Ce
que j'aime, ce sont toutes les explications que nous donne Yann. Sans frimer,
sans nous asséner de longs discours, il nous initie peu à
peu à l'art de jouer avec le vent. Il nous indique un point de la
côte à viser, ou bien un cap à garder en surveillant
la boussole si nous allons vers le large. Nous apprenons à surveiller
la forme des voiles.
Si
elles faseyent, c'est qu'elles sont orientées dans l'axe du vent.
Il est donc nécessaire de pousser ou de tirer la barre pour orienter
différemment le bateau. Les voiles se creusent, la bôme ne
cogne plus en tirant brutalement sur ses attaches, la côte recommence
à défiler sous nos yeux. Nous suivons la progression de notre
vitesse (en noeuds) : 0,9 - 1 - 2 - 2,9 - 4 ! Ce sera le maximum, mais compte
tenu du vent, ce n'est déjà pas si mal.
Il
faut aussi apprendre à virer de bord et à accomplir un empannage.
Chacun obéit aux ordres. Xavier relâche une écoute,
Jean-Michel tire et enroule l'autre autour du "winch" - petit
treuil à main pour border les drisses ou les écoutes - (gare
aux doigts), Jean-Louis dégage l'écoute de la grand-voile
de son taquet pour la tendre davantage et la recoince un peu plus loin.
Tout fonctionne à merveille, c'est génial. Evidemment, ce
sera plus dur la prochaine fois, quand il y aura plus de vent, mais pour
apprendre, c'est impeccable !
Yann
est gentil, il nous félicite et nous encourage, et prétend
même qu'il peut tomber à l'eau, nous saurons le récupérer...
En effet,
pour
le "fun", nous nous sommes approchés au plus près
d'un objet non identifié qui flottait, en faisant des manoeuvres
car il n'est pas toujours possible d'aller directement à un endroit
précis, suivant le sens du vent.
Cela
ressemblait à un cadavre de phoque : eh bien non ! c'était
un gros sac de jute taché de goudron. Une autre fois, nous avons
dû faire demi-tour pour récupérer un sac en plastique
échappé au moment du pique-nique (Yann déteste polluer,
et nous de même) : manoeuvre à la voile, virement de bord,
maniement de la gaffe, on va être des pros, nous faisons tout ce que
nous voulons (sur les conseils avisés du capitaine).
Je
suis intriguée par des traces jaunes qui maculent le bas de la falaise
en plusieurs endroits. Comme la péninsule ibérique s'enfonce
à cet endroit très profondément dans la mer, nous pouvons
nous approcher de la côte sans trop de danger. Yann surveille alternativement
la carte et la profondeur indiquée par le sonar (80 mètres,
70, 50, 40). C'est bon, pas de récif ni de haut fond. Nous attrapons
les jumelles dans le cockpit (fournies avec le bateau) et examinons cette
curiosité. On dirait la couleur du soufre, ou bien d'une peinture,
mais qui irait mettre des tags à cet endroit ? Finalement, ce doit
plutôt être des plaques de lichen ou d'algues tapissantes :
bizarre, bizarre.
Tout
d'un coup, un superbe papillon jaune géant vient voleter autour des
voiles.
"Attention,
tu es loin des côtes !" Il est tout fou, attiré par cet
obstacle, tourne un moment autour de nous avant de s'éloigner : il
est pressé, il doit avoir rendez-vous. Un autre lui succède,
de la même race, puis une sorte de papillon de nuit qui s'abat sur
le banc près de Yann. Je le prends d'abord pour une grosse sauterelle.
C'est la récré. Tout le monde rit et s'agglutine autour du
héros du jour qui grimpe sur les vêtements de Yann et court
se réfugier dans ses cheveux ! On l'attrape avec délicatesse,
pour l'observer davantage, puis il s'envole au loin. Evidemment, il y a
parfois aussi une mouette qui nous double avec aisance, mais c'est moins
original.
Nous
ne sommes pas seuls en mer, quoiqu'il n'y ait pas foule avec ce drôle
de temps. Yann nous fait remarquer des voiliers qui avancent à un
rythme régulier parallèlement à la côte : ceux-là
ont gardé le moteur en route. Nous ne les envions pas. La vibration
du moteur est désagréable, outre le fait qu'il est bruyant.
C'est tellement mieux de glisser en silence à la surface de l'eau...
Nous restons de longs moments muets, plongés dans l'écoute
du silence, simplement rompu par le clapot à l'arrière, autour
des safrans qui labourent les vagues.
Ce
voilier de location est bien entretenu, et aucun cliquetis incongru ne vient
rompre le charme de ces heures paisibles. Un hors-bord passe à proximité,
creusant des vagues qui nous ballotent un moment. C'est étonnant
comme la mer garde longtemps la trace du passage des bateaux. Elle n'est
pas si fluide que ça, ce serait plutôt comme de la crème
anglaise, liquide certes, mais avec une certaine viscosité qui l'empêche
de revenir immédiatement en place.
Sortie mer avec Yann Participants : Jean-Louis B., Xavier, Jean-Michel et Cathy |
1er juin 2003 |