façon temporaire, pour les vacances. Une voiture de fonction marquée 'Service des espaces naturels' est garée à l'ombre d'un mur de la maison de style aragonais. Il s'agit de la 'casa rural Mallata Rapún', une propriété très léchée, presque trop au regard de l'environnement, où nous avons également cherché à être hébergés pour le week-end, mais l'établissement affiche complet pour tout l'été.
Ce fonctionnaire de Sabiñánigo et son épouse ont acheté le terrain pour y faire construire un établissement de tourisme écologique. Tout y est : une petite éolienne fonctionne à pleine vitesse dans un boucan difficilement supportable sur le toit au-dessus de l'entrée, des panneaux photo-voltaïques couvrent une partie des tuiles de la maison d'hôte, l'eau chaude est également fournie par des panneaux solaires. Les eaux de pluie se déversent par les gouttières dans un grand réservoir aménagé sous la maison. Begoña Montori et son mari sont fiers de pouvoir déclarer que, du point de vue du bilan carbone, on ne peut guère faire beaucoup mieux. Par contre, les descendants des anciens propriétaires du village ne se sont pas préoccupés d'authenticité ni de style, et encore moins sans doute d'écologie. Leurs maisons jurent dans ce cadre, dressées dans un style moderne bon marché au milieu des ruines du village envahies par la végétation. Un peu plus bas, en surplomb de la 'ralla', se dresse la petite église romane rénovée dédiée à Saint Félix. - Photo : Eglise de Rapún. -
Nous discutons avec le couple à propos du squat d'Ibort. Il se trouve justement sous la "responsabilité" de ce fonctionnaire qui connaît bien la situation et se montre assez critique. Il s'est rendu à plusieurs reprises sur place pour tenter lors de réunions en assemblée de les éduquer et leur faire entendre raison, mais il trouve que ces habitants posent bien des problèmes. Lors de leur installation, il y avait un état d'esprit écologique, ils souhaitaient s'insérer dans l'environnement, avaient une certaine éthique. Roberto, qui est basque, (celui qui possède l'auberge) fait partie des plus anciens, des premiers arrivés, et lui, il est bien - c'est d'ailleurs lui qui nous a envoyé vers la Mallata, les deux hommes s'estiment mutuellement. Mais après des années de fonctionnement, le groupe d'amis initial a désormais du mal à maîtriser la tenue de la communauté, il y a des dissensions en son sein. Les nouveaux arrivants n'ont pas la même mentalité. Il y a des 'Romanos', des 'Arabes', qui n'ont vu là qu'une occasion d'avoir un terrain gratuit, c'est du moins ce que prétend le fonctionnaire. Il rapporte qu'ils font des feux la nuit pour brûler des déchets, n'ont pas de respect pour la nature et polluent sans complexe. Il en va différemment avec les deux autres villages de l'association Artiborain qui fonctionnent de façon plus satisfaisante. - Photo : Ibort, couchage en plein air en haut d'une plateforme. -
Aineto est un village inhabité depuis les années 60. A la fin des années 70 et début des années 80, un groupe de jeunes commence sa récupération. Ils s'associent avec leurs voisins d'autres villages récemment occupés (Artosilla et Ibort) et forment l'association Artiborain. Après beaucoup de difficultés, l'Administration cède en 1987 Aineto à cette association des trois villages. Actuellement, celui-ci contient 37 habitants (23 adultes et 14 enfants). Il fonctionne en assemblée, les décisions sont prises par la communauté. Ils pratiquent la bioconstruction et reconstruction traditionnelle, l'agriculture écologique et l'élevage. Il possède une école qui fut ouverte en 1988 avec l'aide des pères et mères dont les enfants allaient au collège et grâce au MEC (Ministère de l'Education). Ils ont une approche écologique, tant pour les matériaux que l'électricité. Il conserve une petite église paroissiale dédiée à Saint Hippolite. Artosilla a été pareillement occupée dans l'intention de reconstruire le village et de raviver un patrimoine culturel qui était en train de se perdre irrémédiablement. Après beaucoup d'années de travail, d'investissement de temps et d'une grande partie des économies personnelles, 6 maisons furent restaurées dans lesquelles résident 12 adultes et une enfant. La gestion de l'eau y est stricte, car en année sèche, la ressource peut être insuffisante. Ibort a été abandonné depuis les années 50-60, mais dès les années 40 ses habitants commençaient à quitter le village pour la ville ou mouraient de vieillesse. Sans trop de réflexion, et même avec hâte, ils abandonnèrent leurs logements, leurs champs et, surtout, les souvenirs d'un village pour se disperser sur diverses zones de la province de Huesca ou "la grande capitale", Zaragoza. - Photo : Balnearios de Panticosa, le lac 'Ibón de los Baños'. -
Les deux jours suivants, nous cheminons dans des montagnes merveilleusement fleuries et parfaitement dépourvues de bétail, qui s'élèvent au-dessus du 'Ibón de los Baños' (lac des bains) des Balnearios (thermes) de Panticosa qui est un ancien lac glaciaire dont émane le Río Caldarés, affluent du río Gállego, puis au-dessus du lac de retenue de Lanuza. Lorsque nous retournerons par le col du Pourtalet qui donne sur la vallée d'Ossau, le contraste sera énorme sur le versant Nord des Pyrénées, avec une herbe surpâturée par les vaches et les brebis et une montagne comparativement bien plus habitée, malgré l'attrait des villes qui règne en France comme ailleurs. En effet, l'Aragon est une région sinistrée, celle qui, par rapport au reste de l'Espagne, a le plus souffert du dépeuplement de ses villages. Nous avons des souvenirs très vifs de notre séjour dans le gîte du village abandonné de Pano qui avait été réinvesti par un Suisse, tandis qu'à Nocito l'auberge était tenue par des Toulousains. Je lis au cours de mes recherches documentaires que la demande d'achat d'un village entier aragonais par un Belge défraya la chronique : elle fut rejetée par le ministère, mais cette décision fut détournée par la création d'une société catalane où le Belge possédait 50% des actions. - Photo : Lac Lanuza. -
Un commencement d'interprétation de ce phénomène de dépeuplement peut être illustré par l'histoire de Sabiñánigo, une ville située sur le río Gállego en aval de cette vallée de Tena où nous nous sommes promenés. Au début du XXe siècle, il s'agissait d'un tout petit bourg d'origine médiévale d'à peine 64 habitants alors qu'il en compte maintenant 10 000. La nouvelle gare de la voie ferrée qui relie Saragosse à Canfranc a été installée en 1893 en dehors de la ville. Plus tard s'y adjoindra la grande ligne Madrid-Jaca "Río Aragón". Ce nouvel équipement est d'abord mis à profit pour développer le tourisme thermal en direction des Balnearios de Panticosa.
En 1918, l'entreprise industrielle de produits chimiques EIASA (Energia e industrias aragonesas, S.A. - de capitaux français -) s'établit à côté de la gare, non loin de la Tulivana, affluent du río Gállego. Elle vient de Barcelone, d'où elle exportait du chlorate de sodium vers la France pendant la première guerre mondiale : il s'agit d'un herbicide qui, mélangé à du sucre, devient un explosif et libère lors de la déflagration du dichlore et du dioxyde de chlore, des gaz irritants pour les voies respiratoires. Elle conclut un accord avec "Aguas (eaux) de Panticosa, S.A." qui lui octroie des concessions hydrauliques grâce auxquelles elle construit son premier barrage pour la production d'électricité à Biescas. Dès 1921, elle produit par électrolyse du chlorure de sodium, et comme il y a surproduction d'électricité, elle élargit sa gamme vers la fabrication d'ammoniaque et d'engrais azotés. En 1923, elle est la première entreprise du monde (en même temps que le Japon) à synthétiser l'ammoniaque à partir d'hydrogène obtenu par électrolyse. - Photo : Fleur d'églantier. -
Le problème avec l'électricité, c'est qu'elle ne peut être stockée. La solution, c'est de mettre en réserve de l'eau à la place. Avec la croissance industrielle, les besoins en énergie augmentent, et les barrages se multiplient, prenant des proportions de plus en plus imposantes. Devenue majoritairement espagnole par la prise de capital de Banco Urquijo en 1927-28, EIASA recommence à se diversifier en 1950 en même temps qu'elle construit de nouveaux barrages hydroélectriques à Sallent et La Sarra et qu'elle obtient l'accord pour entreprendre la construction des barrages de Lanuza et Búbal, rayant ainsi de la carte sans état d'âme les villages qui se trouvent dans ces vallées. Les habitants en sont réduits, moyennant une indemnisation, à se reloger plus loin, le plus souvent en ville, abandonnant leur mode de vie traditionnel. Le livre de Julio Llamazares, La lluvia amarilla (La pluie jaune), Edition Seix Barral, 1988, exprime le désarroi de ces populations déracinées, ainsi que celui de Enrique Satué, "Ainielle. La memoria amarilla", Edition Prames dans la collection "Temas aragoneses" (nº 12) doté d'une grande richesse iconographique et d'importantes sources bibliographiques et documentaires. - Photo : Panticosa, cascade. -
De 1959 à 1967, l'entreprise s'allie avec la Junta de Energía Nuclear pour effectuer des recherches qui aboutissent à la production d'eau lourde. A côté de cette société très dynamique s'installe en 1924 une fabrique d'explosifs, et en 1925, une d'aluminium. Aujourd'hui, le secteur industriel de la ville emploie 80 % de la population active et génère depuis un siècle une importante pollution de la rivière Tulivana qui conflue en aval dans le río Gállego au centre de Sabiñánigo, un problème qui reste toujours d'actualité. Cette mutation économique d'une société agro-pastorale vers une société commerciale, touristique et surtout industrielle s'effectue grâce à la main d'oeuvre locale. La plupart des villages, vivant en autarcie de la transhumance et la culture des céréales, ne résistent pas à l'attraction des villes et d'une vie espérée moins difficile. C'est toute une société ancestrale qui est balayée en quelques années. De très nombreux villages isolés sont abandonnés.
L’Aragón est, à l’exception de Castilla-La Mancha, la région d’Espagne la moins peuplée : 25 habitants au km². En moins de trente ans, la moitié des villages de Sobrarbe dans la province de Huesca a disparu. Quelques indications sur certaines cartes géographiques montrent les villages afin de ne pas oublier leur existence. Dans ce processus d’exode rural, la politique hydraulique a joué un rôle très important. Une première évaluation dans les Pyrénées donne des résultats de 4000 personnes qui ont perdu leur maison, 30 villages qui ont disparu et environ 9 hectares de bois, champs et prairies qui restent pour toujours inondés. A Lanuza, quelques propriétaires ont commencé à reconstruire leur maison au milieu des ruines avec l’objectif d'initier un tourisme rural. Le gouvernement y voit une bonne initiative sans charges. En aval se trouve Búbal, village abandonné en 1970 après la régression de l’élevage et la construction du barrage. En 1984, Búbal fut élu pour le ‘Programme de récupération de villages abandonnés’, donnant l’occasion aux écoliers et étudiants de connaître la vie des grands-parents, découvrir les activités et les habitudes d’autrefois, ainsi que l’architecture et la vie en pleine nature.
Par ailleurs, l'Espagne rêve depuis le Moyen-Age de mieux répartir les ressources en eau sur son territoire qui souffre de disparités excessivement importantes correspondant à des zones climatiques très différenciées. Rien qu'en Aragon on distingue le climat montagnard dans la chaîne des Pyrénées, le climat méditerranéen continental dans la vallée de l'Ebre et un climat continental plus au sud, dans la dépression Calatayud-Daroca-Teruel. Le souvenir de grandes famines est encore présent dans les mémoires, et on décide d'accroître grâce à l'irrigation les surfaces consacrées à l'agriculture qui constitue encore la base de l'économie. Des projets visant à capter l'eau des torrents pyrénéens ont fleuri sans jamais aboutir jusqu'au XXe siècle. Le 2 mars 1909, la Division Hydraulique de l'Ebre se charge de l'étude du projet du barrage de Yesa sur le río Aragón (inauguré en 1960) pour irriguer les Bardenas et la Comarca de Cinco Villas en Navarre à l'aide d'un canal dit 'de Bardenas' aboutissant à Ardisa. En 1923 un nouveau projet étudie l'irrigation de 130 000 ha à l'aide d'un second barrage à Ardisa (construit en 1932 sur le río Gállego) destiné aussi à approvisionner Saragosse en eau potable. Il prévoit la liaison des trois grandes rivières du côté gauche de l'Ebre, l'Aragón, le Gállego et le Cinca. Ces énormes travaux ne s'effectuent pas sans risques pour l'environnement. Récemment, les travaux d'agrandissement de la retenue de Yesa débutèrent en 2001 après consolidation de sa rive gauche. Pourtant, celle-ci fit de nouveau apparaître une importante fissuration en 2004, et un glissement de terrain de 3,5 millions de m3 eut lieu qui menace encore de terminer dans le lac de retenue. En 2007 apparurent encore des fentes et des trous, provoquant l'écroulement de la piste qui longe la rive gauche. - Photo : Panticosa, cascade. -
Pour maintenir les berges et prévenir le comblement des lacs de retenue du fait de l'érosion des reliefs environnants, le «Patrimonio Forestal del Estado» entreprend dès 1946 (sous le régime du général Franco, alors à la tête du pays) d'acheter ces terrains pour procéder au reboisement. Quelques villageois vendent volontairement leur maison et leurs terres, ce qui permet d'initier le processus. Ensuite, l'Etat exproprie les municipalités de leurs terrains communaux, rendant la transhumance impossible. Pour donner un exemple, la vallée de la Garcipollera, pourtant à 40 Km de la retenue de Yesa, est ainsi affectée par le barrage, malgré son éloignement : les terres sont expropriées pour procéder à leur reforestation. "En novembre 1955 arrivèrent à cheval jusqu'à Acin un ingénieur et un avocat du 'Patrimonio Forestal del Estado' (qui plus tard se convertira en ICONA) montrant un décret de 1927, au nom duquel toute la vallée de Garcipollera était considérée d'utilité publique pour la reforestation, ce qui fut fait à partir de 1956 après avoir procédé aux expropriations. Le pin noir et le pin sylvestre vinrent s'ajouter à la végétation locale raréfiée par l'agriculture et l'élevage, ajonc, buis, sapin, peuplier faux-tremble, chêne, érable et frêne.
En 1960, ils déménagèrent à Acin 13 cerfs des monts de Tolède et, en 1962, 24 animaux supplémentaires. Dans les années 70, la Garcipollera fut convertie en terrain de chasse. Il n'est pas difficile d'y voir des chevreuils et des sangliers, à l'aube ou au crépuscule. On y observe aussi communément des rapaces tels que l'aigle royal, le gypaète barbu ou le vautour fauve. Dans les bois, on peut voir et écouter le grand pic épeiche." A Bescos, non loin d'Acin, un Centre de recherche sur l'élevage a été créé par le Gouvernement d'Aragon pour servir d'exemple, de modèle pratique et viable d'exploitation bovine pour les habitants des Pyrénées. Aujourd'hui il héberge un troupeau de moutons tensins et quelque 130 vaches et taureaux de race pyrénéenne et Parda Alpina, qui durant une bonne partie de l'année paissent librement dans différentes zones de la vallée...! En 1962, un nouveau cauchemar commence pour cette même vallée décidément bien convoitée. Des travaux de prospection sont entrepris par l'ancien INI (Instituto Nacional de Industria) et la compagnie Philips Oil qui suspectent la présence de grandes réserves de gaz (et peut-être de pétrole) dans ses formations géologiques. Des pistes sont ouvertes, des plateformes construites par ceux qui sont très vite surnommés “los petroleros” (les pétroliers), jusqu'à la mise en exploitation en 1984 de gisements qui s'avèrent bien décevants.
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Cathy et Jean-Louis | Alto Gállego en Aragon Villages abandonnés |
16 au 18 juillet 2010 |