Ce
temps est curieux. On ne peut pas dire qu'il y ait franchement du brouillard,
mais l'horizon est très vite enfoui dans un voile qui en ôte
l'éclat, la couleur, et se transforme en nuage rampant à ras
de terre - ou de mer -.
Il
semble que les barques ou les paquebots volent dans le ciel et que l'avion
qui atterrit en fin de journée à l'aéroport de Fontarrabie
flotte sur la mer.
Les
paris sont lancés : quelle est la hauteur du mât ?
Yann
m'envoie fouiner dans le casier à la recherche de la brochure technique
du bateau - 10,50 mètres, j'étais loin du compte ! Xavier
tombe sur une page emplie de schémas de noeuds marins et nous montre
qu'il n'est pas aussi novice qu'il prétend l'être. Yann nous
fait un superbe noeud en 8.
Plus nous progressons vers le sud, plus
Yann s'inquiète. Cela fait un moment que nous observons des bateaux
immobiles sur un véritable miroir. Il nous explique que cela signifie
une absence totale de vent. Effectivement, nous n'arrivons plus à
avancer. Nous en profitons pour pique-niquer. Etant donné la profondeur
des fonds, nous ne jetons pas l'ancre. Pour
s'arrêter, il faut se positionner face au vent, laisser le foc aller
"à contre" en relâchant les écoutes, et ne
pas s'inquiéter si le voilier tourne sur son aire. Avec cette inaction,
je commençais à me sentir un peu patraque. Manger me remet
l'estomac d'aplomb.
Xavier
a amené du vin corse que nous partageons à trois avec Yann
(Jean-Louis est au régime jusqu'au marathon du Médoc et Jean-Michel
ne boit pas d'alcool) : il est un peu râpeux, et comme le bouchon
s'est déchiqueté en mille morceaux, la moitié de la
bouteille est versée aux poissons, je me demande s'ils ont apprécié.
Pour le dessert, Isabelle, toujours attentionnée, nous a préparé
un far au pruneau, impeccable pour caler les estomacs sensibles au mouvement
incessant de la mer.
Nous
renonçons à Pasajes et retournons sur nos pas. Comme il nous
reste encore un peu de temps, nous traversons la baie et croisons devant
le château d'Abbadia que nous devinons à peine au-dessus des
Jumeaux et des falaises le long desquelles nous avons marché il y
a un ou deux ans. Je me souviens encore du goût de l'oursin offert
à la pointe du couteau par Michèle et des huîtres que
Max décollait des rochers pour les déguster sur place : mmm...
On
ne pourrait plus le faire aujourd'hui, avec les boulettes de pétrole
échappées du Prestige et qui continuent d'infester de temps
à autre plages et rochers.
Un
voilier plus récent que le nôtre, à l'allure effilée,
traverse la baie avec aisance.
Les pêcheurs, sentant venir l'orage,
se pressent vers l'embouchure. L'orage gronde. Et si la foudre tombait ?
Yann répond à nos questions qui fusent : effectivement, le
mât attire la foudre. Ce qu'il faudrait faire, c'est prendre deux
bouts de filin, les enrouler autour du mât et les faire retomber de
part et d'autre du bateau, par-dessus la rambarde, en les laissant pendre
dans l'eau - "prises de mer", à la place de "prises
de terre" -. Enfin,
nous n'en sommes pas là. Seules quelques gouttes éparses tombent
de temps en temps sur le nez ou le crâne dégarni de Jean-Louis,
et le tonnerre n'est pas encore très menaçant. Nous préférons
cependant suivre le mouvement et rentrer tranquillement au port. Nous abattons
le foc, replions la grand-voile, Yann reprend le gouvernail après
avoir remis le moteur en marche.
Jean-Louis
se souvient du numéro de notre place au port, et même de la
rangée. Yann appelle le loueur qui ne se presse pas pour arriver
(il regarde peut-être les matches de tennis à Roland Garros,
ou bien attend que l'averse passe). Nous en profitons pour tout ranger,
Yann
passe le jet et nous terminons le far aux pruneaux en regardant les photos
sur le tout petit écran de l'appareil. Nous nous remémorons
ces cormorans, que nous avons d'abord pris pour du bois flottant, groupés
sans doute au-dessus d'un petit banc de poissons pour pêcher de concert.
Nous avons essayé de nous en approcher au maximum, puis ils m'ont
surprise à s'envoler brusquement, traversant devant le nez du bateau
comme des poules devant une voiture avant d'effectuer une large boucle et
se reposer à peine un peu plus loin que leur emplacement précédent.
Sortie mer avec Yann Participants : Jean-Louis B., Xavier, Jean-Michel et Cathy |
1er juin 2003 |