Durant
notre séjour, j'ai terminé le livre passionnant de Michel
Pastoureau,
"Une histoire symbolique du Moyen Age occidental".
A la lumière de mon vernis de connaissances fraîchement
acquises, j'ai remarqué une foule de détails à côté desquels
je serais passée sans
y prendre
garde, signes des temps passés qui imprègnent imperceptiblement
mais profondément notre présent, divisant jusque dans
les instances européennes
les mentalités modelées par d'anciennes croyances, comme
on le voit pour la
crise boursière
dans l'alliance France-Italie contre Allemagne-Grande Bretagne : le
Lion du bassin méditerranéen, introduit par Rome, et
l'Ours slavo-germain, emblème des anciennes tribus nord-orientales.
Je
m'étonne de l'omniprésence de signes religieux catholiques,
comme si nous étions en Espagne. Il m'était resté de
ma scolarité le vague souvenir
des protestants français fuyant la persécution pour se
réfugier en
Hollande. En réalité, l'histoire est bien plus compliquée
que cela. Bruges, au cours du Moyen Age, était devenu un centre
commercial et artisanal très important, mais les disparités
dans la répartition des
richesses étaient telles que de nombreuses révoltes eurent
lieu.
En
1302, les classes populaires prirent parti contre le roi de France,
allié de la classe dominante, en faveur du comte de Flandre
qui s'allia ensuite au duché de Bourgogne sur lequel a régné Marie
de Bourgogne, grand-mère de Charles Quint. Celui-ci, issu de
la famille des Habsbourg, est
né à Gand, tout à côté de Bruges,
en 1500, duc de Brabant sous le nom de Charles II (1515-1558), roi
d'Espagne et de l’Amérique
espagnole, sous le nom de Charles Ier (Carlos I), roi de Sicile, sous
le nom de Charles IV (Carlo IV)(1516-1558) et Empereur du Saint Empire
Germanique (1519-1558) sous le nom de Charles V (Karl V), qui mourut
le 25 septembre
1558 au monastère de Yuste en Espagne. Il n'est pas étonnant
par conséquent de rencontrer aussi à Bruges le symbole du pèlerinage à St
Jacques de Compostelle, avec la coquille et le bourdon.
C'est
sous le règne de cet empereur que fut consommé le schisme de Martin Luther
à partir
de 1517, avec
toutes les guerres de religion qui s'en sont suivies.
Celles-ci
aboutiront à la fin du XVIe s. à la séparation des
17 provinces des Pays Bas : les
provinces méridionales (Artois,
Flandre, Hainaut, Wallonie) restent fidèles au catholicisme
et forment l'Union d'Arras, alors que les sept Provinces-Unies du Nord
(Hollande, Zélande, Gueldre, Utrecht, Frise, Overijssel, Groningue)
réunies dans l'Union d'Utrecht restent calvinistes. La future
séparation des Pays -Bas est ébauchée. Comme toujours,
la religion est liée au politique, puisqu'elles correspondent à la
lutte des Pays Bas contre l'Espagne, représentés respectivement par
le prince d'Orange, Guillaume de Nassau, dit le Taciturne, dont la
qualité de
prince d'Empire faisait la première personnalité des
Pays Bas, et le fils de Charles Quint Philippe II qui conduit l'Inquisition
et la répression
menée
dans les Pays Bas avec le duc d'Albe.
Toujours
dans la série des "signes", je remarque cette enseigne
de botte éperonnée et couronnée, datée de 1527-1823, intégrée dans
une façade comme un blason, et la sphère armillaire, représentative
peut-être d'une maison d'armateur, juchée tout en haut en guise de
paratonnerre. Une statue m'impressionne aussi, formée d'un couple disparate,
un chevalier en armure et un homme en robe (magistrat, bourgeois, religieux...)
tenant un parchemin scellé, qui empoignent ensemble une épée d'un air
martial, leurs blasons respectifs indiquant leur appartenance (j'ai
malheureusement omis de noter de qui il s'agissait). Un autre a fait
sculpté sa figure patibulaire au-dessus de son blason à l'angle de
sa maison. Cette
ville est emplie de fantômes...
Heureusement
qu'elle se mêle harmonieusement à la modernité.
Nous allons d'une vitrine
à l'autre, moi qui ne fait jamais de lèche-vitrine d'ordinaire,
tant elles sont attirantes. Bruges, tout comme Bayonne, est capitale
du chocolat. Elle
présente ses douceurs au milieu d'une débauche de couleurs
d'automne, feuilles multicolores, nymphes et libellules, champignons
et lutins,
racines torturées et pommes de pin décorées. C'est
bientôt Noël, mais
je me demande si l'on ne fête pas ici plutôt, comme en
Allemagne, la
Saint
Nicolas, Sinterklaas pour les Flamands, les 5 et 6 décembre,
dont on voit l'effigie répétée dans tous les formats,
en houppelande et mitre rouges et grande barbe blanche, assez semblable
au Père Noël.
Un peu plus loin, voilà Tintin bien sûr, belge célèbre
s'il en fut, qui sert d'alibi à la présentation de vêtements
de son style ou de multiples objets et personnages issus des B.D. Une
vitrine de jeans
affuble ses mannequins de globes transparents, de même que Milou à
leurs pieds, tandis qu'une maquette de fusée évoque Tintin
sur la Lune.
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Cathy, Jean-Louis, Cédric | Escapade à Bruges |
1er octobre 2008 |