Le
jour suivant, nous faisons trois groupes. Serge, Max, Xavier et Yann font
le pic du Néouvielle (Jean-Marc et Thierry sont déjà
repartis chez eux). Richard, Jean-Louis et moi refaisons la balade du lac
de Barroude, que nous aimons beaucoup. Isabelle et Michèle emmènent
gentiment tous les enfants dans la vallée du Moudang où ils
sont sensés marcher jusqu'aux granges aller-retour pour mériter
de faire de l'escalad'arbres. En fait, partis vers 10 heures d'Orédon,
ils souhaiteront manger dès 11 heures, et feront leur escalade sous
la pluie battante à partir de 2 heures et presque jusqu'à
4 heures, pendant qu'Isabelle et Michèle feront un petit tour à
Saint Lary.
Je suis contente, car il a suffi que je
dise que je regrettais de n'avoir pas vu de marmottes ni d'isards pour qu'ils
apparaissent soudainement. En fait, je les cherchais car nous en avions
déjà vu sur le trajet de Piau-Engaly à la haute vallée
qui domine le lac de Badet, avant la Hourquette de Chermentas. C'est d'abord
une grosse marmotte que j'ai aperçue, d'abord de dos, parfaitement
immobile, que j'ai distinguée de son environnement de pierres et
d'herbe par miracle, car ses formes étaient plus arrondies, plus
brunes et plus douces au regard. Quant
aux isards, c'est le mouvement de leur fuite à l'approche d'autres
promeneurs qui m'a permis de les apercevoir, bien qu'ils fussent assez éloignés,
vers le haut des pâturages, près des éboulis qui s'amassent
à la base des falaises.
J'aime
ces animaux fins et racés, à la course légère
qui me laisse toujours une pointe de jalousie au creux de mon coeur, moi
qui dois fournir tant d'efforts pour grimper d'un pas de sénateur...
Je retrouve aussi une belle vesse de loup, de grandes fleurs bleues-mauves
qui poussent en parterres dans les creux humides et des chardons roses.
Mais ce que je préfère, ce sont les myriades de fleurettes
minuscules et multicolores aux pétales délicats, tous différents,
et
ces drôles de plantes d'altitude collées au sol, mousses, herbes,
lichens et plantes grasses aux formes multiples et diverses qui développent
malgré leur fragilité apparente des défenses incroyables
contre les intempéries et le froid pour subsister avec un soupçon
de terre dans une fente de rocher.
Ici encore, le bétail paisse en toute
liberté, sans doute contrôlé de loin en loin par des
bergers (ou des bergères). Nous assistons à une brève
altercation entre deux jeunes taureaux qui se cognent violemment de la tête
comme nous avions vu des béliers le faire dans cette même vallée
en allant à la Hourquette de Héas. Vers le col, un gamin se
cache derrière un rocher et laisse passer sa mère et sa soeur
sans mot dire. Lorsqu'il
est découvert, il se met à courir dans les pâturages,
suivi par sa soeur, en chassant devant lui un troupeau de moutons. Richard
se met en colère et lui crie d'arrêter, que c'est interdit.
En
effet, nous devons nous considérer comme des invités dans
une zone où le bétail et les animaux sauvages séjournent
librement, et ne devons en aucun cas perturber cet environnement fragile.
En outre, il y a beaucoup d'agneaux, c'est le meilleur moyen pour risquer
l'accident qui ferait certainement le bonheur des vautours, mais enfin...
Mis à part ce trio, il n'y a pas
foule sur le sentier, et nous pouvons admirer tranquillement le panorama
aux couleurs changeantes, où les nuages laissent traîner leur
ombre qui se déforme dans le relief. Le
soleil éclaire plus souvent le lointain que notre sentier, mais tant
qu'il ne pleut pas, il ne faut pas nous plaindre. Nous pensons beaucoup
à Yann, qui s'est laissé entraîner par les autres à
faire l'ascension du pic du Néouvielle, "un 3000" dont
il voulait faire l'expérience.
Nous
sommes inquiets car il a dû faire deux ou trois petites excursions
en montagne en deux ans, et le footing qu'il pratique plus ou moins régulièrement
en période non estivale : il manque donc très probablement
de forme physique. Nous nous faisons des reproches en nous disant qu'il
aurait fallu insister pour l'emmener à Barroude, qui demande de l'endurance
pour cette balade de 8 heures, mais pas d'effort violent, et ne présente
pas de difficulté technique.
Nous nous trompons sur son compte. Son visage
réjoui nous rassurera le soir. Il
est passé comme un isard d'un rocher à l'autre, comme s'il
était sur ses côtes bretonnes, et il a gardé un rythme
lent mais régulier dans la montée, où il a parfaitement
suivi les autres qui ont pris garde à ne pas le distancer. En trois
heures ils étaient au sommet (de 8 à 11 heures), les névés
plus étendus qu'il y a deux ans, mais de texture ferme et non verglacée,
ayant permis de progresser plus facilement, couvrant les derniers gros rochers
qui m'avaient tant ennuyée d'un manteau stable et régulier.
Pour
revenir à Barroude, le temps se gâte de plus en plus. A notre
arrivée au lac, le temps de chercher un gros rocher pour nous abriter
du vent et manger, la pluie commence à tomber à grosses gouttes
et très rapidement en averse très drue. Nous nous hâtons
vers le refuge déjà bondé de gens et saturé
en humidité qui s'élève des vêtements et des
sacs.
Des
randonneurs se poussent un peu pour nous faire de la place à leur
table. Nous sommes chanceux : tout un groupe avec de jeunes enfants reste
debout puisqu'ils ne consomment pas. Nous étalons notre pique-nique
et commandons un café au lait (très amer, mais agréablement
brûlant). La population des randonneurs recouvre toutes les tranches
d'âge, à part le bébé et la personne très
âgée. Pourtant, cette balade est plutôt longue et toute
en montée, surtout depuis Aragnouet, départ de randonnée
plus direct vers Barroude, mais qui oblige à faire un aller-retour.
Le temps ne s'améliore pas. Nous
décidons de repartir, bien couverts, Jean-Louis et moi de deux k-ways,
et Richard d'une cape (des chemins de Saint Jacques de Compostelle) qui
le fait ressembler à Quasimodo. Dès que le sentier nous permet
de marcher de front, Richard
commence à organiser avec Jean-Louis la veillée pour surprendre
Yann et sa famille qui ne connaissent pas les secrets du mage
que nous avions découverts à Lescun. Pris dans la discussion,
nous oublions les intempéries et progressons d'un bon pas. Une fois
le sujet épuisé, les deux hommes se mettent à parler
des merveilles des grands nombres. Tout à leur mathématique,
ils me distancent car je me mets à grapiller de gauche et de droite
des framboises sauvages qui poussent en buissons épais sur les pentes
proches du bas de la vallée. Elles sont petites, mais succulentes,
et je me régale tandis qu'ils m'attendent près d'une demi-heure
dans la voiture en écoutant les J.O. d'Athènes et en regardant
la pluie tomber sur le pare-brise...
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Séjour
en vallée d'Aure |
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du 17 au 20 août
2004
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Participants : Michèle,
Max, Julien et Jérémy, Isabelle, Yann, Florian et Cécile,
Richard, Anna et Sammy, Cathy, Jean-Louis, Cédric et Jonathan,
Xavier C., Serge C., Jean-Marc, Thierry |