Le Lido
Le
lendemain matin, à 7 heures, il pleut à verse et nous nous
rendormons. Nous émergeons trop tard pour éviter la queue
à Saint Marc. Nous nous insérons donc à un moment de
creux dans la file d'entrée au Palais des Doges. Je l'aime beaucoup.
L'extérieur est très élégant, sans être
pompeux, et l'intérieur varié, où se succèdent
les lieux de réception des ambassadeurs, les logements du doge, les
salles de réunion des divers conseils et assemblées
qui
géraient les affaires de l'Etat vénitien, les prisons... Bien
qu'il n'y ait presque pas de mobilier, les escaliers majestueux (la Scala
d'Oro - l'escalier d'or), les tableaux recouvrant des murs entiers, les
tentures et plafonds ouvragés nous aident à imaginer des siècles
de prééminence guerrière florissante. Nous ressortons
sur la place Saint Marc et visitons les alentours. Cependant, la foule me
lasse vite et, malgré le temps incertain, je décide Jean-Louis
à aller visiter l'île du Lido.
D'après
la brochure, ce cordon littoral qui ferme la lagune a eu son heure de gloire
au début du XXème siècle : station balnéaire
cotée, pourvue d'un casino, les personnalités s'y rendaient
pour se reposer de la vie citadine vénitienne. Sablonneuse, parfaitement
plane, de 12 kilomètres de longueur, elle est la seule île
à avoir admis la circulation automobile. Les touristes et visiteurs
transbordent leurs voitures par ferries. Il y a un petit aéroport,
et un golf. Le moyen le plus répandu pour la visiter est la bicyclette.
Nous
en louons dès la sortie du vaporetto et redécouvrons avec
déplaisir les désagréments de la circulation automobile
bruyante, dangereuse et nauséabonde. Nous y échappons en empruntant
les larges trottoirs qui longent les plages équipées à
l'ancienne de cabines de bain ou de paillottes. Certaines plages sont privées
et réservées aux clients des hôtels limitrophes. Nous
jetons en roulant un coup d'oeil sur le grand hôtel local (Hôtel
des Bains) dont le style s'apparente beaucoup à celui des bâtiments
des stations thermales, haut, raide et compassé. La décadence
de cette île est visible dès qu'on s'éloigne un peu
du centre : les routes bordées d'arbres ont leurs trottoirs boursouflés
par les racines, les bas-côtés à la végétation
luxuriante avancent leurs tentacules feuillus. Nous tressautons et zigzaguons
comme sur une piste de VTT.
Nous
recherchons le calme du côté de la lagune, mais la bretelle
est courte et nous ramène sur la voie principale. Un peu plus loin,
nous tournons sur notre gauche et montons sur une butte qui nous cache l'Adriatique.
Les plages ont disparu, remplacées par une digue étroite protégée
des vagues par une barrière de roches grises en contrebas. Nous roulons
au sommet sur d'étroites plaques bétonnées bordées
d'un muret côté mer. Sur notre droite défilent, après
les derniers immeubles, des jardins, des champs cultivés, de la végétation
rendue à l'état sauvage, quelques petits canaux et des marécages.
De l'autre côté s'étend la mer, à perte de vue,
des mouettes pêchent à proximité de la rive, et quelques
gros paquebots doublent dans le lointain la pointe de l'île. Le vent
siffle dans nos oreilles, la Méditerranée est silencieuse
et son clapot ne couvre pas le champ des oiseaux dans les buissons voisins.
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