Les masques

De retour à Venise, nous allons dans le Cannaregio en vaporetto, afin de visiter ce quartier (sestiere) éloigné. Il n'est pas terrible, nous avons faim et aucun troquet n'inspire Jean-Louis, ce qui baisse d'autant mon enthousiasme. Nous revenons sur nos pas et nous restaurons enfin d'une pizza prise sur le pouce. Le moral remonte. Nous reprenons notre marche et passons de l'autre côté du Grand Canal, plus pittoresque - et nous sommes mieux disposés et plus réceptifs -. En cherchant des masques vénitiens de carnaval à ramener aux enfants (nous sommes déjà entrés dans une dizaine ou une quinzaine de boutiques sans arriver à nous décider, tant est grand le choix), nous tombons sur un atelier d'artisan. Sur la grande table qui sert de comptoir s'étale un fouilli de petits pots de peinture, de masques blancs, de boîtes de tissus, paillettes ou feuilles d'or, plumes et autres colifichets nécessaires à la décoration des masques nus.

La jeune femme qui nous accueille est en train de peindre et nous laisse regarder à notre aise. Puis elle interrompt son travail et engage la conversation. Rapidement, elle passe au français (avec un accent charmant), ce qui facilite la communication, et commence à nous détailler complaisamment les masques qui couvrent entièrement tous les murs. Nous sommes les seuls clients, elle est très jolie et nous nous attardons à l'écouter avec plaisir. Elle appelle les masques classiques par leur nom (Puccinella, il Capitano... ) dont l'aspect est fixé par la tradition de la Comedia del'Arte, nous les fait distinguer des masques modernes, dont certains sont la création de son mari. Celui-ci, qui travaille dans son atelier à quelques rues de là, se destinait à la profession d'architecte quand, au cours de ses études, il s'est intéressé à la fabrication des masques et s'en est fait une spécialité. Quant à elle, secrétaire comptable à l'origine, c'est le travail de décoration du masque qui lui a plu, en raison de son habileté manuelle et de son imagination créatrice, et elle a été comblée lorsqu'ils ont racheté ce petit magasin qui lui offre en sus le contact avec la clientèle - et l'occasion d'utiliser ses capacités linguistiques. Jean-Louis voudrait savoir comment se fixe l'or des masques.

 

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