Lorsque nous avons programmé notre voyage à Londres pour y visiter les musées scientifiques, j’ai pensé qu’il serait intéressant de lire en parallèle les impressions de Voltaire (1694-1778) dont j’avais découvert le caractère européen de sa vie, de son aura et de son oeuvre lors d’une conférence à l’université du temps libre d’Anglet. J’ai donc acquis ses ‘Lettres philosophiques’ qui avaient d’abord été intitulées ‘Lettres anglaises’ et furent publiées en 1734. Pour cet exposé, j’ai sélectionné le début de la quatorzième lettre qui a pour titre ‘Sur Descartes et Newton’. – Je rappelle, pour situer les dates, que le mathématicien, physicien et philosophe français René Descartes vécut de 1596 à 1650, il est donc né un siècle avant Voltaire, tandis que le philosophe, mathématicien, physicien, alchimiste et astronome anglais Isaac Newton naquit en 1643 et mourut en 1727, pendant le séjour de Voltaire en Angleterre. – Voici le texte :

« Un Français qui arrive à Londres trouve les choses bien changées en philosophie comme dans tout le reste. Il a laissé le monde plein, il le trouve vide. A Paris, on voit l’univers composé de tourbillons de matière subtile ; à Londres, on ne voit rien de cela. Chez nous, c’est la pression de la Lune qui cause le flux de la mer ; chez les Anglais, c’est la mer qui gravite vers la Lune, de façon que, quand vous croyez que la Lune devrait nous donner marée haute, ces messieurs croient qu’on doit avoir marée basse ; ce qui malheureusement ne peut se vérifier car il aurait fallu, pour s’en éclaircir, examiner la Lune et les marées au premier instant de la création.
Vous remarquerez encore que le Soleil, qui en France n’entre pour rien dans cette affaire, y contribue ici environ pour son quart. Chez vos cartésiens, tout se fait par une impulsion qu’on ne comprend guère ; chez M. Newton, c’est par une attraction dont on ne connaît pas mieux la cause. A Paris, vous vous figurez la Terre faite comme un melon ; à Londres, elle est aplatie des deux côtés. La lumière, pour un cartésien, existe dans l’air ; pour un newtonien, elle vient du soleil en six minutes et demie. Votre chimie fait toutes ses opérations avec des acides, des alcalis et de la matière subtile ; l’attraction domine jusque la chimie anglaise.
L’essence même des choses a totalement changé : vous ne vous accordez ni sur la définition de l’âme ni sur celle de la matière. Descartes assure que l’âme est la même chose que la pensée, et Locke lui prouve assez bien le contraire. Descartes assure encore que l’étendue seule fait la matière ; Newton y ajoute la solidité. Voilà de furieuses contrariétés. »

La lecture de Voltaire m’a beaucoup fait rire, et j’ai été stupéfaite de son énorme culot et de son insolence indéfectible à l’égard de toutes les sortes d’autorité, qu’elles fussent intellectuelles, comme ici Descartes, religieuses ou politiques : je rappelle qu’il a été embastillé à deux reprises, forcé de s’exiler maintes fois, et qu’il vivait à la fin de sa vie dans une propriété qui jouxtait la frontière suisse, pour fuir plus commodément si le besoin s’en faisait sentir. Mais quelque chose m’a gênée dans ce texte : c’est l’idée d’une mutation brutale dans la conception du monde, qui aurait tout d’un coup donné naissance à la pensée moderne, grâce au génie extraordinaire d’Isaac Newton faisant table rase de tout ce qui précédait. J’ai donc pris quelques repères dispersés dans le temps pour voir ce qu’il en était.

Dans la continuité du texte de Voltaire, j’ai orienté cette recherche selon cinq axes qui, vous en serez peut-être surpris, s’interpénètrent et se répondent ; ils correspondent tous à une interrogation sur l’univers dans lequel nous vivons et sur la place que nous y occupons :

Introduction - 1/ Le monde plein ou vide - 2/ Les causes du mouvement - 3/ La lumière - 4/ L’âme - 5/ La matière - Conclusion

 

SOMMAIRE

 


 

Introduction
Exposé de Cathy Constant-Elissagaray devant les membres de l'association Astronomie Côte Basque

Un univers réel ou un monde imaginé ?

Sur Descartes et Newton
Commentaire de la 14ème Lettre philosophique de Voltaire
5 mars 2010