Jean-Louis au sommet de RoquefixadeUne foule de papillons multicoloresNos hôtes nous ont conseillé la visite du château de Roquefixade, peu connu et peu visité, simple ruine, mais balade sympathique avec un beau panorama. Ensuite, nous pourrons enchaîner sur celle de Montségur, bien plus connu et plus fréquenté. Nous découvrons ainsi le "sentier cathare - GR du pays d'Olmes" balisé de deux traits horizontaux rouge et jaune et dont la forte odeur de buis me fait penser au Sentier de la Matûre en vallée d'Aspe. Ce premier château a une histoire typique comparable à celle de tous les châteaux dits "cathares".

Voici ce qu'indiquent les panneaux bilingues français-occitan dressés près du parking au pied du village. "Son existence est attestée depuis 1034 (avant le début de l'hérésie cathare). Pendant la croisade contre les Albigeois, les seigneurs (tous nommés de père en fils Bernard Amiel de Pailhès) sont de tous les combats aux côtés des comtes de Toulouse et de Foix dont ils sont les vassaux. Le château de RoquefixadeUne construction vertigineuse fixée au rocherQuant au village, sa présence n'est mentionnée dans les textes qu'à compter du XIIIème siècle, mais on a la certitude qu'y vivait à l'époque de la croisade des Albigeois une communauté de croyants cathares." Donc, pas de construction cathare, mais des lieux habités pendant un ou deux siècles par des gens tolérants, voire favorables à l'hérésie cathare.

Montségur est perché sur un piton solitaire et se voit de très loin. La taille du parking, avec de nombreux emplacements pour les bus, laisse imaginer les foules que ce site attire : impressionnant ! D'autant qu'il ne reste pas grand'chose, sinon une enceinte fortifiée et la base d'une tour. De l'autre côté, interdit à la visite, gisent les fondations du village arasé par la répression papale et franque, dont une partie est fouillée par les archéologues et le reste, enfoui entre les racines des arbres, est laissé intact pour la postérité. L'intérêt principal en est... le guide. Nous arrivons avec une demi-heure de retard, mais il tiendra en haleine son auditoire immense, disséminé partout dans l'enceinte des ruines du château, pendant encore une heure et demie. Doté de talents d'acteur et d'orateur, il captive les touristes qui, muets, revivent par son verbe l'histoire du château et de sa région.

C'est lui qui nous a fait réaliser l'absurdité d'isoler deux siècles d'histoire au milieu des 1000 ou 2000 ans écoulés. La plupart de ces châteaux, abbayes et villages existaient bien avant le XIIème siècle et ont perduré bien après (démolis et reconstruits, ou transformés à plusieurs reprises). Pourquoi les désigner du terme de "cathares", alors qu'il ne s'est agi que d'une hérésie parmi d'autres (car il y en eut de nombreuses depuis la mort du Christ, la Chrétienté étant peut-être simplement celle qui a le mieux réussi - provocation... -), et qu'elle a été rapidement écrasée par les forces conjuguées du Pape et du roi des Francs qui en a profité pour accroître ses possessions aux dépens du Royaume d'Aragon.

Jean-Louis reprend son téléphone pour chercher le gîte suivant. Personne ne répond, mais nous décidons de nous y rendre quand même. Arrivés au village de Montferrier, situé à 860 mètres d'altitude dans le massif de Tabe, avec un aperçu sur le château de Montségur, nous dit la brochure, nous suivons les flèches "Le Paquetayre" et sentons vite que nous sommes perdus. Je descends de voiture au stop (j'ai aperçu dans mon rétroviseur un taxi) et demande mon chemin : "Oh, mais vous ne trouverez jamais, suivez-moi, je vous y conduis !" : une chance extraordinaire. Ce brave homme nous fait faire demi-tour et nous amène jusqu'au début de l'impasse au bout de laquelle nous découvrons un nouveau site original, moins "chic", peut-être que le précédent, mais fort intéressant. Le PaquetayreUne jument et un âne paissent derrière une barrière. Une femme aux cheveux nattés longs à l'africaine nous accueille, toute étonnée de notre arrivée impromptue et, surtout, que nous ayons réussi à la trouver, tandis que mon oreille est attirée par les sons graves et mélodieux qui émanent d'une grande salle vitrée : j'ai l'impression d'être dans un film et je me retiens d'éclater de rire. Un stage intitulé "Rencontre avec sa voix, en quête de soi dans le souffle et le son, avec Michel Sauveplane" est en cours cette semaine-là, annoncé sur le site internet du gîte (nous l'ignorions, bien sûr).

Nous nous installons dans une chambre de la maison principale (les stagiaires sont dans l'annexe) puis faisons le tour du propriétaire avant de nous diriger vers une grosse pierre plate et moussue bordée de châtaigners arborant leurs hampes de pollen jaune et bruissonnant d'abeilles et d'insectes butineurs. Montségur tout au fondAttention ! Bouses de vaches ! Nous sommes à la campagne et dans une ferme. Un cri aigu retentit ! La roche à la douche solaireUne femme à demi-nue jaillit de derrière le rocher. Sa compagne explique : "Nous étions sous la douche solaire, mais maintenant, l'eau est froide, il vous faudra attendre que le soleil chauffe le tuyau pendant deux heures, demain matin, pour en profiter !" Nous n'en avons nulle envie : un peu trop rustique à notre goût.

La luminosité baisse peu à peu, des insectes m'importunent. L'heure du dîner approche. Les pensionnaires s'asseyent à la table commune dans la grande salle à manger garnie de meubles, vaisselle et couverts anciens, ainsi que d'objets rapportés de Mauritanie. De très belles photos du désert et des portraits de Mauritaniens ornent les murs : nos hôtes sont membres d'une association d'aide humanitaire, Le Paquetayredont l'objectif est de réapprendre aux populations l'usage de leurs plantes médicinales, tandis que les laboratoires français en cherchent les principes actifs. Michel est "herboriste", il possède son propre laboratoire de fabrication de produits et laisse à macérer fleurs et plantes dans de grands pots de verre sur l'appui des fenêtres. Il a deux potagers et une grande serre.

Le couple possède une propriété de 35 hectares de bois et de prés où paissent leurs moutons. Elle s'occupe de ses hôtes, et il passe son temps à l'extérieur : Fleurs qui macèrentinutile de préciser qu'ils ne s'ennuient pas ! En outre, elle reçoit des groupes pour lesquels elle met à disposition une grande salle de réunion indépendante, elle offre le gîte et le couvert aux cavaliers et leurs chevaux qui viennent à passer par là et propose des séjours à thèmes : fabrication du pain, cueillette et transformation des plantes médicinales et aromatiques, participation à la transhumance, sorties nature ou moyenne montagne, et vente de produits fermiers issus de l'agriculture biologique. Elle nous confie que, jusqu'à ce qu'ils reprennent cette propriété, celle-ci passait de main en main tous les trois ans : les acquéreurs sous-estimaient peut-être le travail à faire, et ne supportaient sans doute pas l'isolement (relatif) de la ferme.

Nous dînons et prenons le petit déjeuner de concert avec le groupe d'adeptes et son gourou, fort sympathique par ailleurs, quoique un peu cabotin, aimant bien plaisanter, rire et manger. Notre hôtesse nous sert une délicieuse soupe à la carotte, poireau, lentille et pois cassé, aromatisée à la bergamote et à la cannelle. Aux pâtes qui suivent elle a ajouté de la tomate à peine cuite et du basilic. Une des confitures maison du petit déjeuner est faite de poire à la cannelle : un régal !

 

 

DEBUT
3/5

 

Les châteaux cathares : une supercherie ?