Torcello

Torcello est très différente, quasiment dépourvue de toute installation humaine. Nous débarquons dans une campagne verdoyante où seul un large sentier bordé de grillages nous indique la direction à suivre. Il fait chaud, les oiseaux chantent, les cigales crissent gaîment, un petit canal annonce bientôt les premières maisons, rares et closes. Sur la vaste esplanade, le musée est fermé. J'entre dans l'église Santa Fosca pour me recueillir et profiter de sa fraîcheur, admirant sa simplicité romane. Puis je me dirige vers les ruines romaines dans une enceinte en arc de cercle, creusée dans le sol, (où, d'après la brochure, se dresse le fauteuil de pierre d'Attila -?-) et d'autres vestiges de pierre peu reconnaissables, infimes et dégradés. Enfin, lorsque je veux pénétrer dans la cathédrale, principale raison de notre venue en ces lieux, un cerbère m'en barre le passage, arguant que l'heure des visites est passée (de quelques minutes), alors que quelques personnes sont encore à l'intérieur. Pas de chance ! Au Vème et VIème siècle, l'île a été prospère et comptait de nombreux palais et églises. Sa population aurait atteint les 20 000 habitants. Venise l'a supplantée progressivement, et il ne reste actuellement qu'une soixantaine de personnes. Seules la cathédrale byzantine et l'église Santa Fosca témoignent encore de sa splendeur passée.

Sur le chemin du retour, nous passons devant une île particulière située de l'autre côté de Venise par rapport à la place Saint Marc, face à l'arrêt de vaporetto Fondamente Nuove. Il s'agit d'une île-cimetière entièrement murée, à l'accès réglementé par des avis placardés. Nous nous demandons si les familles doivent louer tout un vaporetto pour accompagner le défunt à sa dernière demeure, ou bien si toute la cérémonie se déroule à Venise, l'enterrement proprement dit s'effectuant avec peu ou pas de témoins. Deux jours après, nous verrons justement une gondole transporter un cercueil garni de gerbes et de couronnes de fleurs d'un point à un autre de Venise et le déposer sur le quai, pour être transporté sans doute, comme la totalité des fardeaux sur l'île, en charrette à bras ou à dos d'homme.

Après avoir traversé le "sestiere Cannaregio" dans le sens de la largeur, nous décidons d'aller dîner à l'Arsenale où notre hôte nous a dit, en nous accueillant, que nous pourrions y manger en musique. Las ! Nous marchons le long d'une vaste avenue dont le pavement recouvre une portion de canal. Des banderoles de la Biennale offrent des messages de paix ou des déclaration sybillines. Deux ou trois restaurants aux terrasses peu engageantes nous donnent envie de poursuivre plus loin. C'est sans compter sur la structure particulière des canaux, ponts et rues torses de Venise : nous nous retrouvons avec ébahissement, après une heure de longue déambulation à l'extrémité de cette même avenue que nous voulions fuir ! Nous avons tourné en rond ! Epuisés, nous nous résignons en désespoir de cause à dîner dans un des troquets déjà repérés : au menu, riz aux moules, où je cherche vainement le poisson annoncé sur la carte. Ce plat typiquement italien est imprégné par le goût prononcé du parmesan qui lui donne une consistance onctueuse et légèrement pâteuse ; une fois la coupelle vide, je constate que le fonds est recouvert d'une épaisse pellicule d'huile. Le retour à pied à l'appartement nous paraît infini : les moustiques nous piquent les mollets, j'ai l'impression d'en sentir partout.

 

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