Dans quel contexte s'est produite la sortie du milieu aquatique ? Darwin imaginait une évolution lente et progressive des espèces. Toutefois, la richesse des couches fossilifères du Cambrien (au début du Phanérozoïque) le laissait perplexe comme on peut le constater dans son livre "L'origine des espèces" publié en 1859. En les examinant de façon approfondie, les paléontologues ont été amenés à développer la théorie des équilibres ponctués prônée notamment par Stephen Jay Gould. En effet, il s'est produit une véritable "explosion cambrienne" entre 540 et 520 Ma, qui a donné naissance (dans les marges peu profondes des océans) à la majeure partie des phyla actuels (embranchements, plans d'organisation des organismes) : arthropodes (insectes, crustacés), cnidaires (coraux), spongiaires, vers priapuliens, mollusques, chordés (vertébrés), échinodermes (oursins) et brachiopodes (coquillages). - Photos : Ediacara Hills (Australie) : Ancêtres d'échinoderme, cnidaire et arthropode apparus entre 570 et 550 Ma - Vers priapuliens vivant dans le sédiment, faune de Chengjiang, Cambrien inférieur, Chine. Spécimens coll. J.-Y. Chen, reconstitution D.-Y. Huang. Cliché J. Vannier. -

Ce qu’il est important de constater c’est que 80% des phyla de cette faune ne se trouvent pas dans les séries géologiques plus anciennes. La faune de Burgess (Canada, 520 Ma) témoigne que la biodiversité du Cambrien était plus grande qu’aujourd’hui. Par exemple, chez les arthropodes, un groupe aujourd'hui très diversifié qui va du homard au maringouin (moustique), seuls quatre plans de base ont survécu sur 24 essais au Cambrien (faune de Burgess). Même si le nombre d’espèces et de genres est plus faible que par la suite, le nombre de phyla et de plans d’organisation anatomique est énorme et à ce stade de l’histoire, les plus grands embranchements modernes sont déjà présents. Il est frappant de remarquer qu’il n’y a aucune apparition de nouveau phylum de métazoaire (animal multicellulaire) après l’Ordovicien, soit depuis 480 Ma. - Photos : Cambrien : Faune de Burgess : Premiers animaux tubicoles. 1. Cloudina, un des premiers animaux à présenter un squelette minéralisé renforcé de calcite (Néoprotérozoïque supérieur). 2. Aculeochrea, dont le tube est renforcé d’aragonite (frontière Précambrien-Cambrien). 3. Hyolithellus, animal renforçant son tube de phosphate de calcium (Cambrien inférieur). 4. Olivooides, peut-être un polype de scyphozoaire thécate. 5. Embryon d'Olivooides avant éclosion. Échelle : traits = 0,1 mm. © Muséum suédois d’histoire naturelle. Photos : Stefan Bengtson.

Les paléontologues ont du mal à comprendre les conditions qui ont permis un foisonnement si soudain et ponctuel et la compréhension des mécanismes évolutifs impliqués dans l'Explosion Cambrienne reste un grand défi pour la communauté scientifique qui émet plusieurs hypothèses encore débattues. Un des paramètres à prendre en compte dans cette évolution a été le taux d'oxygène dissous dans le milieu aquatique, en partie induit par l'activité des premiers organismes photosynthétiques. Il devait être supérieur à 1 ml/l (10% de l’oxygène atmosphérique actuel) pour engendrer cette variété d'organismes dont beaucoup d’espèces sécrétaient des squelettes calcaires. A l'inverse, un taux inférieur à 0,1 ml/l (1% de l’oxygène atmosphérique actuel), donne une faune dépourvue de métazoaires et les faunes benthiques (vivant au fond des océans) subsistent dans un milieu à taux compris entre 0,3 et 1 ml/l (3 et 10% de l’oxygène atmosphérique actuel) et ne sont constituées que de petites espèces à corps mou. - Schéma : - Darwin : les pinsons des Galapagos - - Squelettes biominéralisés SSF (Small Shelly Fossils) entre -525 et –530 Ma -

À la fin du Précambrien (avant cette explosion du vivant), entre 650 et 600 Ma, une accumulation de chaleur sous le grand continent Rodinia, qui faisait office de couvercle au-dessus de la couche magmatique, a soulevé celui-ci et créé des forces de tension qui ont progressivement développé des rifts continentaux (failles) qui vont contribuer à disperser les pièces. Vers 560 Ma, deux continents commencent à se détacher de Rodinia et à s'individualiser, Laurentia et Siberia. 20 Ma plus tard, un troisième continent, Baltica, s'est détaché de Rodinia au tout début du Cambrien, il y a 540 Ma. Ce qui reste de Rodinia est une grande masse continentale qu'on a appelée Gondwana, et qui englobe le Précambrien de l'Amérique du Sud, de l'Afrique, de l'Australie, de l'Antarctique, du sud de l'Europe et de la Chine. Progressivement s'ouvre l'Océan Iapétus entre Laurentia et Gondwana. - Schémas : Rodinia - Continents au début Cambrien - Terre, la théorie Snowball -

Des études géologiques et paléomagnétiques mettent en évidence une glaciation qui aurait atteint l'Equateur et suggèrent l'existence d'une Terre totalement recouverte de glace durant la période précédant le Cambrien (à 635 Ma). L'atmosphère devait comporter une proportion anormalement basse de dioxyde de carbone, alors que l'intensité du Soleil était encore 6% inférieure à celle d'aujourd'hui. La dislocation de Rodinia aurait engendré une augmentation des pluies sur les continents, et donc l'absorption accrue du dioxyde de carbone piégé par ces précipitations diluviennes, tandis que se multipliaient les éruptions volcaniques émanant des fractures du super-continent dont les fumées et les cendres faisaient écran au rayonnement solaire et induisaient une augmentation importante du soufre (dS34) : le climat aurait ainsi perdu les bénéfices de l'effet de serre et aurait plongé dans une glaciation gigantesque à l'échelle de la Terre entière (état "snowball", boule de neige, avec des océans gelés peut-être jusqu'à 1000 m de profondeur).

A 580 Ma, une autre grande glaciation régionale a lieu. Par contre, au cours du Cambrien, aucun continent n'est localisé sur un pôle, le climat global est marqué par un réchauffement et une augmentation du dioxygène dans l’atmosphère. Ce réchauffement entraîne une élévation du niveau marin et une grande extension des mers épicontinentales (exemple actuel : la Manche) qui offrent de nouveaux espaces avec la constitution de plates-formes continentales peu profondes, créant ainsi de nouveaux milieux propices à la vie. Ces changements climatiques induisent des variations de la composition chimique des océans et favorisent les bio minéralisations, particulièrement la remontée des niveaux phosphoreux (grands gisements de phosphorite permettant à des organismes de développer des squelettes de phosphate de calcium).

L’apparition au Cambrien de la prédation et de la chaîne alimentaire est importante au niveau de la sélection et de l'évolution du vivant. Dans un monde où vivent des organismes chimioautotrophes ou photoautotrophes, la sélection n’est faite que par le milieu dans lequel ils vivent. Avec la prédation, la sélection s’effectue aussi par les organismes eux-mêmes, consommant les espèces les moins protégées et en favorisant celles qui acquièrent des capacités de défense. - Photo : Stephen Jay Gould - Illustration : Anomalocaris -

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UTLA – Atelier de botanique – 2011-2012
Comment sont apparues les plantes terrestres ?
Exposé du 12 septembre 2011